Dans cet épisode, le malaise vous saisit dès que l'on évoque le Drapet, ce cheval immense ramasseur d'enfants perdus à Aigues-Mortes.
Imagine-toi, imagine-toi errer à la fin du crépuscule. Le mistral s’étend sur la mer voisine et les gens
s’éloignent de toi, peu à peu. Tu marches, lorsqu’une ombre très longue et sinueuse surgit.
Imagine-toi, imagino-te barrula à la fin dóu calabrun. Lou mistrau s’espandis sus la mar procho e lou mounde s’aluencho de tu, pau à cha pau. Camines quouro uno oumbro longasso e serpentouso sourgis.
Et puis, vient ce bruit effroyable : taquata, taquata, taquata… Attention, le Drapet arrive ! Les volets fermés de chaque maison détournent l'oeil curieux.
E pièi, vèn aquéu brut tras qu’esglaiant : taquata, taquata, taquata… Mèfi, arribo lou Drapet ! Li contro-vènt barra de cade oustau destournon l’uei curious.
Les enfants saisis un à un
Mais dehors, bien d’enfants restent, défiant leurs parents, ou par désir de liberté. Pourtant, le Drapet, un cheval blanc immense, est en chemin et commence sa ronde. Sous ses sabots, ferrés par un maréchal-ferrant inconnu, les pavés crissent.
Mai deforo, tant d’enfant demoron, pèr desfisa si gènt, o pèr desi de liberta. Pamens, lou Drapet, un chivau blanc inmènse, es en camin e coumènço sa roundo. Si bato, ferrado pèr un manescau incouneigu, escrachon la calado crussènto.
Un à un, il saisit par son museau les petits égarés dans la rue, pour les porter sur son échine. Son corps s’étire encore et encore.
Un à-cha un, aganto ‘mé soun mourre li pichot que se soun esmarra dins la carriero, pèr li carreja sus soun esquino. Soun cors s’estiro que s’estirara.
Des cris, des pleurs... puis le silence
Entre la tête et la croupe, tant de condamnés pleurent, ne sachant pas où ils vont, où ils disparaissent. La nuit s’achève et l’on n’entend plus de cris…
Entre la tèsto e la groupo, un mouloun de coundana plouron de pas saupre mounte van, mounte desparèisson. La niue s’acabo e s’ausis pas mai de crid…
Moralité : si tu es un enfant et que tu te promènes à Aigues-Mortes, obéis à tes parents et fais attention à ne pas errer la nuit, ou tu finiras comme ces égarés par centaines !
Mouralita : se siés un enfant e que te passejes en Aigo-Morto, óubeïs à ti gènt e mèfi de pas barrula de niue, o finiras coume aquéli centeno de desavia !
Textes écrits en provençal par Amy Rougeron-Cros