"Le mouton avant tout" : quand 12 000 bergers des Hautes-Alpes quittaient "la misère" pour vivre le rêve américain

Il était l'histoire de 12 000 Haut-Alpins partis traverser l'Atlantique pour vivre "le rêve américain". C'était entre 1850 et 1914. En mars dernier, une trentaine d'élèves du collège de Saint-Bonnet-en-Champsaur ont essayé de retrouver les racines de leurs ancêtres aux Etats-Unis.

Mercredi 22 mai, 30 élèves de troisième du collège de Saint-Bonnet-en-Champsaur, dans les Hautes-Alpes, ont présenté un film sur leur voyage aux Etats-Unis. S'ils ont traversé l'Atlantique en mars dernier, c'est pour aller à la rencontre de leurs ancêtres. Entre 1850 et 1914, plus de 12 000 Hauts-Alpins ont émigré en Amérique du Nord. Parmi eux, il y avait près de 7 000 Champsaurins.

Si leurs aïeux ont fait le choix de partir dans ces années-là, c'est en grande majorité pour fuir "la misère", nous explique Danielle Racanière, réalisatrice du film Dans les pas de Pete. Son film documentaire, inspiré du livre de Patrick Caffarel, Sur la route de Ten Sleep, retrace l'histoire de Pete, un moutonnier parti vivre aux Etats-unis.

Fuir la misère du Champsaur

D'après la réalisatrice, la misère dans le Champsaur s'explique à l'époque par les familles nombreuses. "Il y avait entre 10 et 20 enfants dans une famille qui se partageaient une petite parcelle. Ils ne pouvaient pas se nourrir." D'autant que les garçons devaient effectuer un service militaire qui pouvait durer entre six mois et six ans, tout dépendait de leur chance lors du "tirage au sort".

Pour partir, il fallait bien sûr payer la traversée de l'Altantique à bord d'un bateau et le logement sur place. Ils devaient débourser "aux alentours de 700 $". Les Champsaurins vendaient soit des parcelles de terrain ou des bêtes, et parfois même hypothéquaient leur bien.

Ils arrivaient avant 1892 à New-York et débarquaient après 1892 à Ellis Island.

Danielle Racanière, réalisatrice

à France 3 Provence-Alpes.

Des éleveurs de moutons réputés

Les Champsaurins débarquaient pour la plupart du temps en Californie et précisément à Los Angeles, au "cœur de la cité des anges". Sur place, des hôtels étaient tenus par des Français, dont un Haut-Alpin. "C'était un point de chute en arrivant là-bas, ça faisait office d'agence Pôle emploi", poursuit Danielle Racanière. Certains travaillaient dans ces hôtels, d'autres partaient dans la Sierra Nevada, un massif montagneux élevé de l'Est de la Californie.

Il n'y avait pas mieux que les bergers haut-alpins.

Danielle Racanière, réalisatrice

à France 3 Provence-Alpes.

"Ils s'occupaient de troupeaux XXL, entre 3 000 et 5 000 moutons pendant cinq mois dans la Sierra Nevada", explique-t-elle. Les bergers faisaient confiance aux jeunes Haut-Alpins pour garder leurs moutons, en grande majorité des mérinos. "C'était des gens qui se tenaient à la tâche. Pour eux, c'était le mouton avant tout." Dès qu'ils revenaient à Los Angeles pour la transhumance, ils devaient chercher un autre emploi. Certains travaillent dans la quincaillerie, d'autres ouvrent des boulangeries.

S'enrichir aux Etats-Unis

Selon la réalisatrice, certains partaient avec l'idée de s'intégrer et d'autres pour se faire de l'argent et s'acheter une exploitation en rentrant en France. C'est le cas de Pete, personnage principal du film documentaire Dans les pas de Pete, aîné de sa famille qui fuit la misère. Il débarque en janvier 1993 à Los Angeles. Sur place, il apprend rapidement l'anglais, s'intègre vite et s'achète un terrain selon l'Homestead Act, une loi américaine permettant d'acquérir des terres agricoles pour un prix relativement bas. Il reviendra dans le Champsaur en 1910. Avec l'argent qu'il récolte, il peut acheter une ferme familiale.

Danielle Racanière nous raconte qu'il n'y a pas eu de problèmes d'intégration aux Etats-Unis pour ces habitants du Champsaur immigrés, seulement une rivalité entre les éleveurs de vaches, les "rangers", et les bergers, "les sheepman". Selon les rangers, les moutons mangeaient tout sur leur passage. "Ils s'attaquaient aux moutonniers pour les décourager d'arpenter la sierra. Ils s'octroyaient le droit de s'accaparer des points d'eau", soutient-elle.

Jean-Pierre, le fondateur de Gueydan

Si certains Champsaurins sans repartis des Etats-Unis bredouille et sans le sou, d'autres ont brillé transatlantique. Jean-Pierre Gueydan est parti à 18 ans rejoindre son oncle et frère en Louisianne. Par le biais de l'Homestead act, il réussit à acheter des terrains et devient aussi propriétaire de ceux de ses frères venus s'installer là-bas. Le Haut-Alpin fait assécher des marécages pour les transformer en parcelles et produire du riz. Il fait fortune et construit sur place des écoles et structures pour la population. Pour le remercier, les habitants ont renommé la ville Gueydan.

D'après le consul américain, près de 80% des migrants champsaurins sont restés sur place. Aujourd'hui, certains d'entre eux viennent "retrouver leurs racines". La réalisatrice précise que lorsqu'elle a commencé le projet avec les élèves de Saint-Bonnet, sur 150 d'entre eux interrogés, 30 savaient que leurs ancêtres étaient partis aux Etats-Unis.

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