Le tribunal correctionnel de Marseille a rendu son jugement, ce jeudi 22 avril 2021, et condamné 11 policiers à des peines de prison avec sursis, pour des vols de drogue, d'argent et de cigarettes, dans l'affaire dite de la "Bac Nord", neuf ans après les faits.
C'est le jugement que tous attendaient, quasiment dix ans après les faits, près de deux ans après la cloture de l'instruction, dans la retentissante affaire dite de la "Bac Nord" à Marseille, ayant défrayé la chronique en 2012.
Sur les 18 prévenus, d'anciens policiers de la brigade anti-criminalité des quartiers Nord de la cité phocéenne, poursuivis pour des vols de drogue, d'argent et de cigarettes, onze ont été condamnés à des peines de prison avec sursis (les peines vont de deux à douze mois), et sept ont été relaxés.
Tous bénéficient d'une non-inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire. Ils pourront donc continuer à exercer dans la fonction publique.
Ainsi en a jugé le tribunal correctionnel de Marseille, ce jeudi 22 avril 2021, trois jours après les réquisitions du parquet, qui réclamait des peines allant de un an de prison avec sursis à trois ans de prison dont six mois ferme. Les faits étaient passibles de dix ans de prison.
La défense plaidait la relaxe.
Le rappel des faits
Tout commence fin 2011 à Marseille, quand la "gangrène" pourrissait le service de jour de la brigade anti-criminalité (Bac) des quartiers Nord, selon les termes du procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest.
Alerté sur des pratiques délictueuses auxquelles s'adonneraient plusieurs policiers de la Bac (argent, produits stupéfiants et cigarettes saisis sur le terrain auprès des revendeurs des cités et que les fonctionnaires garderaient pour eux), le magistrat saisit l'IGPN, l'inspection générale de la police nationale.
Lors de son enquête administrative, celle-ci place sur écoute les policiers de la Bac Nord, et mène des perquisitions. Les enquêteurs mettent la main sur des bijoux, de l'argent et de la drogue, que les policiers avaient pris soin de dissimuler dans des faux plafonds.
Pour se défendre, les policiers mis en cause expliquent qu'il s'agit, entre autres, de faire du troc auprès des petits dealers de quartier, afin d'obtenir davantage d'informations.
L'accusation, au contraire, leur reproche lors du procès pénal de s'être rempli les poches, se "servant sur la bête" en toute illégalité : en clair, ce n'est pas avec des méthodes de ripoux qu'on croise le fer avec les voyous.
La politique s'en mêle
En 2012, face à l'ampleur de la polémique, le Premier ministre Manuel Valls décide de dissoudre l'équipe de jour de la Bac Nord. "Il n'y a pas de place pour ceux qui salissent l'uniforme", déclare-t-il alors.
Au total, vingt fonctionnaires de police sont mis en cause (deux bénéficient d'un non-lieu, en 2019).
Sur les vingt mis en cause, "trois policiers sont révoqués, un est rétrogradé, des exclusions temporaires et des blâmes sont prononcés à l'encontre des autres", écrit le journaliste Jean-François Giorgetti sur son blog.
Sept policiers sont incarcérés durant deux mois et demie. Une terrible épreuve, raconte l'un d'entre eux lors du procès pénal, réprimant difficilement ses sanglots.
Malgré les "blâmes et exclusions temporaires" dont écopent quinze policiers suite à l'enquête administrative, quatorze garderont leur fonction, dans d'autres services ; le quinzième réintègrera la Bac Nord.
L'avocat d'un policier ayant écopé d'un blâme, Me Dominique Ramirez, parle d'un "coup d'éclat pour faire plaisir au ministre", Manuel Valls. Une affaire politique, en somme, qui servirait la carrière de certains, en enfonçant les policiers.
Un autre avocat de la défense dénonce la complaisance de la hiérarchie policière, ayant fermé les yeux, bien qu'étant au courant selon lui des agissements des policiers.
Tous plaident la relaxe, lors du procès au tribunal correctionel de Marseille. Seul sept finissent donc par l'obtenir.