Méditerranée : des scientifiques révèlent la présence de bactéries et de virus dans la pollution plastique

Après 4 semaines à étudier la pollution plastique en Méditerranée de Rome à Marseille, des scientifiques livrent leurs premières conclusions et elles sont alarmantes. Plus petits qu'un confetti, ces microplastiques véhiculent des bactéries et des virus potentiellement dangereux.

Selon une estimation, 250 milliards de fragments de déchets plastiques contaminent la mer Méditerranée. Difficile à dater avec certitude, il faut sans doute remonter aux années 50 et la production du plastique à grande échelle, pour observer les premières traces de pollution.

Depuis une dizaine d'années, l'Expédition MED étudie la pollution plastique en Méditerranée, l'une des mers plus polluées au monde. Et cette pollution, néfaste pour l'environnement, pourrait se révéler encore bien plus dangereuse.

Ces petits morceaux de plastiques flottants, souvent invisibles à l'œil nu, véhiculent ses bactéries, algues et virus, parfois même pathogènes pour l'homme et l'animal, sur des centaines de kilomètres. Le problème, c'est que ces déchets ne se dégraderont pas avant plusieurs centaines d'années.

Du plastique colonisé par de nouvelles bactéries

C'est ce que révèlent les scientifiques de l'Expédition Med, un laboratoire citoyen dédié à l'étude de la pollution plastique en mer Méditerranée.

Pendant quatre semaines en mer, depuis Rome jusqu'à Marseille, en passant par le nord de la Corse jusqu'à Saint-Laurent-du-Var, puis Toulon et Port-Saint-Louis, les chercheurs et volontaires ont effectué des prélèvements de microplastiques le long des côtes.
 
Leur but ; étudier la composition chimique de ces fragments et les bactéries qui les colonisent. Et leur découverte est surprenante, voire inquiétante. 

On s’est aperçu qu’il y avait un nouvel écosystème qui s’était créé par la présence de ces débris plastiques. Sauf qu’il peut potentiellement y avoir de gros soucis avec ces bactéries.

Ce film de micro-organismes qui enveloppe le plastique sera scrupuleusement étudié par des laboratoires du monde entier. On appelle cela : la "plastisphère", en référence à la "biosphère", soit la vie sur la terre. 

Bien que le mot plastisphere n'ait été inventé qu'en 2011, les premiers chercheurs qui ont documenté la présence de plastique dans l'océan au début des années 1970 avaient déjà mentionné le biofilm des micro-organismes présents à sa surface.
 

"On s’est aperçu qu’il y avait un nouvel écosystème qui s’est créé par la présence de ces débris plastiques, qui ne se dégradent pas en mer et parcourent des milliers de kilomètres. Sauf qu’il peut potentiellement y avoir de gros soucis avec ces bactéries", explique Bruno Dumontet, directeur de l'Expédition Med.

Ces algues, bactéries, virus, ou invertébrés microscopiques voyagent mieux et bien plus longtemps que sur du bois ou des plumes, que l’on trouvait auparavant en mer.

Le choléra au milieu de l'océan

Pendant longtemps, personne n'a soupçonné la dangerosité de cette pollution plastique, aux fragments aussi petits qu'un confetti (moins de 5 millimètres). Ces micro-déchets sont pourtant porteurs d’un véritable cocktail toxique, révèle l'Expédition Med.

Quels risques et maladies certains organismes pathogènes pourraient-ils entraîner ? Il est urgent d’enquêter.

Des espèces invasives ou porteuses de maladies, voire même dangereuses pour les organismes marins et l’homme, ont déjà été retrouvées sur des déchets plastique en mer.

C'est le cas des bactéries du genre Vibrio, dont certaines porteuses des maladies gastro-intestinales chez les poissons et les huitres et du choléra, une maladie épidémique contagieuse, chez l’homme.

"Quels risques et maladies certains organismes pathogènes, notamment la bactérie du genre Vibrio ou des algues responsables des floraisons algales toxiques, pourraient-ils entraîner chez l’homme et les espèces aquatiques ? Il est urgent d’enquêter", alerte Bruno Dumontet.
 

L’inquiétude des scientifiques réside dans la difficulté de déterminer jusqu’où la contamination des déchets plastiques peut s’infiltrer dans la chaîne alimentaire.
 
Les bactéries du groupe Vibrio peuvent en effet causer des maladies gastro-intestinales chez les poissons, et donc potentiellement contaminer des élevages de poissons.

Recherches d'avant-garde

Ces découvertes alarmantes, la communauté scientifique les doit, entre autres, à Linda Amaral-Zettler et Erik Zettler, deux chercheurs américains travaillant aux Pays Bas. 

"Depuis une dizaine d’années, beaucoup se sont mis à étudier la quantité de plastique en mer et dans l’océan, mais très peu travaillent sur ce que ces plastiques sont susceptibles de transporter", détaille Tosca Ballerini, coordinatrice scientifique de l'Expédition Med.
 


"On travaille avec les chercheurs américains du NIOZ-Royal Netherlands Institute for Sea Research qui ont inventé le terme de "plastisphère". Nous avons déjà fait 200 prélèvements pour eux depuis le début de ces recherches. Nous sommes en train d’écrire nos premiers résultats scientifiques au vu des données récoltées depuis deux ans".

Des alternatives au recyclage 

Face à ces dangers potentiels encore méconnus, les membres d'Expedition Med sensibilisent le public une fois à terre en donnant des conférences. Des volontaires peuvent également participer à une expédition, et apprendre à réaliser des prélèvements. 

"Une fois que les déchets sont en mer, c’est trop tard. Il faut vraiment stopper l’hémorragie à terre", prévient Bruno Dumontet. 
 
Mais au-delà de cette découverte alarmante, conséquence du réchauffement environnemental, les scientifiques cherchent à savoir si certaines bactéries ne pourraient pas se révéler potentiellement bénéfiques.

"On est en train de regarder si certaines peuvent “dégrader” le plastique, c’est à dire le transformer en CO2 et eau", indique Tosca Ballerini, coordinatrice scientifique de l'Expédition Med. 

Avec un espoir de, peut-être, mettre au jour de nouvelles manières de recycler nos déchets. "La solution meilleure pour résoudre le problème de la pollution plastique en mer est d’arrêter de produire des objets en plastique à usage unique", conclu Tosca Ballerini.
 
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