Des investigations ont été lancées ce mardi dans plusieurs établissements du groupe Orpea. Dans les Bouches-du-Rhône, l'Ehpad de Cabriès serait notamment concerné. Une ancienne aide-soignante témoigne.
Mercredi matin, des perquisitions ont été menées à la maison de retraite l'Occitanie, à Cabriès, a-t-on appris d'une source proche du dossier, confirmant une information de nos confrères de La Provence. Des ordinateurs auraient été saisis, et des salariés interrogés lors de cette opération, menée par une dizaine de gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).
Depuis mardi, des investigations sont menées dans plusieurs établissements du groupe Orpea en France, dans le cadre d'une enquête ouverte pour "maltraitances institutionnelles" contre le géant français des maisons de retraite privées.
Le groupe est visé par 54 plaintes, déposées auprès du parquet de Nanterre. Dans la région, des dizaines de familles de résidents, victimes de négligences et mauvais traitements, ont également témoigné voire déposé plainte à l'encontre du groupe, depuis la publication du livre Les Fossoyeurs.
Une aide-soignante nous décrit cet Ehpad
Pour cet article, elle souhaite s'appeler Laetitia, un prénom d'emprunt. Aide-soignante depuis une vingtaine d'années, elle a exercé dans l'Ehpad Orpea de Cabriès entre 2018 et 2021.
A son arrivée, tout se passe à merveille. Mais la directrice s'en va, la cadre de santé également, probablement en dépression. Le travail se gâte, entre autre à cause du médecin coordinateur. "C'est pas grave, de toutes façons, elles pourrissent de l'intérieur," voilà le genre de phrases que Laetitia a pu entendre.
La situation se dégrade, l'état de certains résidents empire, les aides-soignantes signalent des problèmes, mais elles ne sont pas écoutées. "On a commencé à voir des escarres, c'est de la maltraitance," se souvient Laetitia.
"Il nous est arrivé de laver des personnes avec des taies d'oreiller et de les sécher avec des draps, parce qu'on n'avait plus de matériel". Les familles ? "Elles ne se rendaient compte de rien. La direction restait parfois à côté quand on leur parlait. J'avais l'impression de trahir les familles."
Faute de personnel, Laetitia se retrouve un jour avec un groupe de 30 personnes. Elle doit les surveiller, leur donner à manger et à boire, ce qui représente un travail énorme, presque impossible.
Les salariés ont alerté l'ARS, la médecine du travail, la direction du groupe Orpea et la Carsat sur la situation de cet Ehpad. "Personne n'a réagi. Je suis très en colère contre ça," dénonce Laetitia "Avant la sortie du livre Les Fossoyeurs, personne n'a écouté notre mal-être."
"Ils ont réussi à me dégoûter de mon métier, je vais entamer une reconversion," conclue l'aide-soignante.
Des alertes en 2021
L'Ehpad de Cabriès avait déjà fait l'objet d'alertes émanant des salariés. En février 2021 notamment, dans un courrier transmis à l'Agence régionale de santé, au Conseil départementemental, ainsi qu'à la direction du groupe, des salariés évoquaient "une pression quotidienne, l'ajout de travail qui devient impossible à réaliser, un nombre de toilettes très mal équilibrées et mal réparties entre les aides-soignantes, ainsi qu'un manque de personnel".
"La situation devient dramatique pour la santé des résidents, ainsi que du personnel", écrivaient encore ces salariés dans ce courrier. Depuis, des dizaines d'entre eux auraient quitté l'établissement, avec "un turn-over énorme", selon une source proche du dossier.
Dans le cadre de l'enquête du parquet de Nanterre, un autre établissement du groupe Orpea aurait également été perquisitionné cette semaine, à Marseille, selon nos informations.
Le 8 juin, d'autres perquisitions avaient également été menées, au sein de la direction régionale du groupe en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, selon une source proche du dossier. Ce jour-là, une quinzaine de premières perquisitions avaient eu lieu au siège de l'entreprise, à Puteaux (Hauts-de-Seine) et dans plusieurs de ses 15 directions régionales.