Après les trois fusillades dimanche à Marseille, Hayat Atia exprime sa colère. La conseillère municipale des 13e et 14e arrondissements accuse les politiques de ne rien faire pour protéger les habitants de ces quartiers.
Des morts violentes derrière ces fusillades qui touchent les Marseillais et Marseillaises. La rédaction de France 3 Provence-Alpes est allée à la rencontre d'Hayat Atia, conseillère municipale, élue dans les 13e et 14e arrondissements de la cité phocéenne.
Victime collatérale de cette violence, elle a elle-même perdu ses proches : son mari, son frère et son compagnon. L'élue en parle dans son livre, Au bout de la violence.
À chaque nouvelle fusillade, les mauvais souvenirs reviennent... "Ça vous ramène à ce que vous avez vécu et ça vous touche, il y a toujours quelqu'un que vous connaissez qui est relié à cette personne", confie-t-elle avec émotion au micro de nos journalistes Mélanie Frey et Virginie Danger.
Son premier réflexe : prendre son téléphone et appeler tous les gens qu'elle connaît pour savoir "si tout va bien".
Tout va bien, enfin pas vraiment. De la "colère", c'est ce qu'Hayat Atia ressent. Ce que vivent les proches de ces victimes, parfois très jeunes, tuées, elle l'a déjà vécue. "Même si vous pensez être guérie au bout de tant d'années, ça vous replonge à chaque fois."
Inaction politique
"La situation a empiré, c'est allé en crescendo. Il y a déjà dix ans, j'ai essayé de prévenir cette montée de sauvagerie chez les jeunes sur les plateaux télévisés." La conseillère municipale reproche aux politiques, de droite comme de gauche, leur inaction.
Elle les accuse notamment de ne pas se "préoccuper réellement de ce qu'il se passe". "Ils en retirent de la lumière dès qu'ils en ont besoin pour avoir quelques bulletins de vote, mais pour le reste, les fables racontées depuis des années en disant : "Oui, je sais ce que c'est. Vous ne savez rien de ce que c'est !"
L'élue en veut particulièrement au maire et à son adjoint à la sécurité. Le regard grave, elle interpelle : "Qu'est-ce qu'il faut en fait ? Qu'un enfant de deux ans se fasse tuer ?"
"De l'hypocrisie", ce mot qui lui brûle les lèvres. "Si un enfant de notable avait été touché en allant chercher son produit", la situation n'aurait pas été la même selon elle.
Pour Hayat Atia, si le trafic de drogues marche aussi bien dans les quartiers nord, c'est notamment parce que les consommateurs viennent des "beaux quartiers". "Et ça, on omet de le dire", exprime-t-elle avec rancœur.
Des solutions à tout prix
L'élue regrette qu'aucune solution ne soit apportée pour ces habitants de ces quartiers marseillais défavorisés, qui en "souffrance totale", en "désespoir total."
Pour la conseillère municipale, les politiques n'apportent que de "la poudre de perlimpinpin" pour protéger les Marseillais de la violence qui règne. "On nous emmène pendant trois jours des CRS", qui repartent aussitôt.
Elle salue, toutefois, la nouvelle : un commissariat devrait ouvrir ses portes dans les 13e et 14e arrondissements en 2024. Mais pour la Marseillaise, cette annonce n'aura aucun écho face aux violences urbaines. Ce sera "pour les petites agressions du quotidien que ce sera bénéfique".
Hayat Atia a réfléchi à des solutions pour combattre le trafic et venir en aide aux habitants de ces quartiers. Elle souhaite "faire intervenir une police de proximité au quotidien", "faire intervenir une police formée et aguerrie". Pour elle, il faudrait "légaliser le cannabis" et "arrêter cette hypocrisie".
L'éducation a également son rôle à jouer dans cette problématique. "Il faut ouvrir la culture aux quartiers Nord, clame la représentante. Pas de petits événements avec une classe choisie spécifiquement dans un arrondissement pour qu'une personne arrive avec son écharpe, se prenne en photo, en retire toute la gloire et repart chez elle dans les beaux quartiers."
Une situation qui a évolué
Hayat Atia considère que le trafic a évolué depuis quelques années, ayant des impacts importants sur la population. "On a des nourrices qui sont nourrices de force. On n'est plus sur la base du volontariat comme avant." Les nourrices sont les personnes qui gardent la drogue des trafiquants à leur domicile. Elles peuvent être rémunérées ou non, en échange de leur silence.
L'élue a aussi vu les relations évoluer entre les plus jeunes et les anciens. "Il n'y a plus de respect pour les vieux. Avant, on portait les courses aux personnes âgées. Là, ça coupe les fils des ascenseurs, alors qu'on a des personnes dialysées, handicapées qui nécessitent des soins. Donc les ambulanciers ne peuvent pas accéder aux bâtiments."
Retrouver plus de sérénité dans les quartiers sensibles de la cité phocéenne, c'est donc pour elle, le combat d'une vie.