Gérald Darmanin est de retour à Marseille, avec son nouveau portefeuille de la Justice, le ministre promet de s'attaquer aux chefs du narcotrafic qui ensanglante la ville, mais les syndicats de surveillants se montrent sceptiques face à ses annonces.
Deux mois après la présentation du "plan de lutte contre le narcotrafic" à Marseille par son prédécesseur Didier Migaud, le nouveau Garde des Sceaux est venu afficher sa volonté de fermeté face aux narcotrafiquants, responsables d'une vingtaine d'homicides en 2024 dans la deuxième ville de France. Gérald Darmanin veut mettre à l'isolement "les 100 plus grands narcotrafiquants", déjà détenus et qui continuent de gérer leurs affaires et commanditer des règlements de compte depuis leur cellule.
Un millier de détenus aux Baumettes pour 700 places
"Il va les mettre où ?, réagit Catherine Forzi, délégué de FO Pénitentiaire à Marseille, toutes les prisons sont surpeuplées". Aux Baumettes, où sont incarcérés plusieurs membres de la DZ Mafia, dont l'un de ses chefs, il y a 700 places pour un millier de détenus.
Derrière les barreaux, les chefs de clan sont tout aussi puissants et dangereux qu'à l'extérieur. Plusieurs contrats ont été passés depuis la prison. Intimidation, menaces de mort, guet-apens. L'affaire du rappeur SCH et celle du contrat lancé à l'encontre de la directrice de la prison et de l'un de ses adjoints impliquent toutes les deux des caïds de la DZ Mafia.
La question de l'isolement des grands narcotrafiquants se heurte à un problème de moyens. Aux Baumettes, comme dans toutes les prisons françaises. Pas assez de places, pas assez d'effectifs selon Force Ouvrière.
La prison compte actuellement 30 places en quartier d'isolement (QI), 20 autres sont prévus avec l'ouverture des Baumettes 3, en septembre. "Mais ça va être très vite rempli, aujourd'hui, on n'y arrive pas avec la surpopulation, on met des détenus un peu de partout, c'est-à-dire qu'on va retrouver des QI au quartier arrivant, parce qu'on n'a plus de places", constate la syndicaliste, l'urgence, c'est la classification des centres pénitentiaires, il faut commencer par là".
Classifier les prisons et les détenus selon leur dangerosité
"Ça fait des années qu'on demande de ne pas mettre des détenus de tous profils partout, qu'on puisse mettre les dangereux dans certains établissements hautement sécurisés, les courtes peines dans d'autres", explique Catherine Forzi.
Il faut cibler, aujourd’hui ,on dilue la sécurité dans tous les établissements, c’est onéreux et ça ne fonctionne pas.
Jessy Zagari, responsable régional FO PénitentiaireFrance 3 Provence-Alpes
"Aujourd’hui, on mélange un terroriste avec un assassin, un voleur de voiture, et quelqu’un qui va dealer dans la cité, le fait de mettre tout ça mélangé, forcément, ça contribue à établir des réseaux criminels à l’extérieur, quand ces détenus sortent", selon le délégué régional FO.
Le nerf de la guerre, c'est l'argent. "Qu'il commence par aller chercher le budget qu'on n'a pas, déjà, l'administration pénitentiaire depuis toujours, c'est la dernière roue du carrosse au ministère de la Justice, on passe après tout le monde", ajoute la syndicaliste.
Selon la syndicaliste, il manque au moins une cinquantaine d'effectifs de surveillants au centre pénitencier marseillais et "on n'a pas encore les surveillants pour l'ouverture de B3".
Avec 740 places supplémentaires, le centre pénitentiaire de Marseille deviendra le 3ᵉ de France après l'ouverture des Baumettes 3, qui comprendra des "quartiers de confiance" (QC) pour préparer la sortie des détenus et un quartier "jeunes majeurs".
Les surveillants de prison attendent du ministre des actes forts, au-delà de la fermeté des mots.
