L'été s'annonce mouvementé dans les hôpitaux publics. Les chefs de service s'arrachent déjà les cheveux pour remplir les plannings. Et forcement c’est aux urgences que cela devrait être le plus visible. A Marseille à la Timone, les jeunes médecins qui prennent leurs gardes s’attendent à des jours difficiles.
Après deux années d'épidémie de Covid qui ont bouleversé le fonctionnement de l'hôpital public, les médecins manquent à l'appel.
A la Timone à Marseille, la situation est particulièrement dramatique.
Depuis le début de la crise sanitaire, le nombre d'urgentistes a été divisé par deux.
Bienvenue dans le plus deuxième plus grand service des urgences de France :
Justine, médecin junior, était avant la crise interne "vraiment avec quelqu'un au-dessus de moi, là c'est moi qui prend les décisions... on sait qu'on vient dans un terrain qui est hostile parce qu'au lieu d'avoir 30 médecins titulaires aux urgences, on est péniblement la moitié".
On a peur du flux, on a peur de passer à côté de quelque chose. De tuer des gens, parce que notre métier il est pas anodin. Quand on se trompe on tue des gens
Justine - médecin junior
A la Timone, les urgentistes accueillent jusqu'à 250 personnes par jour dans les 24 box réservés aux patients.
Gérer le flux des malades et trouver des lits
Camille, médecin sénior, avoue passer beaucoup de temps au téléphone "c'est insupportable". Car il faut donner des nouvelles aux gens, des informations quand ils arrivent, il faut trouver des places d'hospitalisation. "On passe notre journée au téléphone, trop. On devrait être plus auprès des patients".
Maîtriser le stress et les cadences infernales coûte que coûte.
Il faut dire que dans ce service de la Timone, on accueille un peu tout le monde 24 heures sur 24 quelque soit la situation et c'est bien là le problème.
Même si 20% des patients accueillis ne relève pas des urgences, les blouses blanches doivent faire avec.
Effectifs réduits
Selon Céline Meguerditchian, cheffe du service des urgences de la Timone "depuis début mai, on a globalement la moitié de l'effectif médical nécessaire à un fonctionnement normal de nos urgences". Le service compte actuellement quatre médecins urgentistes de front alors que dans l'idéal il faudrait être neuf.
A l'approche de la saison estivale, la crainte de l'afflux de patients se fait sentir. Tout le monde part en vacances, donc problématique pour ces services qui sont déjà en souffrance. Les effectifs médicaux dans les petits services vont forcément diminuer "on est pas sûr qu'ils vont pouvoir rester ouverts tout l'été, tenir tout l'été, en tout cas tous les jours, voire tenir la nuit."
On retrouve Justine, médecin junior, en compagnie d'un patient turc. Elle nous explique les difficultés de la langue mais pas seulement. Ce patient essaie d'utiliser une application de traduction "mais on peut pas, le réseau ne passe pas".
La garde de nuit
La relève pour la nuit démarre à 18h30 et c'est parti pour une garde de 12 heures.
Les trois jeunes médecins, l'infirmière et l'aide soignante font le point sur les pathologies des patients avec cette peur en permanence de passer à côté d'une urgence vitale.
Ce soir, la relève est assez courte puisqu'il y a sept patients.
Selon Dalia, médecin sénior, d'habitude il y a en moyenne une douzaine de patients. Ce qui complique la tâche à la relève qui doit intégrer beaucoup d'informations d'un coup. "Et c'est là où justement il y a une perte d'informations qui rend les choses plus difficiles".
La période estivale s'annonce particulièrement à risque. Alors pour affronter la surcharge de travail, la direction mise sur l'arrivée de plusieurs chirurgiens traumatologues pour renforcer les effectifs.
Mais les médecins ne sont pas dupes ce plan de bataille ne suffira pas.
Tenir le choc, les urgentistes de la Timone en ont pris l'habitude depuis de nombreuses années et ce qui restent ont toujours la foi, mais pour combien de temps encore.