La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix en Provence, a décidé ce jeudi en début d’après-midi de maintenir en détention provisoire les deux pilotes mis en cause dans l’affaire Air Cocaïne Bruno Odos et Pascal Fauret.
Les magistrats invoquent tout d’abord le risque de « concertation frauduleuse » entre les protagonistes de cette affaire. D’autres auditions et confrontations sont envisagées, certaines personnes n’ont pas encore été interpellées.
Les deux pilotes incarcérés à la prison des Baumettes à Marseille ont été conduits hier à Aix en Provence. Au cours de l’audience, ils se sont exprimés séparément chacun leur tour.
Bruno Odos explique « je n’ai pas l’habitude de parler à des juges, j’ai passé 35 ans dans l’aéronautique sans défaut, sans bavure. Pendant 1.000 jours tout a été mis à l’étouffoir, ma vie de famille aussi… »
Dans le box, Pascal Fauret, remplace Bruno Odos. Il indique que depuis le début de cette affaire sa vie a basculé « j’ai perdu mon emploi, mon métier, mes qualifications sont périmées. Je ne pourrais plus jamais exercer mon métier qui est toute ma vie… Cette affaire est en train de bousiller ma vie. Je ne fais pas partie de la mafia de la smala ou je ne sais quoi…On m’a cassé, on m’a coupé les ailes…»
680 kilos de cocaïne sont saisis
L’affaire date du 19 mars 2013, Pascal Fauret et Bruno Odos sont interpellés à Punta Cana. Dans le Falcon 50 qu’ils pilotaient, 26 valises contenant 680 kilos de cocaïne sont saisis.Le 14 août dernier, la justice dominicaine condamne à 20 ans de prison pour trafic international de cocaïne les pilotes ainsi que les deux passagers qui se trouvaient dans l’avion au moment de leur arrestation. Les quatre français font appel.
Le 18 octobre, Pascal Fauret et Bruno Odos quittent la République Dominicaine dans des conditions rocambolesques. 6 jours plus tard, ils arrivent en France et disent qu’ils se tiennent à disposition de la justice française, tout en clamant leur innocence dans cette affaire de trafic international de cocaïne.
Le 30 octobre, les deux hommes sont interpellés à leur domicile respectifs l’un à Saint Cyr au Mont d’Or près de Lyon, l’autre à Autrans dans l’Isère. Et sont acheminés à Marseille, par les gendarmes.
Le 3 novembre à 9h30, Bruno Odos se trouve dans le bureau de la juge Saunier-Ruellan. La magistrate indique au pilote qu’elle envisage de le mettre en examen supplétivement pour association de malfaiteurs et de détention et transport en violation des dispositions légales ou réglementaires des marchandises prohibées… Le 1er juillet 2013, il avait été mis en examen pour notamment des vols effectués en Equateur et en République Dominicaine.
"Une seule issue à notre situation"
Dès le début de l’interrogatoire, l’ancien capitaine de l’armée de l’air, raconte dans le détail son départ la République Dominicaine avec son camarade d’infortune. Il explique comment et avec qui s’est déroulée cette opération d’exfiltration :
"On a été contacté par Christophe Naudin 5 à 6 semaines avant de partir. Il est venu à notre contact. On le connaissait parce qu’on l’avait vu au procès. Il avait été entendu en tant qu’expert en sûreté aérienne. J’ignore quel était le but de son voyage, lorsqu’il est venu à notre rencontre. Quand nous nous sommes vus il était accompagné d’Aymeric Chauprade, c’était six semaines avant notre départ (environ). Ils nous ont fait comprendre qu’il n’y avait plus qu’une seule issue à notre situation et Christophe Naudin nous a présenté le plan de fuite.
Dans la voiture se trouvait Chauprade, Pascal, Philippe et moi. On avait un sac étanche pour mettre nos affaires personnelles que nous avait donné Christophe Naudin, lors du rendez-vous de briefing 6 semaines avant.
Nous sommes arrivés sur une plage, un bateau avec coque polyester de 10 mètres de long, avec deux moteurs hors bord était accosté à un ponton.
Nous sommes montés tous les quatre sur le bateau. Un pilote de type local nous attendait. On est partis direction sud-est. On a navigué une peut-être deux heures et on est arrivé à proximité d’un voilier avec un seul mât qui nous attendait en mer.
Christophe Naudin, nous attendait avec un skipper. Pascal et moi sommes montés sur ce voilier, et on est partis direction Saint Martin. Il a fallu trois jours pour y arriver…
Un taxi nous a emmenés, Christophe Naudin, Pascal et moi à l’aéroport. Nous avons embarqué tous les trois pour un vol inter-îles direction Pointe à Pitre. Les billets avaient déjà été achetés et tout était prêt, c’est Christophe qui les avait en sa possession. Une fois arrivés à Pointe à Pitre nous avons pris un vol pour Paris. Sur ce vol étaient présents Christophe, Pascal et moi. C’est pareil pour les billets, c’est Christophe qui les avait en sa possession. La compagnie était Corsair."
Question de la Juge : qui a financé cette fuite ?
Réponse : je l’ignore. En tout cas ce n’est pas moi
Question : Votre passeport avait du être confisqué par les autorités de la République Dominicaine, comment avez-vous fait pour prendre l’avion ?
Réponse : Lors de ma remise en liberté (en République Dominicaine) après 15 mois de détention, je n’avais plus de documents d’identité, car on me les avait volés au moment de l’arrestation. J’ai donc fait refaire une carte d’identité en passant par l’ambassade de France. Même chose pour Pascal.
Lors de son interrogatoire le 4 novembre, Pascal Fauret est resté muet sur les conditions de leur évasion de la République Dominicaine.
Depuis le début de cette affaire Pascal Fauret et Bruno Odos clament leur innocence et s’estiment injustement accusés de trafic de cocaïne. L’un et l’autre étaient pilotes dans l’armée, ils collectionnent des états de service sans faute. Ils sont notamment décorés de la médaille de la défense nationale.