Le texte discuté ce mercredi à l'Assemblée nationale simplifiera le changement de nom de famille. Ce projet de loi est très attendu par des personnes qui veulent prendre le nom de leur mère ou l'ajouter à celui de leur père.
Environ 4.000 demandes de changement de nom ont été déposées en 2020. Plus de la moitié n'ont pas abouti. La procédure est longue (minimum deux ans) et compliquée.
C'est ce que veut changer la "proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation" débattue en première lecture par les députés ce mercredi 26 janvier.
Avec ce texte, à sa majorité l'enfant pourra prendre le nom de sa mère plutôt que celui de son père ou garder les deux dans l'ordre qu'il souhaite. Avant 18 ans, l'accord des deux parents sera nécessaire et en cas de litige, c'est le juge tranchera.
"C'est une loi du réel, la notion de couple a évolué, explique le député LREM de l'Hérault Patrick Vidal, initiateur de la proposition de loi. Aujourd'hui, on n'est plus dans cette démarche : la mère donne la vie, le père donne le nom".
Nous avons reçu de nombreux témoignages de personnes qui veulent changer de nom. Ce sont souvent des enfants victimes de maltraitance désireux de couper tout lien avec un homme qui n'est pas leur père biologique.
"Je voudrais changer de nom, car je porte le nom d’un homme qui m’a battu", témoigne Didi, 32 ans.
"Je porte le nom d’un homme qui n’est pas mon père, je porte le nom d’un homme qui n’est pas mon géniteur, je voudrais porter le nom de ma maman".
Atténuer la souffrance des enfants
L'histoire de ce jeune homme entre parfaitement dans le cadre de la future loi. Didi ne connaît pas son père, il est né d'une rencontre d'un soir.
L'homme qui a épousé sa mère l'a reconnu à sa naissance. "Il m'a battu et il a battu ma maman". Didi avait 11 ans quand le couple a divorcé.
Ce n'est que bien des années plus tard qu'il a appris la vérité sur son père.
"À 17-18 ans, ma maman m'a révélé qu'elle ne connaissait pas mon papa". C'est à partir de ce moment que Didi a envisagé de changer de nom.
Il y a trois ans, il a constitué son dossier. Il a été rejeté. "Ça m'a démoralisé".
Mais si la loi passe, il refera une demande. "C'est mon but".
Avec ce nom, je me sens sale.
Didi, 32 ans.
Le trentenaire ne veut pas transmettre ce nom à ses futurs enfants. C'est aussi ce qui pousse Thibaut à vouloir changer de nom.
Il a été reconnu à l'âge de trois ans par le compagnon de sa mère. Un homme dont il a subi les coups toute son enfance.
"Depuis que la vérité a éclaté, je n'ai qu'une envie c'est de changer de nom", explique-t-il. Mais jusqu'à présent, il s'est heurté aux "procédures complexes et l'argent à débourser ".
"Je ne supporte plus ce nom de famille, changer les procédures et simplifier les démarches seraient pour moi une très bonne idée. Retrouver le nom de ma mère, un rêve", ajoute-t-il.
Un gamin qui a été violé de l'âge de 3 à 12 ans, aujourd'hui il est adulte et il a toujours le nom de son bourreau.
Patrick Vignal, député LREM de l'Hérault
Pendant longtemps, le motif affectif lié à un passé traumatisant n'était pas considéré comme légitime selon l’article 61 du Code civil pour justifier un changement de nom.
Depuis un arrêt du Conseil d'État de 2012, il peut être invoqué mais dans des "circonstances exceptionnelles".
"Je vous donne un exemple glaçant, un gamin qui a été violé de l'âge de 3 à 12 ans, aujourd'hui il est adulte et il a toujours le nom de son bourreau et on lui a dit que pour l'instant c'était affectif et que c'était compliqué", s'indigne le député Vignal. "Demain, cela ne sera plus compliqué !"
Un géniteur qui prend la poudre d'escampette
La nouvelle loi est porteuse d'espoir pour Marine, qui a poursuivi en justice celui qu'elle nomme son "géniteur" et qu'elle accuse de "maltraitance physique et morale" sur elle et sa jeune sœur.
"Avec toutes les plaintes déposées contre lui, rien n'a fait. Nous sommes passés devant les juges pour enfants, mais rien... vous comprenez donc pourquoi porter son nom de famille est compliqué", témoigne-t-elle.
"Cela fait longtemps que les formes familiales ont évoluées sans compter que le cas de figure du géniteur qui donne son nom avant de prendre la poudre d'escampette a toujours existé, souligne Mandjie.
Elle aussi souhaite prendre le nom de sa mère. "Il n'y a pas de sens à porter le nom d'un parent inexistant, de sa propre volonté, maltraitant ou dans l'incapacité d'élever un enfant, sous tutelle par exemple".
Des règles plus égalitaires après un divorce
Le projet de loi veut aussi mettre mère et père sur un pied d'égalité en cas de séparation. Actuellement, une femme séparée ou divorcée ne peut donner son nom à son enfant, sans l’accord du père. Même si ce dernier ne donne plus de nouvelles.
C'est le cas de Lati. Elle entreprendra les démarches "dès que possible" pour son fils de 12 ans.
"Son père l'a reconnu à la naissance, mais n'est plus venu le voir depuis neuf ans. Il n'a aucun souvenir de lui et ne serait pas capable de le reconnaître un jour".
"Il m'a exactement dit : Maman c'est très lourd pour moi de porter le nom de famille d'une personne que je ne connais pas et qui ne représente rien à mes yeux".
Effacer le nom d'un "père alcoolique et absent", c'est le souhait d'Aurélie, mais dans l'état actuel des choses ce n'est pas un "motif légitime".
"Cela fait maintenant six ans que je souhaite changer mon nom, explique-t-elle, ne plus être associé au nom de mon géniteur (...) je souhaiterais pouvoir porter fièrement le nom de jeune fille de ma maman ainsi que mes grands-parents".
La nouvelle loi vise aussi à permettre à la mère d'ajouter son nom à celui de leur enfant. Notamment après un divorce.
"C'est une notion nouvelle d'équité, d'égalité dans le couple, insiste le député Vignal. On ne prend rien à personne, c'est une loi qui rajoute de la liberté".
L'objectif est de leur faciliter la vie et de mettre un terme à des situations vécues comme humiliantes.
"Je n’étais pas mariée avec le père de mes enfants, qui est parti", raconte encore Lizza. "Comme je les ai 95% du temps, je dois justifier que je suis leur mère. C’est blessant. Je souhaite qu’ils puissent avoir les deux noms de famille".
Une procédure simplifiée et gratuite
Dans la procédure actuelle, il faut justifier d'un motif légitime, publier sa demande au Journal officiel (JO) et dans un journal d’annonces légales (Jal). Les frais s'élèvent à 110 euros. La demande doit ensuite être adressée au ministre de la Justice.
Avec la nouvelle loi, il suffira de remplir un formulaire Cerfa à déposer devant l’officier d’état civil de sa mairie de résidence ou de naissance.
"Je suis étonné du nombre de messages que nous recevons, cela veut dire qu'il y a une attente extraordinaire", constate Patrick Vignal.
La loi s'appliquera à partir du 1er juillet 2022 pour avoir le temps de former les personnels de l'état civil. De l'information sera aussi faite dans les maternités, les hôpitaux et cabinets médicaux en direction des nouveaux parents.
Cette procédure simplifiée et gratuite ne pourra être utilisée par l'adulte qu'une seule fois au cours de sa vie.