"On perd beaucoup d'élèves" : quatre questions sur le décrochage scolaire dans les lycées professionnels

Prévenir le décrochage scolaire est l'un des objectifs de la réforme du lycée professionnel. Pourtant cette dernière ne fait pas l'unanimité dans le corps enseignant qui s'est mobilisé ce mardi 12 décembre. Et pourrait même aggraver le phénomène du décrochage scolaire, particulièrement prégnant en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

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Mardi 12 décembre, les syndicats d'enseignants de la voie professionnelle ont appelé à la mobilisation dans plusieurs villes de France dont Marseille. Ils s'opposent notamment à la diminution des heures de cours et aux 6 semaines de stage optionnelles à la fin de la classe de terminale.

"On suppose des prérequis qu'ils n'ont pas, explique Bruno Pasquie, professeur de lettres et histoires à la Calade (15e). On perd déjà beaucoup d'élèves qui n'arrivent plus à suivre les cours." Et qui risquent de décrocher. La réforme risque-t-elle d'accentuer le décrochage scolaire dans les lycées professionnels ? France 3 Provence-Alpes fait le point.

Qu'est-ce que le décrochage scolaire ? 

Alicia Jacquot est Maîtresse de conférences en sociologie à l'université catholique de l’Ouest à Angers. Elle a travaillé sur la question du décrochage scolaire lors de sa thèse à l'Université d'Aix-Marseille.

"Il est important de définir cette notion de décrochage scolaire, commence-t-elle. En statistiques, il s'agit des élèves qui ne sont plus sous obligation scolaire c'est-à-dire des élèves de plus de 16 ans et qui sont sortis du système éducatif sans diplôme ou qualification."

"En France, le décrochage scolaire varie de 7 à 10% sur une génération. C'est très peu, précise-t-elle. Il y a toujours eu des décrocheurs scolaires mais notre vision a changé sur la question. Aujourd'hui il y a une importance du diplôme qui est de plus en plus forte en France.

Comment expliquer le décrochage scolaire en Paca ? 

En 2021, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le taux de décrochage scolaire s'élevait à 8,1%, selon la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités. Il s'agit de la troisième région de France où il y a le plus de décrocheurs scolaires.

"Il y a une hétérogénéité des motifs de décrochage scolaire, indique Alicia Jacquot. On sait qu’un jeune qui a des parents qui n’ont pas de diplômes ou qui sont dans la catégorie socioprofessionnelle d'ouvriers, d'employés ou qui n'ont pas d'emploi, ça favorise le terrain du décrochage scolaire."

Des disparités existent également selon les régions. "Dans l’Ouest il y a peu de décrochages alors qu’à Marseille ou dans les Bouches-du-Rhône, il y en a beaucoup plus, affirme-t-elle. Depuis 2014 c’est la région qui a la compétence de décrochage scolaire. Des actions sont menées localement."

Pourquoi la réforme des lycées professionnels inquiète-t-elle les enseignants ?

"Il s'agit d'une baisse de leur niveau de qualification", s'inquiète Nicolas Voisin, professeur et délégué syndical du SNUEP-FSU à l'académie d’Aix-Marseille.

Myriam Collus est professeure de lettres et d'histoire au lycée professionnel Leonard de Vinci à Marseille (7e). "Une partie de mon travail consiste à aider les élèves à changer de voie professionnelle, explique celle qui a aussi la casquette de référente décrochage scolaire. À 15 ans, on n'a pas besoin de travailler, on a besoin de rêver !"

Comme ses collègues présents à la manifestation elle s'inquiète de la diminution du nombre d'heures de cours : "Ce sont des adolescents qui ont du retard. Ils ne savent plus calculer. Ils n'apprennent pas à réfléchir."  "On suppose des prérequis qu'ils n'ont pas, ajoute Bruno Pasquie, professeur de lettres et histoires à la Calade (15e). On perd déjà beaucoup d'élèves qui n'arrivent plus à suivre les cours."

Quelles solutions existe-t-il face au décrochage scolaire ? 

"Le décrochage est une temporalité" pour Alicia Jacquot. Selon elle, il existe trois leviers d'action : la prévention, l'intervention et la remédiation.

"Pour les moins de 16 ans, en amont du décrochage il y a les classes, ateliers et internats relais par exemple. Ensuite au lycée, on trouve des dispositifs appelés selon l'établissement nouveau départ ou nouvelle chance. On va aussi repérer les jeunes en décrochage, détaille-t-elle. Plus tard, on a également des initiatives de raccrochage comme à Marseille avec l'école de la deuxième chance, l'Établissement public d'insertion de la Défense ou la mission locale."

La sociologue se veut rassurante : "Un élève qui décroche pourra toujours reprendre des études et trouver un emploi. Il ne faut pas se stresser avec un parcours parfait." 

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