C'est un personnage atypique et emblématique des Goudes, ce quartier du bout de Marseille. Le père Maurice est le prêtre des pêcheurs, ceux de la mer, et ils le lui rendent bien. Rencontre.
"Voilà les Goudes ! Regardez comme c’est beau ! Vous avez l’ancien Goudes, et le nouveau !" Maurice Gonzales est un peu le gardien de ce petit "village" de Marseille.
Gardien de l’authenticité des Goudes, gardien des petits chemins, gardien de la chapelle, et surtout des pêcheurs.
Maurice est le prêtre des Goudes et de Callelongue. Sa mission, veiller sur la mer et ses travailleurs. Et ils le lui rendent bien. A chaque visite sur le port, on entend au-dessus du clapotis de l’eau un pagnolesque : "Oh mon père !"
Pas un bateau qu’il n’ait pas baptisé. Pas un pêcheur qui ne connaisse le père Maurice : "Je les ai connus ils avaient dix ou douze ans. Je connais leurs familles. Les jeunes, ils ont grandi, les vieux, et bien peuchère, ils sont morts !"
Le père Maurice est nostalgique, peut-être un peu irrité : son village change. Lui, le natif du Rouet, qui venait petit "à pied, depuis le tram qui nous laissait à la Madrague", ne reconnait plus les Goudes : "Vous voyez, tous ces cabanons de pêcheurs ? Avant c’était des familles nombreuses ! Aujourd’hui, regardez les maisons, vous trouvez que c’est des maisons de pêcheurs ? Les architectes ne respectent pas la calanque. Ils construisent des maisons dignes de Prado Paradis !"
Le prêtre n’en veut à personne. Il constate : "Les gens des Goudes ont vendu. Il fallait pas vendre. Et maintenant le touriste veut dormir le matin. Avec le bateau qui démarre à 4 h, et l’odeur des filets, ça va forcément tourner mal ! Et ce sont les travailleurs de la mer les perdants."
Ce qui est sûr, c’est que le père Maurice dit ce qu’il pense, et qu’il a le verbe haut. Le tout enrobé d'humour, et surtout de l'humilité inhérente à sa fonction.
Les pêcheurs justement, ils comptent sur Maurice : "Il fait tout pour nous. C’est une figure emblématique des Goudes. Il nous protège et nous, on le protège comme on peut. Il veille sur nous quand on passe les nuits en mer", explique Cédric Reggio, à bord de son navire.
Même enthousiasme du côté du bar des Goudes, après une franche accolade et un café avalé en vitesse, son patron, Didier Tani, est fier de l’appeler "mon Père" : "Le père Maurice, il est en harmonie avec ce village, c’est notre curé des Goudes, et on en est fier !"
"C’est lui qui nous sonne les cloches tous les matins, et on adore ça."
Didier Tani, patron du Grand bar des Goudes
La cloche justement, au sommet de la petite chapelle, sur la route qui mène à Callelongue, nécessiterait un coup de neuf. Tous les matins à 9 h, le père Maurice tire énergiquement sur la corde : "Les roulements ont été mangés par les embruns. Ca coûte 4 000 euros pour les réparer, mais on a pas de sous ici !"
La chapelle Saint-Lucien des Goudes a été construite en 1932. Longtemps laissée à l’abandon, elle a même servi de "garage pour l’usine" : "J’ai fait beaucoup de travaux dans les années 80, et quand je suis parti, les habitants ont pris le relais" pour la remettre en état.
Le père Maurice dit la messe tous les matins : "C’est ma dévotion personnelle. Aujourd’hui, les gens sont pieux, mais ne sont pas pratiquants. Votre âge n’a pas de culture religieuse. Ce n’est ni un défaut, ni une qualité, c’est un état", précise-t-il.
Quand on lui demande s’il compte rester aux Goudes, Maurice rétorque : "A 80 ans, où voulez-vous que j’aille ? A part le cimetière..."
S’il est heureux ? : "C’est pas un mot pour un prêtre. Un prêtre est à l’aise là où il est, c’est tout ! Le bonheur pour nous, il est ailleurs !"