Réunis à Chorges en "Assises de la prédation", les éleveurs veulent faire entendre leurs revendications avant le nouveau "plan loup" en préparation pour les cinq années à venir.
Quelque 150 professionnels, menés par la FNSEA et la Fédération nationale ovine, se sont réunis lors des "assises de la prédation", ce jeudi 1er juin à Chorges, dans les hautes-Alpes, un département particulièrement touché par les attaques de loups. Alors que le gouvernement met la dernière main à son "plan loup" pour les cinq années à venir, les éleveurs fourbissent leurs arguments pour arracher le "droit de se défendre" face au prédateur.
Le gouvernement dévoilera les grandes lignes du suivant (2024-2029) à l'automne. La filière élevage entend obtenir un maximum de concessions dans ce dossier complexe et politiquement ultrasensible. France 3 Provence Alpes vous explique pourquoi les éleveurs montent au créneau avant le nouveau "plan loup".
- Parce que selon eux le loup est devenu "le roi des alpages"
Selon les éleveurs, le précédent plan est un franc succès pour le loup, devenu selon eux le "roi des alpages", mais un échec patent pour l'élevage et le pastoralisme, qu'il était pourtant censé préserver.
Canis lupus aurait ainsi porté atteinte à plus de 12.000 bêtes en 2022, soit plus du double par rapport à 2012, malgré les mesures de protection introduites parallèlement. Et la tendance reste à la hausse sur le début 2023.
Le plan loup ne peut pas être un plan de désespérance. Il y a un mal-être des éleveurs.
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA
Les effectifs de loups ont été évalués à l'hiver 2021-2022 à entre 826 et 1.016, des chiffres qui laissent les éleveurs sceptiques, certains n'hésitant pas à parler de "plusieurs milliers" de loups. Le prochain "comptage" de canidés, en réalité une évaluation réalisée à partir d'indices (traces, hurlements etc.), est attendu le 3 juillet.
- Parce qu’il y a « urgence »
Les éleveurs défendent le "droit de se défendre" face au prédateur, actuellement strictement encadré, la déresponsabilisation des éleveurs lors des incidents survenus avec les chiens de protection, ou encore le déclassement du loup en tant qu'espèce protégée dans la convention de Berne. Beaucoup d'entre eux insistent sur l"'urgence" d'agir face à la "détresse" des éleveurs et le risque que les jeunes se détournent de la profession.
"Le plan loup ne peut pas être un plan de désespérance. Il y a un mal-être des éleveurs", affirme Arnaud Rousseau, le nouveau président de la FNSEA, alors que le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, intervenant en visioconférence, vient de l'assurer de son soutien. Plus direct, un éleveur réclame "des preuves d'amour": "J'ai une proposition, laissez-nous tirer du loup !".
- Parce que selon eux "les méthodes de protection échouent"
"Force est de constater qu'en 2022 et début 2023 la prédation continue d'augmenter", notamment sur les bovins, admet le préfet référent national sur la politique du loup, Jean-Paul Celet. Pour autant, les arbitrages du futur plan loup "ne sont pas faits", prévient-il. "Ce qui se dessine c'est bien le renforcement des moyens de protection" (chiens de protection, clôtures électrifiées, aide aux bergers), souligne-t-il, ainsi qu'une "simplification" du protocole de tirs de défense. En revanche, un passage à une logique de "régulation" de l'espèce, comme le réclament les éleveurs, n'est pas à l'ordre du jour, fait-il savoir.
Les méthodes de protection "échouent souvent en raison de l'intelligence et de la capacité d'adaptation des loups", estime Anouk Courtial, du Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (Cerpam).
"Il ne faut pas résumer la prédation au nombre d'animaux tués. La profession est touchée par des morsures invisibles", argue-t-elle, évoquant aussi le risque d'abandon de certains alpages trop "difficiles à défendre" et le "dilemme des maires" face à des conflits d'usage grandissants, par exemple entre randonneurs et chiens de protection des troupeaux. Jean-Pierre Imbert, éleveur à Saint-Véran, a subi des attaques de loups dès 1997 et estime avoir perdu ainsi plus de 500 brebis et une cinquantaine de chèvres. "On n'avance pas", lâche-t-il, fataliste. "On est dans une fuite en avant et c'est l'éleveur qui passe pour le méchant".