Les élèves de terminale ont inscrit leurs deniers vœux, jeudi, sur Parcoursup. Pour ces futurs bacheliers, ce système de sélection apparaît parfois injuste et aléatoire.
Un grand moment de tension. Ce jeudi 9 mars était le dernier jour pour formuler ses vœux sur Parcoursup, la plateforme en ligne pour accéder aux études supérieures. Depuis plusieurs semaines, les lycées en France font barrage contre la réforme des retraites. Une occasion aussi, pour eux, de manifester leur mécontentement contre ce système de sélection.
L'angoisse monte pour Paolina Vincenti, qui vient de finir l'inscription de ses dix vœux. Cette élève de terminale au long cheveux blonds se sent perdue et estime ne plus avoir prise sur son avenir. "J'ai l'impression de devoir choisir ce que je veux faire plus tard maintenant et de ne pas choisir réellement, parce que c'est mis dans les mains d'un algorithme qui ne sait pas qui je suis", souffle-t-elle au micro de nos journalistes sur place, Karen Cassuto et Emmanuel Zini.
"J'ai peur de ne pas avoir fait les bons choix"
"Je ne sais pas ce que je vais faire. C'est le flou complet." SciencesPo, fac de droit, école de journalisme ou encore médecine... Paolina Vincenti ne sait pas quoi choisir. Elle penche pour la fac de droit, mais regrette de devoir prendre une décision aussi tôt, alors qu'elle ne sait "même pas ce que c'est le droit réellement".
D'autant qu'elle ne connaît pas vraiment les écoles inscrites dans ses vœux. "On me demande de choisir une fac juste sur un écran, grince la jeune fille. C'est un peu compliqué de savoir, je ne sais pas à quoi elle ressemble." Et puis, il y a cette question fatidique qui tourne en rond : que faire si je regrette mon choix d'orientation ? "J'ai peur de ne pas avoir fait les bons choix, de trouver une autre école qui me plaît plus et de pas pouvoir la demander parce que c'est trop tard."
Des stratégies pour avoir plus de chance sur ParcourSup
La lycéenne sait que la concurrence est rude sur Parcoursup. Elle nous livre quelques stratégies auxquelles elle a réfléchi. La première est bien sûr d'avoir la meilleure moyenne possible. "Un demi-point ça fait gagner 300 places, selon les écoles", assure Paolina Vincenti. Mais pas que. "Ça ne se penche pas que sur les notes. C'est aussi notre investissement personnel, notre engagement citoyen", assure-t-elle.
Parcoursup attend des futurs étudiants qu'ils écrivent des lettres de motivation afin de montrer leur intérêt pour l'école qu'ils ont sélectionnée. Paolina Vincenti a tenté une approche qui lui "correspond". "J'essaye d'écrire une lettre qui ne soit pas formelle, mais plutôt : "Je m'appelle Paolina, je ne sais pas ce que je veux faire plus tard." Je préfère montrer et dire qui je suis."
Un corps enseignant perdu
La lycéenne souligne que son école n'est pas d'une grande aide pour les élèves face à Parcoursup.
"Les professeurs ont du mal à répondre à nos questions, car, même pour eux, c'est flou"
Paolina Vincentià France 3 Provence-Alpes
Un "accompagnement personnalisé" est pourtant intégré dans les emplois du temps des élèves. Le corps enseignant est censé les accompagner dans leur projet d'orientation. Ils vérifient, par exemple, si les terminales ont bien inscrit leurs vœux sur Parcoursup.
Mais pour la future bachelière, ce n'est pas suffisant. La seule stratégie que ses professeurs lui conseillent : "Choisir une école avec le meilleur taux d'acceptation". "On ne sait finalement pas là où postuler", fustige-t-elle derrière ses larges lunettes.
Un discours incompréhensible pour la proviseure de l'établissement, Myriam Janin. "On n'est pas parfaits, mais on ne peut pas dire qu'on ne fait rien." Chaque semaine, 1 h 30 de cours est dédié à l'orientation des élèves.
Le lycée a organisé également, en novembre, "la semaine de l'orientation". "On a fait intervenir des directeurs de BUT (bachelors universitaires de technologie), de facultés, d'écoles d'ingénieurs pour des conférences ou pour échanger avec les élèves."
L'inquiétude de la famille
Sa petite sœur, Lisandre Vincenti, est en seconde. Elle suit étape par étape le parcours d'orientation de son aînée. "Ça ne donne pas envie", peste-t-elle. L'angoisse, elle la perçoit déjà deux ans avant le baccalauréat. "Selon les spécialités qu'on prend, on peut ne pas être accepté dans les écoles."
Mais ce sont surtout les parents qui sont inquiets et perdus face à cette situation. "On sent qu'il y a des tas d'interrogations auxquels on ne peut pas répondre, parce que, finalement, on n'a pas la main dessus. C'est un format tellement différent de ce que l'on a connu nous-mêmes", assure la mère de Paolina, Vanina Vincenti.
"On est complètement perdus. On ne peut pas les aider."
Vanina VincentiFrance 3 Provence-Alpes
Elle a peur également pour sa fille concernant le lycée d'origine et son propre système de notation. "D'un lycée à l'autre, est-ce que le niveau est réellement le même ? Une copie, à un endroit ou un autre, est-ce qu'elle a la même valeur ? Sur les moyennes qui sont prises en compte, est-ce qu'on obtient les mêmes moyennes ? "
Un quotidien partagé avec les autres parents. "Parmi toutes les personnes que je connais qui ont des jeunes en terminale, c'est la même chose", affirme la mère.
Prochaine étape le 6 avril
Pour Vanina Vincenti, Parcoursup, lancé en 2018, est un système aléatoire et injuste pour la globalité des élèves. "On ne comprend pas nécessairement quels sont les critères de sélection. C'est difficile de se positionner quand on ne sait pas tellement ce que l'on attend de nous. Il y a cet algorithme qui va statuer avec des critères qui ne sont pas transparents, qu'on ne comprend pas, qu'on ne maîtrise pas. On a l'impression de s'en remettre à quelque chose de complètement virtuel."
Cette mère d'élève a également l'impression qu'on impose plus de stress aux élèves de terminale sur le choix de leurs études supérieures que pour le baccalauréat. "On parle plus des choix Parcoursup et de la suite que du bac. On a presque l'impression que le bac ça devient une espèce de formalité."
La prochaine étape pour ces futurs étudiants sera la confirmation des vœux, le 6 avril, avant la phase d’admission. Après analyse des dossiers, les établissements supérieurs donneront leurs réponses à partir du 1er juin.