Covid : comment les libraires obligés de fermer tentent de résister pour survivre pendant le confinement

Les librairies pénalisées par le nouveau confinement ont obtenu que la Fnac ferme ses rayons culture tout comme les grandes surfaces. Une victoire partielle qui ne satisfait pas tout le monde. Certains libraires bravent l'interdiction, d'autres organisent des services de livraison.

Florence Kammermann a ouvert les portes de sa librairie, rue Jean Jaurès à Cannes, ce samedi à 10 heures, comme d’habitude. La libraire brave l’interdiction et le fait savoir. Sur le trottoir, un panneau indique aux passants "Librairie résistante et ouverte".

La FNAC ferme son rayon livres, les grandes surfaces aussi, mais pour Florence Kammermann, cela ne règle pas le problème.

"C’est ouvrir un boulevard à Amazon, c’est intolérable," s'agace-t-elle.

"Nous, c’est une question de survie, tout simplement, on ne passera pas le mois si on ne travaille pas normalement",  se défend-elle.

La librairie "Autour d’un livre..." va ouvrir à mi-temps à partir de lundi.

"Le matin, ceux qui ont la possibilité et qui le souhaitent peuvent venir en librairie jusqu’à 14 h et après 14 h, on sillonnera Cannes et les environs pour livrer les personnes qui n'ont pas la capacité de venir."

Attendre la revoyure du décret dans 15 jours ? Impossible, selon elle. "15 jours, moi je ne tiens pas. J'ai des échéances énormes à la fin du mois. En plus, on a gonflé nos stocks pour Noël, on n’avait évidemment pas prévu un confinement maintenant."

J’avais un peu de trésorerie en mars, je n’en ai plus. Je suis au point zéro.

Florence Kammermann, libraire à Cannes

La libraire évalue à 75 % les pertes de son chiffre d’affaire à cause du premier confinement. Car pour équilibrer ses comptes, Florence s’appuyait sur son activité de restauration le midi et des événements hebdomadaires autour de la rencontre avec un auteur.

"Les loyers cannois sont extrêmement chers, c’est pour ça qu’il n’y a plus de librairie à Cannes, souligne la dernière survivante. Jusqu’en mars, on organisait un événement par semaine et on faisait beaucoup d’ateliers littéraires et en mars tout s’est effondré…"

La libraire se sent acculée. "En trois ans et demi d’existence, je ne me suis pas versé de salaire."

La peur de la sanction ?

Si j’ai une fermeture administrative, c’est la fermeture définitive tout simplement, donc, on risque le tout pour le tout

Florence Kammermann

La libraire cannoise a le sentiment qu’"il n’y a aucune logique" dans les décisions qui sont prises. "On fait travailler les grands groupes et on oublie les petits commerçants qui sont les vecteurs d’une vie sociale."

Librairies ouvertes sans clients

A Marseille, la librairie de Jeanne Laffitte est une institution. Une affaire de famille depuis 1830. Aux Arcenaulx, les lecteurs viennent acheter romans ou livres anciens. La librairie dispose aussi d'un fonds exceptionnel dédié à l'Histoire de Marseille et de la Provence.

Depuis le reconfinement, les commandes se font par téléphone pour les habitués, sinon sur le site ou via la plateforme des libraires du sud, qui permet d'être livré dans une librairie près de chez soi à l'aide du code postal.

"Ça nous oblige évidemment à rester ouverts pour attendre les personnes qui viennent dans la journée," explique Jeanne Laffitte qui a maintenu deux salariés à mi-temps pour faire ces livraisons et passer les commandes. 

La librairie est donc ouverte de 10 h à 19h du mardi au samedi. Sur place, les lecteurs peuvent aussi profiter de quelques conseils sans entrer dans la boutique.

"4 à 5 % des Français achètent un livre par mois, rappelle Jeanne Laffitte, "furieuse" qu'on prive "ceux qui ont besoin de cette nourriture intellectuelle".

Pour Jeanne Laffitte, la fermeture des librairies est d'autant plus regrettable que le livre est pour elle "le meilleur médicament contre la solitude". 

"Je ne vois pas l'intérêt, très franchement, il vaut mieux lire Montaigne ou Spinoza que de regarder la télévision en ce moment", juge-t-elle.

Comme beaucoup d'autres, la libraire marseillaise vit cette fermeture comme une injustice après tous les efforts accomplis pour faire de leurs établissements des lieux sûrs.

J'ai quatre salles de 70 mètres carrés et je vous assure que quand nous avons 10 à 12 clients, c'est le maximum. 

Jeanne Laffitte, libraire à Marseille

Elle rappelle les mesures mises en place, les sens de circulation, le gel hydroalcoolique, le masque, les plexiglas devant la caisse... et veut croire à une réouverture prochaine.

Vente à la porte et Système D

Résignés à fermer, de nombreux petits libraires s'organisent comme ils peuvent via les réseaux sociaux, en invitant leurs habitués à passer commande directement, comme cette petite libriairie installée sur les quais du port de la Ciotat, désormais uniquement joignable par mail. A Marseille, la petite librairie L'Odeur du Temps, rue Pavillon(1er) a elle aussi basculé sur messagerie. Sur un ton désabusé, le gérant informe ses clients que l'établissement est fermé pour "au moins 15 jours, peut-être plus".

Les commandes et les réservations restent possibles par mail et également via la plateforme des libraires du sud, qui regroupe une soixantaine d'indépendants.  "On organisera une journée de vente à la porte, vous serez tenus au courant de cette ouverture sur la page Facebook de la librairie", précise le gérant dans son message enregistré.

En France, 3300 libraires sont dans l'attente de nouvelles alors qu'une réunion est prévue dans les prochains jours entre le ministère et des représentants de la filière du livre. En attendant, une pétition a été mise en ligne pour réclamer la réouverture des libriaires pendant le reconfinement.
 
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