Fermés à cause du reconfinement, les petits commerçants "non essentiels" expriment un profond sentiment d'injustice face au maintien des grandes surfaces. Dans plusieurs communes de la région, les maires ont pris des arrêtés pour autoriser leur ouverture.
La fronde contre la fermeture des petits commerces "non essentiels" ne cesse de s'étendre sur le territoire. Dans les Bouches-du-Rhône, le président de l'union patronale a carrément appelé les maires à braver l'interdit.
Commerçants en détresse
"En l’état, ce nouveau confinement conduit à des situations de concurrence déloyale, estime Philippe Korsia, ajoutant : j'appelle les maires à prendre les arrêtés pour permettre l'ouverture de tous les commerces".Par un courrier daté du 31 octobre, le maire d'Allauch, Lionel de Cala a saisi le préfet de Région pour demander la réouverture des commerces de proximité "avec un protocole sanitaire renforcé".⚡@PKorcia s'oppose à la notion de commerces dits "essentiels" et demande aux maires des Bouches-du-Rhône de sortir un arrêté municipal pour permettre l'ouverture de tous les commerces.
— Upe 13 (@UPE13_) October 31, 2020
La liberté d'entreprendre,essentielle pour la survie de nos entreprises &de notre économie !? https://t.co/ePKFxTcDRZ pic.twitter.com/uwJ6AuYiJp
Il déclare qu'"il ne peut pas se résoudre à voir le rideau de commerçants de proximité baissé quand des centaines de personnes sont autorisées à se rendre dans de grands supermarchés à seulement quelques kilomètres de ma commune".
Le préfet de police des Bouches-du-Rhône Emmanuel Barbe met en garde les maires qui respecteraient pas le droit : "Le préfet de région mettra immédiatement les arrêtés devant le tribunal administratif, et en ce qui me concerne j'enverrai des policiers ou des gendarmes dire aux commerçants de fermer".
Dans les Hautes-Alpes, le maire de Gap a franchi le pas. Roger Didier a signé samedi un arrêté autorisant l'ouverture de l'ensemble des commerces non alimentaires.
"La fermeture d'un grand nombre de petits commerces (...) favorise l'accumulation de la clientèle dans les centres commerciaux ce qui contribue à la propagation de l'épidémie de Covid-19" , explique-t-il dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.
"Face à ces circonstances exceptionnelles, il incombe au maire de faire usage de ses pouvoirs de police administrative générale", argumente le maire dans son arrêté.
Non loin de là, à Embrun, la maire a apporté son "soutien aux commerçants" qui manifestaient samedi mais "elle ne prendra pas d'arrêté illégal".
La survie des centres anciens
"Je comprends la colère et le désarroi des petits commerçants, explique Chantal Eyméoud, et je demande que l'Etat revoie sa copie". Selon elle, il en va de "la survie des commerces et de la survie des centres anciens"."La question c'est : entre crever de faim ou crever du Covid, qu'est-ce-qu'on préfère, c'est quand même terrible... s'emporte Muriel Baievitch, qui parle pour tous les artisans.La crise sociale va être supérieure à la crise sanitaire
"On a pris des mesures pour que les gens ne soient pas en danger, ajoute la jeune femme céramiste à Crots, laissons nous travailler. On en a marre, on est fatigués."
Le coup de grâce
"Une fermeture deux fois dans l'année, c'est le coup de grâce, renchérit une représentante de l'association des commerçants d'Embrun, trois ou quatre commerces ne rouvriront pas, les aides ne suffiront pas".Elle n'accepte pas cette injustice. "Même le protocole sanitaire est injuste, il est beaucoup plus léger pour les grandes surfaces que pour les petits commerces".
Un rééxamen de la notion de commerce essentiel
Dès vendredi, le maire de Sisteron, Daniel Spagnou, président de l'association des maires des Alpes-de-Haute-Provence a demandé "le réexamen de la notion de commerce de première nécessité afin de prendre en compte la détresse des petits commerçants en danger de mort économique".Les uns après les autres, un peu partout en France, les maires qui ont autorisé la réouverture de leurs petits commerces ont été immédiatement recadrés par les préfets. C'est le cas à Bollène, où Anthony Zilio a été mis en demeure de retirer son arrêté.A l'instar de nombreux maires des #AlpesDeHauteProvence et en tant que Pdt de l'AMF04, je demande aussi le réexamen de la notion de commerce de première nécessité afin de prendre en compte la détresse des petits commerçants en danger de mort économique@LaProvenceAlpes @alpes_1 https://t.co/VJ7VwzuexC
— Daniel Spagnou (@spagnou) October 30, 2020
"J'ai conscience que le Préfet de Vaucluse risque de déférer mon arrêté au Tribunal administratif. Mais si cet arrêté peut contribuer à faire réagir le gouvernement et à sauver nos commerces de proximité, alors nous aurons avancé" a déclaré le maire vauclusien.
La réponse du Premier ministre à 20 heures
Face à un phénomène qui prend de l'ampleur, le ministre de l'Economie a dénoncé "cette poignée de maires irresponsables qui prennent des arrêtés contraires aux décisions prises par l'Etat" et qui "mettent en danger la santé des Français".
"Il est urgent de rétablir de l'équité entre les petits commerces et les grandes surfaces" a concédé Bruno Le Maire interrogé sur BFM TV.
La mesure pourrait aussi s'accompagner d’un durcissement des "jauges" de clients dans les grandes surfaces, pour limiter le nombre de personnes faisant leurs courses en même temps.