Didier Cornille est accusé d’avoir agressé trois journalistes de France 2 lors d'une enquête sur les conditions de travail des saisonniers agricoles étrangers dans les Bouches-du-Rhône, en septembre 2020. Le tribunal de police de Tarascon a mis sa décision en délibéré au 21 février.
Didier Cornille dirige une vingtaine d'entreprises agro-alimentaires et immobilières dans les Bouches-du-Rhône. Il a comparu ce lundi devant le tribunal de police de Tarascon pour violences volontaires.
L'agriculteur s'en est pris violemment à l'équipe d'Envoyé Spécial qui enquêtait sur des pratiques illicites concernant le travail et le logements de travailleurs agricoles étrangers.
La scène de l'agression a été diffusée le 7 janvier 2021 dans le documentaire "les travailleurs de l'ombre".
Le 10 septembre 2020, les journalistes sont en tournage à Arles, devant le mas de la Trésorière, un des lieux d'hébergement locatif que Didier Cornille loue à la société d'intérim espagnole Terra Fecundis.
Voyant cela, l'agriculteur fonce d'abord sur l'équipe avec son véhicule puis descend de voiture et s'en prend au reporter d'images, Thomas Guéry, tentant de le frapper et de casser sa caméra. Il repousse violemment l'autre journaliste, Laura Aguirre de Carcer, qui essaie de s'interposer.
Défendre le droit d'informer
Les deux des trois journalistes ont porté plainte, la pigiste "fixeuse" qui les accompagnait n'ayant pas été touchée physiquement a renoncé aux poursuites.
"On demande réparation pour l'agression qui a été commise, plus pour le symbole que pour ce qu'elle représente personnellement, explique Thomas Guéry avant l'audience, c'est une violence faite à un journaliste en train de travailler et c'est ça qu'on veut faire acter".
"On peut parler d'intimidation car il y avait une volonté d'empêcher le journaliste de faire son travail, c'est-à-dire informer le public", souligne Me Marc Borden, avocat des journalistes.
"Dans l'exercice de notre profession, on voit des actes de violence se répéter, c'est important de le sanctionner, on ne peut pas laisser passer ça", ajoute-t-il.
Didier Cornille, qui encourt au maximum une amende de 750 euros, n'a pas souhaité répondre à nos questions.
Une violence qui s'accentue
Me Fabrice Badoin, son avocat explique : "au départ la première décision du procureur c'est de classer l'affaire et finalement mon client est poursuivi pour blessure légère."
"Mon client était exaspéré, ça faisait plusieurs mois qu'il était mis en cause incessamment alors qu'il essaie vraiment de respecter la législation", défend-il, on prétend qu'il y a eu des coups, il n'est même pas poursuivi pour ces coups-là."
Le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes se sont portées parties civiles dans ce procès. Ils ont recensé une centaine d'agressions sur des journalistes depuis trois ans, depuis la séquence Loi Travail, les Gilets jaunes et les manifestations anti-pass sanitaire.
"Cette violence contre les journalistes est désormais partout et elle s'accentue", s'inquiètent les syndicats dans un communiqué commun.
De son côté le syndicat Agro-Agri, qui a apporté son soutien aux journalistes agressés rappelle que Terra Fecundis comparaîtra à nouveau au printemps 2022 pour travail dissimulé et des entreprises recourant à ses services seront également sur le banc des prévenus face aux ouvriers agricoles qui demande réparation pour leurs droits non honorés.
Didier Cornille est le principal client de Terra Fecundis, renommée depuis Work for all, dont les dirigeants ont été condamnés à quatre ans de prison avec sursis et 100.000 euros d'amende pour fraude au travail dissimulé et marchandage de main d'oeuvre en juillet dernier.