Depuis le lancement à Marseille le 18 mars de l'opération "place nette XXL", les policiers sont mobilisés dans "la guerre" contre le trafic de drogue que le gouvernent entend mener. Une mission prioritaire qui vient s'ajouter au durcissement du plan Vigipirate et à la sécurité autour des Jeux Olympiques. L'addition est salée pour les policiers de terrain, selon le syndicat SGP Police.
Le mardi 19 mars, le chef de l’État en personne débarquait à la cité de la Castellane à Marseille pour annoncer une "opération sans précédent" contre le trafic de drogues baptisée "place nette XXL". Dans le collimateur, la deuxième ville la plus peuplée de France, considérée comme principale plateforme de la vente de drogues dans l’Hexagone. Le vendredi 22 mars, le gouvernement français relevait son plan Vigipirate au niveau "urgence attentat".
Bruno Bartocetti, secrétaire national du syndicat Unité SGP-Police, chargé de la Zone sud revient pour France 3 Provence-Alpes sur les conditions de travail des policiers.
France 3 Provence-Alpes : La dernière saisie en date à Marseille, fait état de 625 000 euros saisis et quatre mises en examen, qu'en pensez-vous ?
Bruno Bartocetti : C'est la preuve que l'on arrive à saisir de la cocaïne, des armes, de l'argent et la somme récupérée montre que le trafic de stupéfiants rapporte énormément, donc c'est intéressant. Mais il faut aller beaucoup plus loin. Ce n'est pas comme ça que l'on repoussera le trafic de drogue, parce qu'on ne met pas les moyens. Il faudrait mener des opérations comme celles-ci tous les jours et malheureusement ce n'est pas possible, car nous devons couvrir d'autres missions.
Que manque-t-il aux policiers pour travailler efficacement dans de bonnes conditions ?
Des moyens, notamment pour les enquêteurs, ces policiers que l'on ne voit pas sur le terrain qui traitent les procédures. Ils sont en souffrance, pour certains à la limite du burnout. De lourdes procédures en cours s'entassent, des dossiers de règlements de compte toujours plus nombreux, des crimes et délits qui viennent s'ajouter au trafic de stupéfiants… Alors ce n'est pas parlant, c'est moins spectaculaire que les opérations "place nette", mais c'est inquiétant.
L'opération Place nette vient s'ajouter à notre quotidien, aux violences intrafamiliales, aux rodéos urbains, aux alertes à la bombe, aux risques d'attentat... Tout devient une priorité, alors comment peut-on travailler autrement que sous pression ?
Bruno Bartocetti, secrétaire national du syndicat SGP-Police Zone sudà France 3 Provence-Alpes
Au sein de l'institution policière, tout le monde a la pression, du directeur, au gardien de la paix parce que notre société est malade. Et cette pression a des conséquences physiques sur les individus.
Les Jeux Olympiques sont un sujet de préoccupation ?
On va nous demander de travailler sans jour de repos, sans congé, sans pouvoir gérer notre quotidien. Pas facile par exemple quand on est parent en garde alternée de s'organiser sans savoir comment on va être employé... S'il n'y a pas de volontaires, les policiers seront désignés d'office. Travailler quand on est fatigués physiquement et moralement, c'est risquer de faire du mauvais travail alors que dans ce métier, nous n'avons pas droit à l'erreur.
Récemment, des caïds de la drogue ont ironisé sur l'efficacité des policiers de l'opération place nette XXL. Quel est le ressenti de la profession ?
Il y a une frustration face à ce mépris… Mais on sait que l’on ne doit pas lâcher. Nous sommes souvent pris en otage par la politique, l'information et par l'émotion collective. Pour autant, 80 % des Français soutiennent leur police, malgré ce que peuvent dire les narcotrafiquants qui se fichent de nous, ou les voyous qui roulent avec des voitures à 100 000 euros et se sentent impunis. Et c'est ça qui nous fait tenir.
On est sans cesse instrumentalisés par les politiques, par les médias, pris dans les étaux de la communication, et on y laisse des plumes, psychologiquement.
Brono Bartocetti, syndicat SGP-Policeà France 3 Provence-Alpes
En France, on intervient toutes les 10 secondes, toutes les 20 minutes, nous sommes face à des refus d'obtempérer, qui ne sont rien d'autre que des tentatives d'homicides. Mais comme les infirmiers, comme les enseignants, on ne peut pas se décourager et céder à l'émotion.
— Bruno BARTOCCETTI (@usgpsud) April 2, 2024
Dans nos rangs, il y a de plus en plus de démissions et une crise des vocations. Le stress est énorme, mais quand vous êtes dans la police depuis 20 ans, eh bien, vous continuez, parce que c'est votre boulot. Mais c'est dur et beaucoup de flics consultent des psychologues ou des psychiatres et s'en cachent parce qu'il faut se montrer fort, parce que c'est tabou. Quand on pense que Bruno Le Maire promet des baisses drastiques de budget, cela ne laisse pas présager des renforts d'effectifs pour la police et la pression va continuer inexorablement à s'exercer.