Après notre article sur les poissons intoxiqués aux anti-inflammatoires, nous avons reçu les découvertes de chercheurs toulousains. Ils ont mis au point un procédé de destruction de ces molécules qui fonctionne avec des UV. Mais personne n'a encore décidé d'investir pour dépolluer ces eaux.
Dépolluer les eaux usées de nos molécules de médicaments, un rêve impossible ? Pas du tout. Des solutions scientifiques et techniques existent. La publication de notre article sur les poissons intoxiqués aux molécules de médicaments anti-inflammatoires a déclenché des réactions parmi les chercheurs.
Eliminer les xénobiotiques
Jacques Debuire, ingénieur en traitement des eaux et Florence Benoit-Marquié, chercheur en photobiologie à l'université de Toulouse ont travaillé depuis 2008 sur ces questions : comment éliminer les xénobiotiques (anti-inflammatoires, anti-cancéreux, antibiotiques, antidépresseurs, pesticides, parabènes, produits cosmétiques... ) contenus dans les eaux ? Ils ont inventé un processus de décontamination en 2008 : "le xénolyse". Un brevet a même été déposé. Leur étude a été validée par le CNRS et l'Université de Toulouse.
D'après une étude d'Eawag news d'octobre 2009 :
Impossible donc de cibler une ou plusieurs molécules. Le procédé devait donc s'adapter à cette incessante évolution. Car les risques sont bien là : féminisation des poissons, augmentation de la stérilité masculine, augmentation des tumeurs du sein et d'autres effets encore inconnus. Les chercheurs ont testé différentes molécules, comme le montre ce graphique ci-dessous. A chaque fois, la dégradation de la molécule est totale.Au cours des sept dernières années, plus de 11 000 nouvelles substances ont été enregistrées quotidiennement.
O taux de toxicité
Les eaux usées passent dans des tubes où elles sont bombardées par des UV. Des UV spécifiques qui ont une certaine longueur d'ondes. C'était tout l'enjeu de cette recherche. Les UV explosent les résidus de médicaments et les perturbateurs endocriniens. Cela les minéralise et rend les molécules inertes. Résultat : 0 taux de toxicité. Et ce, sans production de nouveaux déchets grâce à l'utilisation des ultra violets.
Un procédé simple et peu coûteux à mettre en oeuvre. Il suffirait de mettre un module à la sortie de la station de la station d'épuration, d'une clinique ou d'un hôpital. Coût de l'investissement calculé par les chercheurs : entre 150 000 et 200 000 euros. Ce qui par habitant, représenterait environ 10 euros par an et par personne. Ce processus de décontamination existe depuis 11 ans. Pourquoi cela n'intéresse-t-il pas les pouvoirs publics ?
Loi sur l'eau
Depuis 2 ans, les chercheurs ont relancé le dossier. Sans succès. Pourtant, ce procédé a obtenu le prix de l'innovation du Sénat et il a été validé par le CNRS. Les chercheurs l'ont aussi présenté en 2018 à deux reprises au ministère de l'environnement, cabinet de Prune Poirson et François de Rugy. Puis, ils ont rencontré le nouveau directeur de l'agence de l'Eau. Mais rien ne bouge. Comme il n'y a pas de contrainte, malgré les directives européennes et la loi sur l'eau, personne ne veut investir.
Irrigation des vignes
En région Occitanie, dans l'Aude, l'irrigation des vignes à partir de l'eau des stations d'épurations commence à se développer. Sans qu'aucune mesure de ces substances ne soit effectuée. Pour les chercheurs, ces rejets dans les cultures présentent un risque de santé publique majeur. Mais comme personne ne mesure ce type de pollution, personne ne cherche à dépolluer... avant de rejeter dans la nature. Sans être inquiété.