TEMOIGNAGE. "Il me reste 14,27 euros pour finir le mois", les mères célibataires en première ligne face à la précarité

En France, un quart des familles sont monoparentales. Parmi elles, 33% vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14,6% pour le reste de la population. Trois mères célibataires nous ont raconté leurs problèmes de budget, de salaire et d'emploi du temps.

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À 28 ans, Manon* est mère de trois enfants. L'aînée a neuf ans, ses deux autres filles sont des  jumelles de sept ans.

Il y a quelque temps, Manon s'est mise à son compte, comme esthéticienne. Une façon de gérer son emploi du temps de maman solo. 

"Avant je partais à 6h30 de chez moi, je faisais garder mes enfants par une nounou, y compris le mercredi. Je finissais à 18h30. Le temps de rentrer, d'aller les chercher à la garderie, de les faire manger, les devoirs et la douche, mes filles se couchaient tard et voyaient peu leur maman."

Finalement, Manon a dû quitter son emploi salarié : "travailler me mettait plus en difficulté, financièrement et dans mon quotidien". Avant que la crise sanitaire ne passe par là.

"Ceux qui pensent qu'être une maman isolée c'est juste de profiter des aides, que l'on ne fait rien et que l'on a la belle vie, ce n’est pas du tout le cas", détaille Manon.

Une famille sur quatre est monoparentale

Selon une étude de l'Insee en 2020, 25% des familles étaient monoparentales, soit deux millions de familles où les enfants résident avec un seul parent, sans conjoint cohabitant. Or, elles sont parmi les plus touchées par la pauvreté monétaire.

Le seuil de pauvreté monétaire est fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit 1.102 euros par mois en 2019, mais la moitié des personnes pauvres avaient un niveau de vie inférieur à 885 euros mensuels.  

La pauvreté monétaire touche en premier lieu les chômeurs (38,9 %). Les retraités sont moins fréquemment en situation de pauvreté (9,5 %). Parmi les personnes en emploi, les travailleurs indépendants, comme Manon, sont plus vulnérables (17,6 %) que les salariés (6,8 %). 

D'autant que Manon voit son activité d'esthéticienne à domicile stagner avec la crise sanitaire. Des 1.200 euros de revenus et aides sociales qu'elle touche chaque mois, il ne reste souvent plus rien aux alentours du 25.

"Tout est plus cher aujourd’hui, je ne dirais plus qu’on vit, mais qu’on survit de jour en jour ; faire plaisir à nos enfants reste très rare, les récompenser pour de bonnes notes ou un bon comportement reste limite alors on se contente d’un Mcdo par mois et passer un moment agréable en famille".

À ce jour, 15 février 2022, il me reste 14.27 euros pour finir le mois.

Kathy, 41 ans, maman solo

Même en étant salariée et fonctionnaire, Kathy*, 41 ans, connaît elle aussi des fins de mois difficiles.

"Je gagne 1.340 euros net par mois, témoigne-t-elle. J'ai un fils de 15 ans en garde alternée. Je n'ai pas de pension alimentaire, ni d'aide au logement."

Vient aussi pour Kathy le décompte des charges : "mon loyer est de 614 euros mensuels (près de la moitié de mon salaire). Avec tout ce que l'on doit payer, à ce jour 15 février 2022 il me reste 14.27 euros pour finir le mois. Autant dire que cela est impossible."

C'est la mère de Kathy qui lui vient en aide pour les courses et l'essence. "J'ai toujours travaillé et je ne m'en sors pas."

1.000 euros de frais fixes, l'impossible addition

En France, entre 30 et 40 % des pensions alimentaires sont totalement ou partiellement impayées. Ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Car les enfants vivant avec leur mère représentent 80% des familles monoparentales. Ils sont plus souvent en situation de pauvreté que les enfants vivant avec leur père, selon l'Insee.

Catherine* est salariée de la fonction publique territoriale depuis 16 ans. En catégorie C, elle gagne minimum 1.607 euros/mois. Elle est aussi aidée par le père de son fils de 10 ans.

Mais comment faire face aux 1.000 euros de frais fixes qu'elle doit assumer chaque mois ? "Loyer, assurances, mutuelle, téléphone, internet, cantine, centre aéré, prêts à la consommation, eau, électricité, gaz, et courses alimentaires", pèsent dans son budget et sont des dépenses inévitables.

Catherine fume pour faire face au "stress", c'est un coût supplémentaire pour son foyer. "Être présentable devient le parcours des combattantes", témoigne Catherine.

"Avant d’être une maman, nous sommes une femme, nous avons aussi besoin de prendre soin de nous, que ce soit le coiffeur, le maquillage ou des sorties exceptionnelles qui ne sont pas dans le budget", explique aussi Manon.  

"Le soutien d’un homme dans une maison stabilise toute une vie (…)  tout est une question de mental, il faut garder la tête haute car nous somme pas seule, nous avons des petits êtres vivants qui compte sur nous chaque jour".

Le seuil de pauvreté fixé à 1.102 euros

Avec leurs salaires et leurs galères, Manon, Cathy et Catherine font partie de ces travailleuses considérées comme "pauvres" par les statistiques.

Le seuil de pauvreté monétaire est donc fixé 1.102 euros par mois et par personne en 2019 et de 2 314 euros pour un couple avec deux enfants âgés de moins de 14 ans.

En 2020, selon des estimations provisoires, le taux de pauvreté serait stable, selon l'Insee.

Pour calculer l'indice de pauvreté d'une famille, l'Insee utilise la règle des unités de consommation (UC) : on affecte 1 UC au premier adulte, 0,5 aux autres personnes âgées de plus de 14 ans et 0,3 aux enfants de moins de 14 ans.

Par exemple, pour une personne comme Manon, mère de trois enfants de moins de 14 ans on compte 1.102 x (1+ 3 x 0,3) = 2.093,80 euros. Il lui manque près de 900 euros par mois pour sortir de la pauvreté.

"C'est vrai que nous avons des aides, dit-elle. Beaucoup d'aides par rapport à une personne qui travaille et qui n’a droit à rien... Mais j’aimerais faire comprendre à quel point il est dur de travailler quand on doit tout assumer financièrement. Si je travaille, je dois assumer plus de frais : prendre une nounou, payer la cantine, la garderie… Et mes aides seront coupées. Pour moi c'est impossible."

*Ces témoignages ont été recueillis en message privé suite à un appel sur notre page Facebook. Par souci de confidentialité, les lieux de résidence n'ont pas été précisés.      

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