Rafle de Marseille en 1943 : comment un journaliste a retrouvé des membres de sa famille survivants des camps d'extermination

Après la rafle de 1943, certains membres de la famille de Pierre Rival sont rescapés des camps d'extermination et se sont installés à travers l’Europe, à la Libération. À Marseille, sur les pas de sa grand-mère Tauba Minska, le journaliste et auteur poursuit ses recherches.

Il est le descendant d’une famille qui a traversé la seconde guerre mondiale, et recherche activement les survivants, à l’âge de 70 ans. Pierre Rival veut redonner vie aux siens, un travail de mémoire qu’il a démarré il y a huit mois, et a déjà porté ses fruits. Certains rescapés de sa famille ont eu une descendance, qu'il a recomposée, en scrutant quotidiennement les archives nationales. "Je suis tombé sur un document officiel où j’ai reconnu l’écriture de ma mère, et une autre écriture lui demandait des nouvelles. Cette personne c’était mon oncle: Jacob Minska."

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Il  met la main sur de nombreuses archives et découvre trois oncles, il n'en a connu qu’un. Une famille qui s’est éparpillée au fil des guerres à travers l’Europe. Un travail minutieux de reconstitution s’organise, pour celui qui estime que "ce travail de recherche doit être fait maintenant."

Le quotidien des Minka-Teitelbaum bouleversé par les guerres

De passage à Marseille, dans le cadre de la commémoration de la rafle du Vieux-Port, Pierre Rival est logé dans un hôtel proche du lieu de vie de sa grand-mère Tauba Minksa, c’était en 1925. Une femme brune au sourire grave, dont Pierre aperçoit le visage sur un cliché argentique, en 2022. Une femme qui subvenait aux besoins de ses deux filles en vendant des portefeuilles dans le quartier de la Canebière, à Marseille. Tauba est mère de cinq enfants lorsque la première guerre mondiale éclate. Elle et son mari Abraham Teitelbaum sont contraints de quitter l’Allemagne.

Le couple se réfugie en Belgique et vit de maigres moyens. Le pays est alors sous occupation allemande. Tauba et Abraham se séparent, elle est contrainte de placer ses aînés Jacob et Marcus en Autriche. Israël, son troisième fils sera placé en orphelinat à Metz, tandis que Tauba s’installe à Marseille, avec Chaja et Dora, ses deux autres filles. Dora, qui deviendra Dora Gross, est la mère de Pierre Rival. La deuxième guerre mondiale et les rafles successives décimeront une partie de la fratrie. Les photos et documents officiels sont le témoignage intact de chacune de ces existences.

Des parcours de vie qui se reconstruisent en Europe

Tauba sera déportée avec sa fille Chaja de Marseille jusqu’à Sobibor, en Pologne en 1943 où elle décédera. Israël, son fils, engagé militairement et politiquement sera assassiné à Maïdanek  quelques jours avant. Jacob sera déporté à Auschwitz, puis à Gross Rosen en Allemagne. Il survivra, mais restera traumatisé par la guerre. «Ses descendants que j’ai retrouvé, m’ont rapporté qu’à la vie de sa vie, mon oncle parlait continuellement de ce qu’il avait enduré », souffle Pierre. Le frère de Jacob, Marcus, s’enfuira en Belgique pour retrouver sa femme Mina. La jeune femme réussit elle aussi à s’enfuir d’un wagon de train, qui la conduisait tout droit à la mort.

Elle rejoint son mari, avec lequel elle fondera une famille en Belgique. La jeune Dora, la mère de Pierre Rival, au sourire insouciant sera incarcérée dans un camp de fugitifs en Italie, dont elle s’évade à l’aide d’un complice. Elle s’installe à Paris et y devient mannequin de chapeaux. Une femme élégante au regard facétieux, qui dissimule sous une nouvelle identité son passé tragique.

 Au plus près de ses aïeux

  « La première chose qu’a fait ma mère, après avoir eu confirmation que sa famille avait disparu, a été de fonder sa propre famille. Ma mère avait 23 ans en 1945. » Jusqu’à la fin de sa vie, Dora s’est murée dans le silence de ceux qui ont survécu, en permanence traquée.

Deux de ses frères, Jacob et Marcus en font également partie. Au total, trois des membres de cette famille ont survécu, sur sept. Un parcours sur le fil qu’a reconstitué Pierre Rival, en huit mois, avec l’aide d’une connaissance allemande pour accéder aux archives autrichiennes. Jacob a eu des enfants, Sylviane et Janie, que Pierre Rival recherche activement, deux identités qui manquent à cet arbre généalogique. «J’ai tenté plusieurs pistes, elles ont changé de nom, sûrement" .Les archives du Gard seront un point de chute.

Marcus et Mina ont eu un fils, René, un cousin qui vit en Israël, qu’il est parvenu à retrouver. «Je l’ai contacté, j’y suis allé avec beaucoup de délicatesse. Je lui ai expliqué que nous étions les petits-enfants de Tauba. Un long silence s’est installé, puis il m’a répondu que nous étions proches, très proches. » Le témoignage de Pierre Rival est ponctué de rires, de silence, parfois sa voix chavire. « Je suis heureux d’avoir rassemblé une famille. Avant, mon frère et moi, nous n’avions pas de famille, désormais nous avons des histoires de famille. »

Prochaine étape pour l’infatigable septuagénaire, il se rendra sur les différents lieux de vie de ses aïeux, la tombe de sa grand-mère à Varsovie, le camp d’extermination de Sobibor et Bruxelles. Pour faire revivre l’histoire de chacun d’eux, dans le sillon des documents que ses oncles, tantes et cousins ont laissé derrière eux.

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