Plastiques, médicaments, trottinettes électriques... La mer Méditerranée face aux pollutions émergentes

La pollution dite "classique", par les eaux usées des villes et des industries, a nettement baissé en Méditerranée française depuis les années 1980, s'est félicitée l'Agence de l'eau début juillet. La Méditerranée reste toutefois polluée, et notamment à cause des microplastiques.
 

La mer Méditerranée est-elle la plus polluée du monde ? Lors d'un colloque organisé début juillet sur l'état de la mer Méditerranée, l'Agence de l'eau s'est félicitée d'un recul net de la pollution "classique" depuis les années 1980. 

La pollution dite "classique" ou "ponctuelle" concerne les eaux usées des villes et des industries qui se déversent dans la mer.

"Dans les années 1970 à 1980, la mer était en train de mourir de fait des rejets polluants qui étaient globalement non traités. Toutes les agglomérations du littoral se déversaient sans traitement dans la mer", explique Laurent Roy, directeur général de l'Agence de l'eau. 

En 1980, 15 stations d'épuration étaient installées sur le littoral méditerranéen. Il y en a aujourd'hui 250. "La capacité totale d’épuration sur le littoral méditerranéen a été multipliée par dix entre 1980 et 2019", complète Laurent Roy.

L'Agence de l'eau constate une très forte diminution du rejet des effluents domestiques, ainsi qu'une grande progression des effluents industriels grâce à de nombreux traitements mis en place. 

Laurent Roy tire des conclusions optimistes : " 88 % des eaux côtières en méditerranées sont en bon état chimique, on a beaucoup résorbé les pollutions d'une manière générale". 

La menace des "nouveaux polluants"

Plusieurs défis restent cependant à relever, notamment en matière de pollutions émergentes : les macro et microplastiques, et toutes les substances qui peuvent provenir de la dégradation de ces microplastiques, comme les perturbateurs endocriniens. Les médicaments et les pesticides menacent également la qualité de la mer.

"Nous sommes tous emetteurs de micropolluants dès lors qu'on prend des médicaments, explique Laurent Roy. Les médicaments se retrouvent dans les réseaux d'assainissement, parfois les stations d'épuration réussissent à les abattre, parfois pas et donc ça se retrouve ensuite dans la mer".

Les stations d'épuration ne sont, pour l'instant, pas faites pour traiter ces polluants. "Elles traitent la matière organique, l'azote et le phosphore souvent, mais elles ne traitent pas la pollution chimique diffuse".

L'Agence de l'eau commence à passer à l'action concernant ces polluants chimiques (microplastiques, médicaments, pesticides). De nombreuses recherches sont à l'oeuvre, des tests sont à l'étude dans les stations d'épuration grâce à de nouvelles technologies. 

La pluie favorise la pollution, notamment à Marseille

Un autre phénomène favorise la pollution : la pluie. Lorsqu'il pleut, la pollution ruisselle et se retrouve dans les réseaux d'égouts où s'y mélangent les eaux pluviales et les eaux usées.

"Quand il pleut, la capacité d'épuration des stations n'est pas suffisante pour absorber tout ce flux d'eau", explique le spécialiste.

Ces eaux finissent par être déversées vers la rivière ou la mer car les stations d'épuration n'ont pas la dimension pour traiter le temps de pluie

Un nouveau défi important pour l'Agence de l'eau, notamment à Marseille dont les plages sont parfois fermées à la baignade. La fermeture des plages peut aussi être due à une pollution accidentelle.

Il peut alors s'agir d'un déversement accidentel lors de travaux, mais cela peut aussi être dû aux chiens qui se promènent tôt sur la plage. "La mer nettoie leurs besoins mais au début de la matinée, ce n'est pas conforme aux analyses"

"Le problème des plages de Marseille est particulier, souligne Laurent Roy. Ce sont des plages situées dans la 2e agglomération de France en termes d'habitants, donc il y a une très forte vulnérabilité à la pollution bactériologique".
 

Les trottinettes, ces nouveaux pollueurs

Récemment, des centaines de trottinettes électriques ont été repêchées dans les eaux de Marseille. Ce n'est pas de la pollution bactériologique, mais cela reste une source potentielle de pollution. 

"Les batteries des trottinettes contiennent un certain nombre de métaux, le lithium notamment. Si elles sont jetées à la mer, cela peut être source de pollution par les métaux lourds", assure Laurent Roy.

Ces nouveaux moyens de locomotion qui explosent en France et notamment à Marseille, constituent bel et bien "une nouvelle source de pollution par des substances chimiques émergentes"

Prochain défi : les conséquences du réchauffement climatique

La mer Méditerranée est sensible au réchauffement climatique. Pour Laurent Roy, "cela pourrait avoir des conséquences biologiques sur les écosystèmes marins".

Maintenant que la pollution domestique a reculé, "on peut donner un coup de main à la nature pour qu'elle reconquière un mode de fonctionnement naturel, pour que les écosystèmes se remettent à bien fonctionner".

A Marseille, une opération nommée "Rexcor" est menée en partenariat avec le parc des Calanques à Cortiou, là où se déversent les rejets de la station d'épuration.

"Des habitats ont été mis en place pour les organismes marins pour qu'ils puissent se réinstaller", ajoute le spécialiste de l'eau. 

Un budget stable

L'Agence de l'eau, établissement public de l'Etat, agit dans le cadre d'un programme d'intervention défini tous les six ans. Le 10e programme d'intervention s'est terminé fin 2018, place au 11e, de 2019 à 2024. 

En moyenne, l'agence a dépensé 100 millions d'euros tous les ans au bénéfice direct de la mer Méditerranée"On table un maintien global de ce budget pour les années à venir, un effort pour l'Agence car notre programme d'intervention est plutôt en baisse", précise son directeur.

La fin d'une mauvaise réputation ? 

La mer méditerranée est-elle la mer la plus polluée du monde ? Laurent Roy réfute ce poncif : "Je ne sais pas du tout d'où sort cette affirmation. Ce n'est pas vrai. On aimerait que cette image change car c'est très excessif."

"Oui, la mer méditerranée est une mer fragile, fermée, entourée par des zones densément peuplées, mais depuis les 70-80, on a beaucoup progressé en matière de qualité de l'eau"
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Il reste encore beaucoup à faire, mais "sur une démarche de progrès", estime Laurent Roy. 

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