Comme tous les ans, à cette même période, les agents de l'OFB comptent les écrevisses à pattes blanches, espèces menacées depuis plusieurs décennies. Ces crustacés sont aujourd'hui les proies d'une espèce invasive, tout droit venue de l'Amérique du Nord.
Chaque été, l'Office français de la biodiversité (OFB) surveille les populations d'écrevisses dans nos rivières. Cette année, mauvaise surprise dans les Hautes-Alpes, une espèce invasive, l'écrevisse signal, gagne du terrain et menace la faune endémique.
Pendant la nuit, les agents de l'OFB recherchent dans les cours d'eau la trace des écrevisses à pattes blanches, en voie de disparition. "Dans la journée, elles ne sortent pas. Elles sont cachées sous les cailloux. À partir du crépuscule, elles sortent, elles sont actives. Nous, on vient dans la nuit avec une lampe pour les comptabiliser, pour voir s'il y en a déjà", nous raconte Yannick Pognart, un des agents présents sur place.
Ces crustacés sont témoins de la qualité de l'eau. "C'est une espèce polluo-sensible, donc très sensible à la pollution. Quand on trouve une écrevisse à pattes blanches dans un cours d'eau, c'est très bon signe. Ça veut dire que la qualité de l'eau est excellente. De l'eau fraîche, bien oxygénée et sans pollution", développe-t-il.
De nombreux facteurs contribuent à nuire à l’écrevisse à pattes blanches. Barrages, aménagements de rivière, la pollution qui dégrade la qualité de l’eau, le braconnage ou encore la pêche intensive sont autant de sources de fragilisation de l’espèce. La population de ce crustacé est en recul rapide et constant depuis plusieurs décennies. Seulement, elles sont aujourd'hui menacées par une espèce américaine, la signal, autrement appelée l'écrevisse du Pacifique.
Les écrevisses à pattes blanches menacées
Des agents de l'OFB se répartissent les secteurs pour surveiller les écrevisses signal. "Là où c'est inquiétant, c'est qu'elle va être bientôt en compétition avec l'écrevisse à pattes blanches", s'alarme Yanick Pognart, agent de l'OFB.
Pour la première fois depuis 15 ans, l'espèce exotique invasive gagne du terrain. "Les populations signal n'étaient pas en contact avec les populations autochtones, les écrevisses à pattes blanches. Et là, lors de la dernière prospection, on a vu qu'elle avait fait un bond de 3 ou 4 km", poursuit-il
Ce qui les inquiète particulièrement, c'est que la signal est porteuse saine d'une maladie, la peste de l'écrevisse, qui décime les populations locales. Et dans les cours d'eau qu'ils surveillent, elle est très vite repérée. "On la reconnaît grâce à sa tâche blanche qu'elle a sur les pinces. Elle est plus massive et plus agressive", détaille Perrine Moris, qui travaille à l'OFB.
Sa croissance est beaucoup plus rapide. Dans le département, il a suffi qu'un seul particulier l'introduise par accident pour qu'elle pullule. "Une fois qu'on a constaté la présence de l'écrevisse, malheureusement, il n'y a plus rien à faire. Il ne faut surtout pas les déplacer dans un autre cours d'eau", explique Yannick Pognart.
Après quelques heures pieds dans l'eau, guidés par une lampe frontale, les agents de l'OFB affirment que la progression reste limitée ce soir-là. Pour protéger cette biodiversité de plus en plus rare en France, la pêche à l'écrevisse reste ici strictement interdite.