Il s'agit incontestablement d'une découverte préhistorique majeure sur ce site fouillé patiemment depuis 50 ans
Nice : Découverte archéologique grotte du Lazaret
Un morceau de crâne humain de 170000 ans a été mis au jour samedi dernier. Il pourrait apporter des réponses aux nombreuses questions de cette période de l'évolution humaine...
L'os frontal d'un jeune homme de 170.000 ans est en train de sortir tout doucement
de terre dans la grotte maritime du Lazaret à Nice, une découverte préhistorique majeure sur ce site fouillé patiemment depuis 50 ans, ont estimé des scientifiques de renom.
Ce chasseur nomade de la Côte d'Azur "avait moins de 25 ans au moment de sa mort, car les sutures dentelées de l'os frontal ne sont pas encore soudées", analyse la paléontologue Marie-Antoinette de Lumley.
Il s'agit de l'un des tout derniers Homo erectus, qui pourrait révéler des indications importantes pour comprendre l'évolution progressive vers son successeur, l'homme de Néandertal.
"Avec ce front, assez bas et assez plat, vous voyez le sommet du visage", s'émerveille la paléontologue, en soulignant "la rareté" de la découverte mise à jour samedi par des étudiants participant aux fouilles estivales.
Aucun squelette complet n'existe de l'Homo erectus, car les sépultures n'étaient pas encore d'actualité. Si on ne sait pas comment il est mort, le jeune homme a probablement été mangé par les siens "dans un but rituel", car l'Homo erectus était friand de cervelle humaine.
Pour l'instant, l'os frontal est encore accroché à l'envers sur le sol de la grotte.
La précieuse découverte doit sécher quelques jours avant d'être délicatement dégagée pour dévoiler sa face avant.
"On ne peut pas se bousculer", rappelle la chercheuse, entourée de jeunes étudiants internationaux effectuant un travail de fourmi dans la grotte.
L'os frontal présente un bourrelet osseux caractéristique au-dessus du bord des orbites. L'espace entre les deux orbites est deux fois plus large que chez l'homme actuel, indiquant que "le sens olfactif de ce chasseur était très développé", souligne Marie-Antoinette de Lumley.
Baptisé "Lazaret 24", ce crâne est seulement le 24ème reste humain découvert sur le site en 50 ans. Mais il détrône déjà "Lazaret 3", découvert en 1964: un os de crâne d'un enfant de 9 ans, mort d'une tumeur des méninges. La dernière découverte humaine remontait à 2009, avec la molaire de lait d'un enfant.
"Nous dégageons actuellement un sol extraordinaire", décrit Henry de Lumley, éminent préhistorien qui dirige les fouilles sur ce site propriété du département depuis leur commencement, en septembre 1961.
Le chercheur de 76 ans supervise aussi les recherches dans la grotte de Tautavel (Pyrénées orientales), où fut découvert il y a 40 ans un crâne d'un Homo erectus de 450.000 ans.
Aujourd'hui accolée à une falaise à une centaine de mètres du littoral, la grotte du Lazaret surplombait la mer à 120 mètres lors de la période glaciaire. Elle servait de bivouac, voire de campement de plus longue durée.
La grotte niçoise cache, sur une épaisseur de 7 mètres, un condensé d'histoire s'étalant sur 70.000 ans. Les premières couches examinées au sommet étaient vieilles de 120.000 ans. Aujourd'hui, les chercheurs ont atteint la strate des 170.000 ans, après avoir gratté et tamisé 2,40 m de terre en 50 ans. Au plus bas, se trouve une plage marine fossilisée de 190.000 ans.
Outre la découverte exceptionnelle de l'os frontal d'un Homo erectus, le sol est jonché de restes d'animaux: bois de cervidé, omoplate d'auroch, maxilaire de lynx, corne de bouquetin, fémur d'ours ou plus rarement une défense d'éléphant...
"Il s'agit essentiellement de déchets alimentaires d'os fracassés. Les archéologues font en fait les poubelles des hommes préhistoriques!", ironise Patricia Valensi, paléontologue spécialisée dans les animaux.
L'été a notamment permis de découvrir 27 superbes "bifaces", des grands couteaux symétriques taillés dans des galets, servant à dépecer les animaux.