Marcel Rufo critique un projet du gouvernement

Selon lui, le projet d'évaluer dès cinq ans les élèves à "risques" pourrait les "conditionner à échouer".

Marcel Rufo, pédopsychiatre à l'hôpital Salvator de Marseille, estime que le projet du ministère de l'Education nationale d'évaluer dès cinq ans les élèves à "risques" pourrait les "conditionner à échouer".

Le projet du ministère est-il nécessaire?
"Les enseignants repèrent déjà les élèves fragiles, mais il faut les aider en leur donnant des moyens: c'est presque utopique, mais j'aimerais que le tiers de la formation des professeurs des écoles porte sur le développement psychologique, cognitif, relationnel et affectif de l'enfant pour leur permettre de faire un repérage qui ne soit pas standardisé.  Ce qui me gêne, c'est la démarche épidémiologique, scientifique. L'épidémiologie ne remplacera jamais l'intime, la relation que l'enseignant noue avec l'enfant et le dialogue singulier qu'il a avec ses parents.  Les enseignants devraient aussi être soutenus par une cellule de spécialistes qui les aident à affiner ou à infirmer leurs impressions (psychologue, orthophoniste, pédopsychiatre...). C'est plus complexe qu'un projet standardisé!".

 
 Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel dans une école le 12 septembre 2011 à l'occasion de la rentrée des classes. 


 

Y a-t-il un danger à évaluer un enfant à cinq ans?

"A cinq ans, l'enfant a la compétence de douter de lui. C'est peut-être cela
l'argument décisif: si un enfant est repéré comme en difficulté, vous croyez qu'il ne le sait pas? Il sait qu'il déçoit ses parents et il va se cantonner dans l'échec. C'est ça qui m'inquiète: que l'on conditionne les enfants à échouer. C'est ne pas tenir compte de la blessure narcissique que l'on impose à l'enfant. Ne mettons pas du doute sur le doute. On colle une étiquette extrêmement anxiogène sur des enfants: lorsqu'on est signalé tôt comme en difficulté, on le devient."

 Retrouvez Marcel Rufo sur France 5. Le chef du service pédopsychiatrie du CHU Sainte-Marguerite à Marseille.  


 

Quelles pourraient être les conséquences pour son avenir?
"Cette évaluation est terrible car c'est plus une évaluation sur l'avenir que
sur la scolarité. On a tous été soutenus par des enseignants à un moment donné de notre vie et ce soutien, il ne faut pas le remplacer par une fiche à remplir en cochant des cases. L'humain n'est pas véritablement scientifique: il peut y avoir un petit garçon qui doute de lui, mais qui est remarquablement intelligent. Comment dans cette évaluation auraient été analysés Marcel Proust et Gaston Bachelard? La singularité, la poésie, l'inhibition, la timidité ne sont pas forcément à mettre en fiche. L'histoire du sujet compte plus que l'histoire de la collectivité des élèves.
 En outre, si on dit +on va tout évaluer+, les parents vont surévaluer, ils ne
vont pas laisser à l'enfant la capacité en maternelle d'avoir des évolutions un peu différentes qui ne préjugent pas de l'avenir."

Propos recueillis par Nadia Teskrat de l'Afp

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