Le plus grand lac artificiel de France a connu en un peu plus de deux ans des variations de volume et de hauteur considérables. Actuellement proche de son niveau maximal, il avait frôlé le record du niveau plancher durant l'été 2022.
Un lac est voué à changer de niveau en permanence. C'est même son fonctionnement normal, en particulier si il a été construit artificiellement.
Les modifications de niveaux permettent de réguler les crues, de produire de l'électricité et d'alimenter en eau les territoires en aval. C'est exactement le cas du lac de Serre-Ponçon.
En l'occurence, cette retenue d'eau artificielle d'une capacité de 1,2 milliards de m3, la plus grande de France, se remplit chaque année grâce aux précipitations.
Celles-ci ont été particulièrement importantes cette année. Avec quelles conséquences pour la gestion de cet ouvrage qui a façonné les aménagements et l'activité en Provence depuis 65 ans ? Nous avons contacté EDF Hydro Méditerranée afin de répondre à cette question.
Des volumes de précipitations jamais mesurés depuis 1977
En moyenne la quantité de précipitations recueillies chaque année représente un plus de deux fois le volume du lac, sauf dernièrement.
De septembre 2023 à août 2024, EDF Hydro Méditerranée a enregistré 4,2 milliards de m3 en précipitations (pluie et neige). Ce qui signifie que l’épisode connu depuis douze mois permettrait de remplir trois fois et demi le lac de Serre-Ponçon. Seule l'année 1977 a connu des apports supérieurs.
Les équipes d’EDF ont dû faire face sur la Durance à une succession importante d’épisodes de crues, les débits d’eau ont été largement excédentaires, même au delà du mois d'août.
Un volume d'eau toujours important
"Du 1er au 20 octobre 2024, on a accueilli dans la retenue 300 millions de m3 d’eau. En moyenne, c’est plutôt 100 millions de m3 en octobre" , précise EDF Hydro Méditerranée
Ces données sont confirmées par le Syndicat Mixte d'Aménagement et de Développement de Serre-Ponçon. En charge des opérations de valorisation, de développement touristique, de protection environnementale et d’aménagement, le Smadesep publie en temps réel les informations établissant la hauteur du lac.
Compte tenu de ces intempéries et crues régulières, la prudence et la gestion anticipée ont été particulièrement importantes cette année.
Pour autant EDF Hydro Méditerranée considère que ses activités du moment ne s'apparentent pas à une gestion de crise, mais à une gestion de crue dans le cadre de ses missions.
Dans un communiqué en date du 22 octobre, le gestionnaire indique ainsi :
Les équipes d'EDF Hydro Méditerranée sont mobilisées pour adapter, en temps réel, de manière prudente et anticipée, la gestion des aménagements aux évolutions de la météo.
EDF Hydro Méditerranée
En raison des niveaux d’eau élevés dans les retenues, EDF explique être "particulièrement vigilant quant à l’évolution des conditions climatiques sur le bassin, et continue d’adapter en permanence la gestion de la chaîne hydroélectrique." .
L'évolution des niveaux du lac est elle aussi, publiée en ligne par le syndicat mixte, qui a décidé, depuis la sécheresse de 2022 de partager ces données en temps réel à destination des professionnels et des usagers du lac.
Le lac produit de l'électricité pour plus de 2 millions de personnes, soit 35% de l'énergie produite en région Sud-PACA.
Mais depuis le 1er janvier jusqu’à septembre 2024, la cadence a été augmentée.
EDF estime avoir produit environ 5 milliards de KW/h d’énergie renouvelable grâce à ces apports en eau.
Pour la chaîne de la Durance et du Verdon, c’est ce qui est produit en moyenne sur une année entière. L'envoi des trop-pleins d'eau dans les turbines produit de l'électricité, et permet aussi de réguler le niveau d'eau. Tout est question d'équilibre.
Vidé en été pour fournir la région en eau, en hiver pour permettre aux turbines de produire l'électricité nécessaire au chauffage notamment, le lac de Serre-Ponçon se remplit avec les précipitations du printemps et la fonte des neiges.
Un fonctionnement vertueux, mais qu'il faut mener de manière de plus en plus précise et anticipée, compte tenu de l'évolution des conditions climatiques.