Suite de la polémique sur les manuels scolaires

Relance de la controverse sur l'orientation sexuelle dans les livres. Des députés dont Lionnel Luca veulent leur retrait

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Manuels scolaires : Lionnel Luca prend position

A quelques jours de rentrée, nouvelle polémique sur les manuels scolaires de Sciences de la vie et de la terre SVT de première L et ES. 80 députés ont demandé au ministre de l'Education nationale des éclaircissements quant au programme officiel, voire le retrait de manuels qui traitent de l'identité

Après les organisations catholiques au printemps, 80 députés UMP, dont Lionnel Luca demandent le retrait de certains manuels scolaires de biologie de première abordant la théorie du genre sur l'orientation sexuelle alors que des enseignants crient à la censure depuis près de deux mois.

Ces députés, qui représentent près du quart des 344 députés UMP, souhaitent que le ministre de l'Education nationale Luc Chatel fasse retirer des manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) qui expliquent "l'identité sexuelle" des individus autant par le contexte socio-culturel que par leur sexe biologique (théorie du genre).

Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes

La lettre est notamment signée par Lionnel Luca député des Alpes-Maritimes, Christian Vanneste,  et Jacques Myard, fondateurs du collectif de la Droite populaire, Bernard Debré, Eric Raoult ou Hervé Mariton.

Dès le 3 août, dans une lettre au député UMP Jacques Lamblin qui l'avait interrogé sur ce sujet, M. Chatel assurait que la "théorie du genre n'apparait pas dans le texte des programmes SVT". Dans cette lettre, le ministre ajoutait qu'il "faut distinguer soigneusement les programmes d'enseignement, qui ont une valeur réglementaire et officielle, des manuels scolaires dont les contenus relèvent de la seule responsabilité des éditeurs".

Une circulaire du 30 septembre 2010 du ministère de l'Education nationale prévoit que les programmes de sciences de première doivent, pour cette rentrée, comporter un chapitre intitulé "Devenir homme ou femme". Celui-ci doit "affirmer que si l'identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l'orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée".

Les maisons d'édition ayant évoqué, selon des modalités variées, ce chapitre, la direction de l'Enseignement catholique avait écrit fin mai aux directeurs diocésains pour attirer leur attention sur "le discernement à apporter dans le choix des manuels pour cette discipline". Ce courrier critiquait le chapitre incriminé car il fait "implicitement référence à la théorie du genre".

La théorie du genre, apparue au début des années 1990 aux Etats-Unis, réfute l'idée préconçue d'un déterminisme génétique de la préférence sexuelle et soutient que celle-ci est liée à des normes sociales susceptibles d'évoluer.

Christine Boutin

Plusieurs associations catholiques, relayées par Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, et une pétition qui a recueilli à ce jour "près de 37.000 signatures", selon le Collectif de l'Ecole déboussolée, demandaient à M. Chatel, d'apporter des "correctifs" ou d'"interdire l'usage des manuels incriminés".

Mercredi, "Paroles de Catholiques" qui se définit comme une "courroie de transmission entre catholiques de base et la presse" a soutenu la démarche des parlementaires UMP. Pour autant, ajoute l'association, il "peut être utile pour la culture générale des lycéens qu'ils soient informés" de l'existence de la théorie du genre, mais "il y a une mystification et une malhonnêteté à la présenter dans un cours de biologie" et donc de leur faire accroire "qu'il s'agit d'une donnée scientifique".

Luc Chatel

Deuxième fédération syndicale du monde éducatif, l'Unsa-Education a au contraire demandé l'intervention de Luc Chatel pour faire respecter les libertés "éditoriale et pédagogique" tout en "s'indignant de (la) démarche dogmatique" des 80 parlementaires UMP, qui n'ont "manifestement pas lu" le manuel de l'éditeur Hachette qu'ils critiquent le plus.

Le produit d'une construction sociale

Selon une historienne du CNRS; féminin et masculin seraient les "produits d'une construction sociale"

"Toutes les représentations assimilées au féminin et au masculin sont le produit d'une construction sociale", souligne Florence Rochefort, chercheuse au CNRS et présidente de l'Institut Emilie du Châtelet pour le développement des recherches sur les femmes, le sexe et le genre.

Des associations catholiques et des députés UMP s'insurgent contre des passages de manuels scolaires parlant d'identité sexuelle et de genre. De quoi s'agit-il ?


Florence Rochefort : "Le genre c'est un concept qui s'est diffusé dans les sciences humaines et sociales pour dire qu'il existe autre chose qu'un sexe biologique défini par des hormones -on a appelé ça à un moment le sexe social. Car la définition même des catégories homme et femme, leurs rôles, leurs fonctions, toutes les représentations assimilées au féminin et masculin sont le produit d'une construction sociale.  Le concept de genre nous permet d'interroger la construction des normes, la construction de ces catégories. Notre travail se situe dans la prolongation de la démarche féministe qui remet en cause l'idée d'une infériorité naturelle et d'une prédestination à certaines tâches, dans cette même lignée de déconstruction des évidences, pour montrer que ce sont pas des vérités absolues, mais seulement des vérités pour une certaine tranche de la population ou à un moment donné, qui ne s'appuient pas sur des preuves.

Où en est-on aujourd'hui ?


La société continue à reproduire une norme dominante. Par exemple les livres pour enfants continuent à véhiculer des stéréotypes souvent très arriérés par rapport à la réalité d'aujourd'hui : le petit garçon est très actif, courant partout, conquérant de l'espace, la petite fille plus volontiers à la fenêtre regardant au dehors, figée, passive. Il y a aussi le code des couleurs rose et bleu, le fer à repasser pour la petite fille...  Le concept de genre montre d'ailleurs à quel point ces rôles sont contraignants pour les hommes. Le système craque de partout, ne correspond plus à des mutations  en cours, à des aspirations plus individualistes, à la liberté, l'épanouissement et la singularité de chacun. Sur une même journée j'utilise des registres très différents de ma personnalité, que l'ancienne psychologie définirait comme masculin ou féminin : suis-je un homme quand je dirige un institut, une femme quand je fais le repas ?

C'est important qu'on en parle dans les manuels scolaires ?


C'est important que tout le monde ait les outils scientifiques adéquats pour réfléchir, se faire son opinion. C'est un nouveau champ de la recherche scientifique qui existe depuis plus de 40 ans et qu'on ne peut remettre en cause, un champ immense qui touche toutes les disciplines. Mais le lobby catholique veut faire valoir sa différence idéologique par rapport à la banalisation de l'homosexualité, et il est assez fort. L'Eglise se crispe, d'une façon ouvertement doctrinaire. La droite est attirée par le durcissement de ton à des moments particuliers. 

Sur le site de l'Institut (http://www.mnhn.fr/iec) une pétition est ouverte à la signature, sous l'intitulé "enseigner le genre, contre une censure archaïque".

Interview réalisée par nos confrères de l'AFP.

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