Les communes riveraines de l'étang et EDF ont signé un protocole fin septembre visant à interdire les rejets d'eau douce de la centrale de Saint-Chamas durant l'été. Voici ce qu'il faut retenir de l'accord.
Le contentieux existe depuis le début des années 60. Alimenté par un canal usinier qui détourne artificiellement l’eau de la Durance, la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas déverse dans l'Étang de Berre environ "900 millions de mètres cube" d'eau douce par an révèle Raphaël Grisel directeur du Groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre (Gipreb) , un syndicat mixte qui regroupe les communes riveraines.
Or ces rejets d'eau douce dégradent fortement l'écosystème de l'étang naturellement composé d'eau salée. Par eutrophisation et stratification des eaux (un phénomène où l'eau salée et l'eau douce ne se mélangent plus), l'étang de Berre a ainsi connu en 2018 une "crise d'anoxie", c'est-à-dire une pénurie d'oxygène dans l'eau conduisant à "une mortalité massive de tous les organismes vivants de l'étang", indique un communiqué du Gipreb.
Suite à une médiation pénale suivant une procédure judiciaire lancée par le Gipreb contre l'électricien, EDF et le syndicat ont signé fin septembre un accord visant à revoir les modalités des déversements des eaux de la centrale de Chamas. France 3 Provence-Alpes vous indique ce que contient ce protocole.
Une interdiction des rejets d'eau durant l'été
Mesure principale du protocole, dans le cadre d'une expérimentation étalée sur 4 ans, les rejets d'eau de la centrale vont être "saisonnalisés". D'avril à mai, les deversements seront d'abord restreints avant d'être complètement interdits du 1er juin au 30 août. Les rejets seront ensuite limités sur la première quinzaine de septembre.
"L'intérêt est d'éviter les rejets estivaux qui en 2018 avaient provoqué une malaïgue (une crise d'anoxie") et avaient totalement détruit l'écosystème de l'étang. Il faut éviter que cela se reproduise" explique Didier Khelfa, Maire de Saint Chamas et président du Gipreb
"C'est une recherche d'optimisation", justifie Raphaël Grisel. "Par retour d'expérience, nous avons pu déterminer que le phytoplancton,[responsable de l'eutrophisation des eaux] , se développe plus durant l'été, période durant laquelle l'ensoleillement et la température sont favorables". Réduire les déversements dès avril permettrait d'arriver à une situation de "diète de nutriments pour le phytoplancton durant la période estivale".
Un effet positif également confirmé par les associations de protection de l'environnement, "c'est une avancée, on ne va pas cracher dans la soupe" déclare Corinne Appéré présidente de l'association de Sauvegarde de l'Étang de Berre. "Mais finalement EDF, par cette mesure ne fait que s'adapter au changement climatique" tempère-t-elle. Déjà "cet été EDF n'a pas pas déversé d'eau dans l'étang, à cause tout simplement de la sécheresse."
Des déversements plus importants en hiver
Le protocole d'accord indique que le quota annuel de rejets restera inchangé à 1,2 milliard de mètres cube d'eau. Conséquence logique des restrictions de l'été, les déversements seront plus importants durant l'hiver. Raphaël Grisel estime cependant que les effets environnementaux de ces rejets en période hivernale devraient être limités. "Durant la période hivernale, la température de l'eau est très basse, il y a peu de lumière, des conditions peu propices au développement du phytoplancton et on s'attend à ce que l'azote déversé rejoigne la mer."
Un suivi scientifique de l'expérimentation
Le protocole fera l'objet d'une évaluation dans deux puis 4 ans par un Conseil scientifique. "Ce qui est intéressant, c'est que pour la première fois, on a une sortie d'expérimentation qui est bien cadrée sur des paramètres uniquement écologiques comme la salinité, l'oxygénation des fonds et la transparence des eaux", se félicite Raphaël Grisel.
Un protocole qui met fin à la procédure judiciaire actuelle
En 2022, le Gipreb avait saisi le Tribunal de Marseille pour poursuivre EDF pour sa responsabilité présumée sur la dégradation de l'environnement de l'étang lors de la crise écologique de 2018. Le tribunal s'étant par la suite déclaré incompétent, "le procureur de la République de Marseille s'est alors autosaisi pour ouvrir une enquête. Dans le cadre de cette enquête, le procureur nous a mis autour de la table en disant, est-ce qu'on trouve un accord dans le cadre d'une procédure pénale ?" resitue Didier Khelfa. L'accord signé fin septembre par cette médiation pénale "met bien fin à cette procédure", confirme le maire de Saint-Chamas. "Mais à tout moment, je peux redéposer plainte si EDF ne remplit pas ses engagements", prévient-il.
Un accord qui ne règle pas tous les problèmes
Au moment même où le protocole d'accord entre EDF et le Gipreb était signé, l'Etat adressait une demande aux institutions européennes pour une diminution des contraintes imposée par la Directive cadre européenne relative au bon état écologique de l'étang de Berre. L'objectif étant en particulier de reculer le délai limite de leur mise en place fixé en 2027. "Je ne peux pas être d'accord avec ce qui a été proposé dans le cadre de cette modification de la directive", déclare Didier Khelfa."Le Gipreb n'a pas été associé, on se retrouve devant le fait accompli et on ne comprend pas pourquoi et ni comment on peut demander à réduire les contraintes" de la directive, déplore-t-il.