A Saint-Rémy-de-Provence, les enfants manger 83% de bio, 100% de fait maison et presque autant de local. Comment les cantines municipales redoublent d'efforts pour résister à l'inflation galopante sans transiger sur la qualité.
"Salade verte, maïs, tomates et croûtons, spaghettis bolognaise et en dessert: melon, sirop au miel et chantilly au basilic". Ce matin-là, six "ambassadeurs du goût", des élèves de CP et CE1 choisissent avec sérieux, démocratiquement, un menu "équilibré" que mangeront un midi de septembre les enfants des écoles publiques de la ville.
Les quatre écoles et une crèche de Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône) servent 600 repas par jour. Ils sont préparés sur place avec 83% de bio, du local et des produits d'origine animale labellisés "Etica" - à au moins 50% non issus d'élevages intensifs.
"C'est grave bon", valide Mae, neuf ans, devant son poulet basquaise, dans le petit réfectoire ensoleillé de l'école élémentaire République.
"On peut se resservir trois fois s'il y en a encore", apprécie Palmyre. "On en profite: il paraît qu'au collège c'est pas bon du tout", renchérit Juliette, dix ans.
Seulement 22 grammes par repas finissent à la poubelle, contre 140 en moyenne au plan national.
Environnement, santé et bien-être animal
C'est le fruit d'un projet global porté par la municipalité, incluant préservation de l'environnement et de la santé, éducation à l'alimentation et à l'environnement - dès la maternelle, les enfants arrosent le potager, vont chez des producteurs, et bien-être animal.
Peu de collectivités sont aussi volontaristes, même si en France, 60% de la restauration scolaire en primaire est gérée en direct par les villes, contre 40% concédée à de grandes entreprises (Sodexo, Elior, Compass...).
"Les parents d'élèves, les enfants et le personnel municipal décident des menus", explique le maire, Hervé Chérubini, "nous décidons de l'approvisionnement: on travaille avec des producteurs locaux à 50 km à la ronde, on éduque au goût, on fait du bio. Gérer nos cantines est plus profitable sur les plans sanitaire, gustatif, alimentaire et éducatif".
2,10 à 3,65 euros le repas
À la rentrée 2021, les tarifs des cantines, inchangés depuis 2017, ont été relevés de 5% pour répercuter la hausse des coûts d'achat des matières premières, mais "ça reste dérisoire pour les parents, sur un prix qui va de 2,10 à 3,65 euros, sachant que le repas nous revient, tout compris, neuf à dix euros", détaille Thierry Vanbiervliet, coordonnateur de la restauration scolaire.
Depuis le début de l'année, malgré une inflation galopante, ces coûts sont restés stables. Ainsi un partenariat avec le lycée agricole assurera deux ans d'approvisionnement à prix fixe pour l'huile d'olive bio AOP, dont l'étiquette a flambé de 39% en un an.
Prix stable aussi pour le pain au levain naturel fait "comme il y a 50 ans", sans levure chimique et sans conservateurs, précise Grégory Doriac, créateur de la boulangerie bio Painprenelle avec sa compagne Sandrine Stegemann, diplômée de l'école internationale de boulangerie.
Sur les fruits et légumes achetés à l'épicerie sociale et solidaire La Courte Échelle, l'absence d'intermédiaires permet d'économiser 15% sur les pommes, 52% sur les carottes. "On met les agriculteurs en concurrence et on s'engage sur des tonnages à l'année", précise ThierryVanbiervliet.
La viande, il faut en manger moins et mieux.
Olivier Roux, président d'Alazard et Roux
Pour les légumineuses, "il a fallu être un peu créatifs", en passant au vrac avec le fournisseur l'Entrepôt à Avignon, ce qui a fait baisser les prix d'achat de 35% en moyenne, et "même -64% pour le riz long de Camargue bio AOP !", se réjouit-il.
La viande et les charcuteries bio - agneau des Alpilles, cochon de Crau, boeuf à viande des Hautes Terres, élevés en pâturage - viennent de l'entreprise familiale Alazard et Roux, dont l'abattoir est géré en direct par 250 éleveurs.
Avec la "culture du moins-disant qui régnait dans les appels d'offres" de la restauration collective, les enfants se sont mis à "détester le steak haché: ils mangeaient la viande sèche de vaches de réforme, abattues après dixans de production laitière", explique Olivier Roux, président d'Alazard et Roux.
"Un bon steak haché du jour, de viande locale, cuit et moelleux, ça n'a rien à voir. La viande, il faut en manger moins et mieux", conclut-il.