Son nom est aussi connu que la Canebière, le Vieux-Port ou la Bonne Mère. En 80 ans, la prison des Baumettes a traversé bien des péripéties. Sans cesse confrontée à la surpopulation carcérale, critiquée pour sa vétusté, elle ouvre depuis peu un nouveau chapitre de son existence, avec un vaste chantier de rénovation. Plongée dans l’histoire et le quotidien d’un lieu quasi mythique.
Depuis toujours, pour la pègre marseillaise, les Baumettes sont une véritable institution. Des détenus de renom s’y sont succédé et aujourd’hui encore, le site fascine la petite délinquance qui considère un séjour là-bas comme un fait d’arme.
"C’est un monument, un incontournable" sourie Thierry Alves, directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille. "Moi quand j’étais petit, j’entendais parler des Baumettes, c’était la meilleure prison de toute la France !" raconte Fafa, détenu pour affaires de stupéfiants.
Pourtant au-delà du mythe, il y a la réalité : celle d’une prison confrontée très tôt au défi de la surpopulation et aux risques de débordement, une prison dont le délabrement et l’insalubrité seront dénoncés en 2012 par le contrôleur des lieux de privation de libertés.
Le film "Baumettes, peine perdue" nous emmène au cœur de ce célèbre centre pénitentiaire, en immersion auprès des surveillants et détenus, et retrace plusieurs décennies d’une histoire souvent méconnue.
Marc Briffa est surveillant brigadier ici depuis 1997. Ce site, il le connaît comme sa poche : il parcourt près de 10 km par jour, passant d’un bâtiment à l’autre, longeant les coursives, traversant mille fois les cours.
Comme ses collègues, il doit veiller en permanence à la sécurité, la sienne et celles des détenus, tout en assurant les activités journalières : repas, ateliers, promenade, parloir, sport…
Marc a fait ses débuts à "BH", alias Baumettes Historiques. Aujourd’hui, l'édifice est en cours de démolition pour laisser place à Baumettes 3, une maison d’arrêt flambant neuve qui verra le jour en 2025. Entretemps, il y a eu la construction de Baumettes 2.
Actuellement, un peu plus de 900 personnes sont détenues dans ce centre pénitentiaire à la gestion complexe.
"Nous avons Baumettes 2, mais aussi la structure d’accompagnement à la sortie, le centre de semi-liberté et enfin, à 19 km d’ici, 2 unités hospitalières", détaille son directeur Yves Feuillerat. "Donc un gros collectif de travail à gérer et une population pénale très diversifiée : 70% de prévenus, c’est-à-dire en attente de jugement, et 30% de condamnés. Nous avons beaucoup de courtes peines, la durée moyenne ici est de 4 mois et demi".
Une histoire tumultueuse
C’est en 1931 que fut décidée la construction des Baumettes. Objectif : édifier une prison au sud de la cité, loin du centre-ville. Le choix du site était lié aussi à la présence d’une carrière : les pierres seront utilisées pour construire les murs.
L’établissement devait pouvoir accueillir plus de 1300 détenus, dont 15% de femmes, selon un modèle cellulaire, autrement dit un détenu par cellule.
"Il n’a jamais véritablement fonctionné comme il était prévu initialement" souligne Jean-Lucien Sanchez, chargé d'études historiques au Ministère de la Justice. "Les Baumettes n’ont jamais été classées comme prison cellulaire car immédiatement, et de tout temps, il a fallu mettre plusieurs détenus par cellule, pour absorber le trop-plein."
Le problème de la surpopulation restera constant. A la Libération, le centre n'est pas encore tout à fait achevé que 5 à 6000 prisonniers de guerre s'y entassent, pour une capacité de 900 places. Avec le conflit algérien, les prisonniers issus du FLN viennent encore gonfler les effectifs.
Dans les années 80, la situation devient réellement explosive : en 1987, une mutinerie éclate chez les détenus. Des travaux sont alors entrepris en urgence pour agrandir l’établissement. Mais la surpopulation a aggravé la vétusté des locaux.
En 2012, le rapport du contrôleur des prisons dénonce l’état alarmant des Baumettes et des conditions de détention "inhumaines" : prolifération de rats et de cafards dans les cellules, murs couverts de moisissures, fils électriques dénudés, cour de promenade jonchée de déchets…
L’insalubrité atteint un niveau sans précédent. S’y ajoutent des violences grandissantes. Un plan de rénovation d’urgence s’impose.
"La difficulté consistait à maintenir à flot un établissement qui ne pouvait plus l’être. C’est pour cette raison que la décision a été prise de fermer les Baumettes, une décision difficile à prendre et en même temps absolument nécessaire" raconte Thierry Alves.
Le projet Baumettes 2, une extension de 1182 places, a donc été achevé en 2017. C’est désormais le chantier de Baumettes 3 qui débute.
Pour autant, la surface totale acquise dans les années 30 n’est pas extensible, alors faudra-t-il monter plus haut ? Complexifier les blocs ? De nouveaux défis attendent sans doute encore les Baumettes.
"Baumettes, peine perdue"
Un film de 52’ de Thierry Lashéras et Vic Demayo.
Une coproduction Eva Production / France Télévisions.
Diffusion le 3 février 2022 à 22h55 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.