Effet confinement : l’odyssée de trois étudiants pour mesurer les microplastiques en Méditerranée

Ils ont quitté Les Embiez à la faveur du déconfinement. Durant trois mois, ils vont effectuer un aller et un retour entre Antibes et Gruissan, en voilier, pour mesurer les effets du confinement sur les microsplastiques en mer.

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Lorsqu'on les regarde, on voit surtout leur extrême jeunesse, 22 ans. Mais lorsqu’on les écoute, on entend uniquement leur grande détermination : partir pour une expédition scientifique à travers la Méditerranée. Comme des professionnels.

Et ça y est enfin. Le vent du large commence à souffler pour Cléa Abello, Benjamin Pannetier et Cosme Mosneron-Dupin.

Le départ devait avoir lieu le 20 mars dernier. Mais les trois étudiants ont, comme tout le monde, dû reporter leur projet. Pendant tout le confinement ils sont restés à bord de Dune, leur voilier amarré aux Embiez, dans le Var.

Bien sûr, il y a eu plus délicat comme condition de confinement, mais durant ces 55 jours, Cléa, Benjamin et Cosme ont eu l’impression de rater leur aventure.

"On n’en pouvait plus, on ne savait pas si nous pourrions un jour prendre la mer. Nous avons mis un an à préparer cette expédition c’était rageant d’être bloqué à quai".

Le 11 mai, ils obtiennent l’autorisation de la préfecture maritime pour partir en mer. L’odyssée Sea Plastics 2020 démarre, enfin.

Retour en mer de l'expédition SEA Plastics 2020 !

L'expédition SEA Plastics 2020 reprend ! ⛵ Après un mois et demi de #confinement aux #embiez, nous partons enfin avec une nouvelle problématique : étudier l'effet du confinement sur le #microplastique. Despues de un les y medio confinados, seguimos con la #expedicion SEA Plastics 2020! ⛵ Enfocaremos la nueva expedicion en el impacto del #confinamiento sobre la #polucionplastica.

Publiée par SEA Plastics sur Vendredi 8 mai 2020
Mais l’histoire débute bien avant. Dès l’an dernier même.

En juin 2019, les trois élèves ingénieurs agronomes dans des écoles parisiennes décident de faire une année de césure. Certaines mauvaises langues diraient une année sabbatique, à ne rien faire que réfléchir, dans un pays, ensoleillé de préférence.

Mais non. Cléa, Benjamin et Cosme veulent se consacrer à une cause qui leur est chère depuis l’enfance, l’environnement.

Ils se retrouvent alors sur un projet commun : une expédition en Méditerranée pour enquêter sur les microplastiques via l’association étudiante Sea Plastics

"On avait envie de passer vraiment du temps à étudier l’environnement et puis tous les trois, on aime beaucoup la mer. C’était l’occasion de mettre notre temps à disposition des chercheurs pour récolter des données qu’ils pourront exploiter".

Un projet, mais pas d’argent

Une envie, c’est bien beau, mais le projet doit être financé. Alors, les jeunes gens se retroussent les manches et cherchent depuis septembre l’argent nécessaire à ce rêve.

"On a fait un plan de financement, explique Benjamin. Il nous fallait 44 000 euros pour pouvoir louer un bateau, prendre un skipper, payer notre nourriture et les instruments scientifiques".

Les trois jeunes gens ont aussi fait beaucoup de sensibilisation dans les écoles. L’idée, faire connaître leur projet et éduquer les plus jeunes à la protection de l’environnement. Et la technique a fonctionné.

La Région Sud Provence Alpes-Côte d'Azur, la fondation de leur école, mais aussi de grandes entreprises finance le projet. L’entièreté du budget est trouvé.

Et pour le skipper, c’est le propriétaire du bateau, Erick, qui leur a fait un sacré cadeau. Bénévolement il s’est joint à l’aventure pour skipper lui-même Dune, son voilier. 

Un cotre bermudien de 17 mètres, en bois, construit par le célèbre architecte naval Olin James Stephens. Ce bateau leur sert à la fois de maison, de base scientifique et de moyen de transport.
"Lorsqu’il m’ont présenté leur projet j’ai trouvé ça super. Je me suis dit que je n’avais rien de prévu, alors pourquoi ne pas participer à cette expédition".

"En plus mon bateau est en bois. Cela correspond complétement à l’éthique de leur projet. Car les bateaux en plastique aussi sont une incroyable source de pollution pour la mer. Vous savez que la moyenne de navigation d’un navire de plaisance c’est sept jours par an. Le reste du temps les bateaux encombrent les ports et ne sortent jamais. Le mien navigue environ cinq mois par an", détaille Erick.

Un sujet d’étude modifié par la pandémie

Au départ, les étudiants devaient travailler sur la courantologie et ses effets sur les microplastiques. Mais en raison de la pandémie les élèves ingénieurs ont changé d’idée.

"On a passé deux mois amarrés à quai aux Embiez. Très vite on s’est dit qu’on ne pouvait pas faire comme si la pandémie n’existait pas", explique Benjamin Pannetier.

"Alors, on a choisi d’étudier les effets du confinement et du déconfinement sur les microplastiques. On travaille en partenariat avec l’université de Barcelone, ils ont validé cette recherche".

L’idée, c’est donc de collecter un maximum d’information pour savoir si le confinement puis le déconfinement ont eu un impact sur le nombre, la taille et la nature des micro-déchets en mer. C’est Cléa qui clarifie le parcours.

"Nous allons récolter des microplastiques sur neuf endroits au total le long de la côte méditerranéenne française. Sur le littoral des grandes villes d’abord, puis à l’embouchure des fleuves (le Var, le Rhône et l’Hérault) ainsi qu’aux alentours de zones moins peuplées".

#Fridayscience 9 DID YOU KNOW THAT...#subtropicalgyres are the main zones where floating plastic debris...

Publiée par SEA Plastics sur Vendredi 22 mai 2020
Le présupposé des jeunes gens c’est que le confinement a produit moins de microplastiques primaires (les traces d’usure des pneus qui parviennent via les eaux de pluie jusqu’à la Méditerranée), mais peut-être plus de microplastiques secondaires (des macro-plastiques qui se désagrègent).

Seconde idée, après le déconfinement, il y a aura sans doute une explosion de microplastiques.

"Mais cela, pour l’instant, c’est impossible de le voir. Les effets du déconfinement sur les microplastiques n’apparaîtront que dans quelques années. Là nous collectons des premières informations qui seront étayées par d’autres, à la même période l’an prochain", précise Benjamin.

La science à bord de Dune

Le 11 mai la petite équipe a donc pris la mer sur le voilier Dune. Depuis, chaque jour, le même rituel se répète.

"En milieu de matinée, nous devons être sur zone pour lancer notre filet", commente Cosme.

Non pas que les étudiants soient également pêcheurs, mais pour collecter les données, ils travaillent avec un filet Manta. Un filet qui récupère, dans une sorte d’entonnoir, les déchets plastiques très petits qui flottent à la surface.
Et à bord, on ne plaisante pas avec les protocoles scientifiques. C’est même du sérieux.

Cosme renchérit : "On marque très précisément l’endroit du point GPS, puis on traîne le filet pendant dix minutes à une vitesse de deux milles nautique par heure".

Le procédé est répété trois fois, c’est ce que l’on appelle un triplicat.

Et chaque jour le même spectacle : entre le plancton et les larves de méduses des petits bouts de plastiques qui laissent peu de doute quant à leurs origines.

"Ils viennent de la terre c’est une évidence. Et lorsqu’on les met sous le microscope on voit même de très fines particules de textiles".

Des fibres textiles partout dans la mer. Pourquoi ? Parce que lorsque nous lavons nos vêtements synthétiques, des micros particules s’en échappent. Elles filent vers les stations d’épuration et prennent ensuite la direction de la mer.
Pour Cléa cette pollution invisible est gravissime. "Vous savez que ces micro-particules se retrouvent jusque dans la fosse des Mariannes. C’est 11 kilomètres sous le niveau de la mer. Des chercheurs en ont trouvé dans le ventre de mini crustacés qui habitent là".

Pour les trois étudiants, il est donc urgent d’agir. Dans chacun des ports ou ils passent ils tentent aussi, en appliquant les règles sanitaires de sensibiliser les plaisanciers.

"Il faut expliquer à tout le monde qu’il faut faire des efforts. On ne va pas s’en sortir sinon", explique Cléa.

L’aventure n’en est pour l’instant qu’à ses débuts. Mi-juin, les premiers résultats partiront pour l’Espagne ou les chercheurs partenaires commenceront l’exploitation des données.

Cléa, Benjamin et Cosme ont encore de nombreux milles marins à parcourir avant de quitter Dune.

En septembre ils retourneront dans leur école d’ingénieurs, pressés sans doute de prouver à la terre entière qu'en mer, le plastique, c’est vraiment dramatique.
 
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