Gap : tensions à l'hôpital, un médecin suspendu par l'ARS

Un chirurgien orthopédiste de l’hôpital Chicas, à Gap, est suspendu depuis ce mardi par l’Agence Régionale de Santé (ARS.) Une grave crise secoue cet hôpital. Des démissions tombent en pagaille, des salariés personnel se mettent en arrêt maladie, des interventions sont annulées.

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Après deux ans de suspension, le chirurgien orthopédiste Raouf Hammami reprend son poste à l'hôpital Chicas de Gap en mars dernier. Il travaille là depuis 15 ans. Mais son retour suscite une vive réaction de certains de ses collègues.

25 chefs de service ou chefs de pôles démissionnent de leurs fonctions administratives. 17 praticiens sont placés en arrêt maladie, dont 4 chirurgiens orthopédistes, c'est-à-dire la totalité des chirurgiens du service, hormis le docteur Hammami.

"Il va y avoir un meurtre à l'hôpital"

Ça n’est pas une banale histoire de mésentente entre confrères. Les médecins qui ont témoigné parlent d’insultes de la part du docteur Hammami, de menaces et même de menaces de mort. Le conflit brûle depuis des années et affecte profondément le personnel.

Selon le chirurgien viscéral Jérôme Atger, le docteur Hammimi porte plusieurs plaintes "c’est le champion des plaintes. Des plaintes auprès du Conseil de l’ordre, des plaintes de tout ordre."

L’orthopédiste Gilles Norotte est particulièrement visé car il utilise une technique relativement récente, la cimentoplastie, pratiquée sur les disques et non les vertèbres. Le docteur Hammimi l’attaque sur cette méthode, des experts interviennent et l’invalident.

Les relations au sein du service se tendent. En 2018, Gilles Norotte les décrit dans un rapport destiné à l'ARS que nous avons pu consulter "Je ne supporte plus ni ses menaces, ni ses injures, maintes fois répétées en réunion (délinquant, voleur, hors-la-loi, malversations financières, corrompus) y compris devant la direction, les membres des instances légitimes ou le personnel hospitalier depuis un an… Voire ses menaces de mort à mon égard « Toi, tu vas tomber », qui me hantent encore."

Le docteur Jean-Claude Champey, radiologue, alerte la direction de l’hôpital en disant "il va y a voir un meurtre à l’hôpital".

Dans cette ambiance épouvantable, les différentes instances sont activées. Trois suspensions vont se succéder pour le docteur Hammimi : celui de la CME, Commission Médicale d’Etablissement, du Centre National des Praticiens Hospitaliers puis de l'ARS. Le médecin ne pratiquera pas pendant deux ans.

- Le 17 mars, le médecin Hammimi passe en conseil de discipline, qui émettra un avis défavorable à toute sanction.

- Le 18 mars, l'ARS abroge sa suspension.

- Le 22 mars, il revient à l’hôpital.

- Le 27 avril, le chirurgien est suspendu par l'ARS avec effet immédiat. C'est sa quatrième suspension depuis 2019. 

"C'est moi la victime", répond le docteur Hammami

Ses collègues apprennent qu'il vient d'obtenir un statut particulier, celui de lanceur d’alerte. Le médecin a été désigné par Claire Hédon, défenseur des droits. Ce statut repose sur son travail sur la cimentoplastie discale pratiquée par le docteur Norotte. "Une centaine de patients est dans la nature avec du ciment dans le dos, c'est une technique dangereuse", explique le docteur Hammami, qui est passé par les médias pour informer les malades. 

"J'ai dérangé beaucoup de monde à l'hôpital, ils ont essayé d'étouffer l'affaire" affirme le chirurgien "On me fait payer mon alerte."

Selon le médecin, c'est lui qui est victime de harcèlement moral depuis deux ans "Une quinzaine de personnes essaie de faire diversion, pour étouffer ses propres responsabilités. Des chefs de service, des personnes identifiées de la gouvernance et Yann Le Bras, directeur de l'hôpital."

Lorsqu'on lui parle des colères et insultes reprochées par certains au sein de l'hôpital, il répond "J'ai été chef de service, puis chef de pôle, de nouveau chef de service, j'ai travaillé au conseil de l'ordre des médecins pendant 10 ans. Est-ce que vous pensez qu'on élit un type acariâtre et menaçant ?" 

Raouf Hammami a intenté recours contre cette sanction.

Olivier Foglietta, directeur des Ressources Humaines de l'hôpital de Gap, évoque des rassemblements devant l'hôpital et un préavis de grève illimitée déposé par le syndicat CFDT "On a tout essayé pour éviter cette situation. Est-ce qu'elle était évitable ?" La direction se trouve devant une situation hors normes "Le nombre d'arrêts maladie est important. Cette situation a généré beaucoup d'émotion, de perturbation. Une médiation a démarré sur le site la semaine dernière."

Les chirurgiens d'un même service doivent travailler de façon collégiale "dans cette configuration, c'est très difficile. leur sérénité est nécessaire pour prendre en charge les patients."

Une situation hors-normes

L'ARS, qui a décidé de suspendre le docteur Hammimi pendant 5 mois, explique cette sanction : 

(...) Un conflit entre praticiens hospitaliers, qui dure depuis plusieurs années, a progressivement créé un climat de tension, une dégradation des relations professionnelles et inter personnelles allant, ces derniers jours, jusqu'à provoquer une atteinte importante au bon fonctionnement de l'établissement de Gap et une dégradation notable du service rendu aux patients, susceptible de porter atteinte à leur sécurité.

Il apparait que cette crise est générée par les relations difficiles que le docteur Hammami entretient avec bon nombre de ses confrères et des membres du personnel soignant.

Pour remédier à cette situation, deux praticiens extérieurs à la région ont été missionnés (...) afin de rechercher une possibilité de conciliation. Leur mission a révélé un état de souffrance et une tension extrêmement préoccupante.

La dégradation rapide de la situation au sein de l'établissement de Gap, l'état de souffrance des personnels, l'impossibilité de trouver une voie de conciliation constatée par la mission mandatée à cet effet, rendait indispensable de suspendre à titre conservatoire le docteur Hammami dont le retour est identifié par tous les acteurs du Chicas comme étant la principale cause de la situation.

Cette mesure s'analyse comme une mesure de protection de tous, Dr Hammami compris. Elle permettra de retrouver un climat plus serein et de rétablir le fonctionnement normal de l'hôpital, lequel s'est fortement dégradé depuis 15 jours.

Certains des médecins que nous avons contactés aujourd'hui nous ont confié qu'ils avaient interdiction de parler à la presse ces dernières années. Le conflit couvait, il explose aujourd'hui, dans des proportions hors-normes.

 

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