Un joint à l'Assemblée nationale, la légalisation du cannabis fait toujours débat

Il n'y a pas de fumée sans feu. Et pourtant sans avoir été allumé, le joint brandi à l'Assemblée nationale par le député pro-légalisation du cannabis François-Michel Lambert a rallumé le débat. Un rapport parlementaire sur l'épineuse question de la légalisation du cannabis.

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"Tout le répressif est un échec total" a une nouvelle fois martelé mardi le député des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert, grand défenseur de la légalisation du cannabis.

Critiquant la "prohibition" en France, alors que "d'autres pays ont fait le choix d'affronter le problème plutôt que la politique de l'autruche", le membre du groupe Libertés et territoires a alors exhibé un gobelet frappé d'une feuille de cannabis, puis en a sorti "un joint".

L'esclandre a suivi. Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand (LREM), lui a fait un rappel au règlement avec inscription au procès-verbal, pour avoir sorti "cet objet".

"C'est de la merde que (les jeunes) prennent dans leurs veines et qu'ils fument", a réagi le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, dénoncant l'attitude démagogue de l'élu.

Une mission parlementaire transpartisane doit rendre mercredi un rapport où est prônée une légalisation.

"Cette proposition n'est pas laxiste. Elle permettrait de garantir aux consommateurs des produits contrôlés, d'assécher les trafics",  explique François-Michel Lambert.

Le président Emmanuel Macron a exclu il y a dix jours toute légalisation et réclamé plutôt "un grand débat national sur la consommation de drogues et ses effets délétères".

Le cannabis, terreau inépuisable de débats

Le rapport de la députée Caroline Janvier recommande une légalisation réglementée du cannabis "récréatif" pour reprendre le contrôle face aux trafiquants et mieux protéger les mineurs.

Le document rendu public mercredi 5 avril, entend "dépassionner" le débat clivant désormais toutes les familles politiques.

Bien que l'exécutif s'y oppose, plusieurs membres de la majorité présidentielle jugent "indispensable" d'ouvrir un débat et recommandent une "légalisation régulée".

"Pensez-vous que les trafiquants qui font jusqu'à 100.000 euros d'argent liquide par semaine vont ouvrir une échoppe et déclarer leur argent aux impôts et aux Urssaf?", s'étrangle le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, réaffirmant sa volonté de lutter contre les trafics.

Malgré 50 ans de prohibition et une mobilisation policière croissante, la France reste le plus gros consommateur de cannabis en Europe, avec cinq millions d'usagers annuels et 900.000 fumeurs quotidiens.

Après avoir auditionné plus de 100 spécialistes, médecins, policiers, magistrats, chercheurs, les députés revendiquent "un travail fouillé", qui souligne aussi bien les risques de schizophrénie et de troubles anxieux pour les mineurs que l'échec de la politique répressive contre le cannabis.

Fumer un joint divise aussi le corps médical. Le cannabis est "moins addictogène et moins mortel que l'alcool et le tabac", souligne Amine Benyamina, chef du service de psychiatrie et d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif.

"Légaliser le cannabis, c'est faire passer le message que ce n'est pas toxique", oppose Jean-Claude Alvarez. L'expert toxicologue au CHU de Garches alerte sur les dangers d'un cannabis "de plus en plus fortement dosé", qu'il retrouve "dans un grand nombre de prélèvements liés aux accidents de la route ou du travail".

Pas assez de recul pour trancher

Début 2019, près d'un Français sur deux (45%) se disait favorable à une légalisation, selon une enquête de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT). À l'international, l'Uruguay, le Canada et 15 États américains ont franchi le pas et autorisent l'usage récréatif du cannabis.

Une poignée de députés LR ont aussi participé à la mission parlementaire. Dans un communiqué commun, ils estiment qu'une légalisation "n'est pas possible".

"Nous n'avons pas suffisamment de recul sur les expériences étrangères", mais réclament "un débat national" pour sortir de l'impasse actuelle.

Samia Ghali, maire-adjointe de Marseille, s'alarme d'une "démission républicaine". Dans la cité phocéenne, "les dealeurs sont déjà passés à la cocaïne, le trafic ne va pas s'arrêter", soupire cette figure des quartiers nord de la ville, gangrénés par les trafics.

Pour l'ex-socialiste, "on ferait mieux d'avoir des tests toxicologiques pour tous au travail."

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