L'exposition des Rolling Stones en France s'ouvre à Marseille ce jeudi, au stade Vélodrome. Des centaines d'objets ayant appartenus au groupe sont à voir jusqu'au 5 septembre. Et qui pouvait en parler le mieux que le critique de rock Philippe Manoeuvre, ex-rédacteur en chef du magazine Rock&Folk.
Quand il a appris qu’il serait le parrain de la seule escale française (à Marseille) de l’exposition Unzipped dédiée aux Rolling Stones, Philippe Manœuvre a appelé sa maman. "C’est vrai que tu les suis depuis longtemps, lui a-t-elle répondu, tu sauras quoi leur dire !"
À 66 ans, l’ancien rédacteur en chef de Rock&Folk redevient jeune quand il évoque "le meilleur groupe du monde, de tous les temps." Il ponctue ses phrases de "Whaouh" enthousiastes, raconte ses souvenirs comme s’il n’avait pas vieilli, lui non plus.
Il avait treize quand il a découvert leurs visages. "C’est une pochette qui m’a fasciné. Celle de Let’s spend the night together. Il n’y avait pas de nom de groupe. Pas de titre de chanson, juste une photo bleue faite au petit matin quand ils sortaient de studio à l’aube. Ils sont tous les cinq là, dans la brume, dans un parc anglais."
"Quand j’ai vu cette photo, je suis resté scotché devant le magasin où la pochette était en vitrine. Mes parents ne s’en sont pas aperçus, ils ont encore marché dix minutes puis d’un seul coup ils se sont demandé : "mais où est Philippe ?"
Quand j’ai entendu la musique, je suis tombé par terre.
"Ils sont revenus me chercher, poursuit Philippe Manœuvre. J’étais en extase avant même d’avoir entendu la musique. Je savais que c’était ce groupe-là qui serait mon groupe. Je trouvais leur tête intéressante, ils avaient une espèce d’attitude, une aura autour d’eux. Ça ressemblait à des rebelles."
"Ce n'était pas un groupe pop, souriant content d’être là. On sentait qu’il y avait autre chose et qu’il y avait un mystère derrière cette musique et quand j’ai entendu la musique, je suis tombé par terre."
Depuis, la vie du critique du rock suit celle des Stones, bien avant qu’il ne les rencontre en personne. "J’avais 15 ans, je suis arrivé au lycée avec Let it bleed sous le bras et il y a des filles de 17 ans qui sont venus me parler pour me dire "waouh c’est intéressant !" Ça m’ouvrait des portes d’être fan des Rolling Stones dans les années 60-70."
En 1971, poursuivi par le fisc anglais, Keith Richards s’installe en France et loue la Villa Nellcôte sur la Côte d’Azur. C’est là qu’est enregistré l’album Exile on main street. Mais des déboires avec la police, principalement du fait de la consommation de drogue du guitariste, amènent les autorités françaises à l’interdire de séjour.
En 1973, RTL emmène 6.000 fans en train voir le concert des Stones à Bruxelles. Philippe Manoeuvre, 19 ans à l’époque, est de la partie. C’est la première fois qu’il les voit sur scène. "C’était une aventure. On a vécu une grande aventure artistique ensemble."
Depuis, le critique a assisté à plus de 80 concerts du groupe partout dans le monde. "Quand il y avait des répétitions, un nouvel album, j’étais là, je les interviewais."
"Les Rolling Stones ne sont pas un groupe, ils sont un mode de vie", écrivait leur ancien manager Andrew Loog Oldham sur une pochette d’album.
Philippe Manoeuvre ne peut qu’approuver, rieur. "Quand ils me voyaient arriver ils pouvaient dire : "voilà notre cœur de cible !" Ils voyaient un gamin de dix ans de moins qu’eux, mais qui s’habillait comme eux, qui avait les cheveux comme eux, qui essayait d’être un Rolling Stones dans sa tête. C’est nos dieux, le dieu qu’on s’est choisi."
Dans les coulisses de l'expo :
Dans la vraie vie, des interviews aux backstage, ses idoles se révèlent "courtois, pleins d’humour, diserts. Ils sont généreux, ils sont gentils. Évidemment ils peuvent s’énerver. Des gens ont subi la colère de Mick Jagger par-ci par-là. Ce sont des musiciens donc ce sont des gens pleins de tact. "
Dans les années 1990, des critiques s’interrogent : "peut-on être un papi et faire du rock ? (...) des milliardaires peuvent-ils encore prétendre au statut de rebelle ? (...) les Stones doivent-ils rendre leur micro, laisser place à la nouvelle génération ?".
Philippe Manœuvre se rappelle notamment d’une émission particulièrement virulente animée par Thierry Ardisson où, seul avocat du groupe face à ses contempteurs, il est "convoqué".
"Je les défendais mordicus ! Je disais "vous êtes fous !, c’est génial de toujours les avoir avec nous. Moi je sais que les groupe de rock c’est fragile. Regardez on a perdu Led Zeppelin, les Sex Pistols, etc."
Le critique a souvent interrogé Mick Jagger sur la longévité du groupe. "Pourquoi vous êtes restés ?", disait-il. La star répondait : "peut-être que nous on avait un projet, Philippe."
En 2022, le groupe fêtera ses 60 ans d’existence. Depuis cinq ans, il prépare un album pour l’occasion. Peut-on espérer les voir revenir sur la scène du Vélodrome ? "Mais pourquoi pas !", s’exclame le connaisseur.
"Hier Mick Jagger a sorti un nouveau morceau. Il parle de l’épidémie et de ce qu’il vit depuis un an. Il dit "je voudrais bien m’acheter de nouveaux habits, j’en peux plus, j’ai envie de remonter sur scène j’ai des concerts à donner, bordel !"
Et pourquoi pas à Marseille ?!
Pour Philippe Manoeuvre il est impensable que le groupe sorte un album sans donner des concerts autour du monde.
"Et pourquoi pas à Marseille ?! C’est une de leurs grosses villes. Ça a toujours été plein. Ça a toujours été l’émeute dès le premier concert à la salle Vallier où Mick Jagger doit quitter la scène parce qu’un spectateur fou de bonheur a lancé sa chaise en l’air et elle a atterri sur l’arcade sourcilière de Mick."
Récemment, le magazine GQ a interrogé Keith Richards sur les projets du groupe pour les prochaines années. "Eh bien, a répondu la star, les plans sont de rester tous en vie."
On l'espère bien, parce que tous leurs fans (et nous aussi) sont super chaud pour les voir à nouveau sur scène.