De 205 000 manifestants, selon les syndicats à 40 000, selon la police... L'écart de comptage lors de la manifestation du 31 janvier a de quoi interpeller. Une spécificité marseillaise ?
Ils étaient 40 000 manifestants selon la police, 205 000 selon les syndicats. Soit plus de cinq fois plus. C'est le résultat des différents comptages du mouvement social mardi 31 octobre à Marseille lors de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
Pour avoir un ordre d'idée : 40 000, c'est environ deux tiers du stade Vélodrome. Et 200 000, un peu plus que la population de ville de Toulon. Un écart qui n'étonne plus beaucoup les Marseillais.
Quelles sont les différentes méthodes utilisées pour compter les manifestants ? L'écart a-t-il été toujours aussi important à Marseille et est-il plus important que dans les autres villes de France ?
Le comptage de la police
La préfecture de police des Bouches-du-Rhône nous a renvoyés vers le ministère de l'Intérieur. Cette dernière nous a indiqué que sa méthode de comptage n'était utilisée que pour les manifestations parisiennes.
Dans la capitale, les fonctionnaires de la préfecture de police se positionnent en hauteur, dans les appartements, à deux points différents du cortège pour les grosses manifestations. Le comptage est manuel, les policiers comptent les groupes de dix manifestants qui dépassent un certain point visuel comme un poteau ou un arbre.
A la fin de la manifestation, les agents comparent le chiffre obtenu et garde le plus haut, indique la préfecture de police. Spécificité parisienne : la préfecture filme tous les gros rassemblements. Le lendemain, un fonctionnaire est alors chargé de recompter le cortège.
Le comptage des syndicats
Du côté des syndicats, la CGT des Bouches-du-Rhône "ne commente pas ce sujet" et ne souhaite pas communiquer sur sa méthode de comptage. "L'important, c'est de voir que ça a augmenté par rapport à la première journée de mobilisation, le 19 janvier".
Comme l'indique Franceinfo, le comptage se fait manuellement par des militants placés le long du cortège qui comptent les lignes de manifestants. Ils estiment alors combien il y a de manifestants par ligne avant d'avoir le résultat final, au moyen d'une multiplication.
Il y a 12 ans, Yann Barthès et l'équipe du Petit Journal tournait en dérision le comptage des manifestants à Marseille, un comptage "à la louche" :
La technologie "Eurecam"
Un autre type de comptage, mis en place par le cabinet Occurrence, est utilisé depuis 2007. Le cabinet utilise la technologie "Eurecam" : des capteurs placés sur le passage du cortège créent une ligne virtuelle. Tous les manifestants qui franchissent la ligne sont comptabilisés par ces capteurs.
Cette technologie, utilisée notamment dans les aéroports, les centres commerciaux ou les musées, comporte néanmoins une marge d'erreur estimée autour de 30 %, indique Le Monde. Les mouvements des manifestants sont en effet plus complexes, avec des différences de densité ou de visibilité importantes. Le cabinet Occurrence indique réaliser des microcomptages manuels dans ces cas précis.
Une spécificité marseillaise ?
Reprenons les principales grandes manifestations depuis une vingtaine d'années en France. Le 28 mars 2006, 30 000 personnes sont dans la rue à Marseille contre le projet de loi instaurant le CPE, contrat première embauche selon les syndicats. 250 000 selon les syndicats : soit un coefficient multiplicateur de 8. Le même jour à Paris : x7.
Le 19 mars 2009, la manifestation pour la défense de l'emploi et le pouvoir d'achat réunit 32 000 personnes à Marseille selon les syndicats, 320 000 selon la police : x10. A Paris, x4.
Le 12 octobre 2010, cette fois-ci contre le projet de loi Woerth sur les retraites : à Marseille, c'est 23 500 manifestants selon la police, 240 000 selon la CGT. x10. A Paris, x5.
Prenons encore l'exemple de la manifestation du 5 décembre 2019 contre la réforme des retraites, le comptage est 6 fois plus important selon les syndicats à Marseille, 4 fois plus à Paris.
Enfin, le 29 septembre dernier, pour les retraites et les salaires, les syndicats comptent 8 fois plus de manifestants à Marseille que les policiers. 3 fois plus à Paris.
Ces exemples montrent qu'à Marseille l'écart a toujours été plus important qu'à Paris, excepté lors des deux mouvements les plus récents, le 19 et 31 janvier dernier, où le chiffre de la police est cinq fois plus faible selon la préfecture dans les deux villes.
En moyenne sur ces 7 exemples, les syndicats comptent 7,5 fois plus de manifestants que la police. A Paris, 4,7 fois plus.
L'écart de comptage dans la cité phocéenne n'est pas en hausse, il serait même en baisse si l'on prend exemple des deux dernières manifestations.
Deux nouvelles journées de mobilisation ont été annoncées par les syndicats : les 7 et 11 février.