Sûr de lui, l'ancien patron du fabricant de prothèses mammaires PIP, Jean-Claude Mas, a martelé mardi ne pas se considérer comme un escroc, reconnaissant pourtant avoir empli d'un gel de silicone frauduleux des dizaines de milliers d'implants, lors de son procès en appel.
"Escroquerie? Je ne comprends toujours pas escroquerie au préjudice de qui", a déclaré cet homme de 76 ans, qui comparaît, vêtu d'un gilet noir distendu et collier de barbe blanche, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. En première instance en 2013, le président fondateur de Poly Implant Prothèse avait été condamné à quatre ans de prison, 75.000 euros d'amende et une interdiction définitive d'exercer une activité dans le domaine de la santé et de gérer une société.
Le délit d'escroquerie lui est reproché à l'encontre de la société de certification allemande TÜV, qui n'a jamais décelé la fraude. Jean-Claude Mas comparaît également pour tromperie aggravée, en raison des risques potentiels pour la santé des porteuses de prothèses, un autre enjeu du procès. Quatre anciens cadres dirigeants également condamnés en première instance comparaissent à nouveau à ses côtés.
Nie toute dangerosité
Fidèle à sa ligne de défense, Jean-Claude Mas reconnaît avoir utilisé son gel "maison", fabriqué hors de toute homologation officielle ou contrôle scientifique digne de ce nom à partir d'huile industrielle, mais nie toute dangerosité de son produit. L'accusation le suspecte d'avoir agi pour des raisons économiques, son gel non homologué revenant sept fois moins cher que celui, produit par un laboratoire spécialisé, qu'il déclarait officiellement utiliser."Le gel PIP était meilleur", affirme Jean-Claude Mas. "Et moins cher?", l'interroge le président Éric Cibiel. "Ben oui, et tant mieux !", répond-il, provoquant les soupirs de dizaines de victimes porteuses d'implant PIP qui assistent au procès délocalisé au centre des congrès d'Aix. Beaucoup ont dû se faire retirer leurs prothèses.
Soupirs des victimes
"Il y a eu beaucoup de tests faits" sur le gel "maison PIP", "je suis un maniaque des tests", lance encore Jean-Claude Mas, sans craindre les contradictions face aux juges, alors que les enquêteurs n'ont pas eu vent de ces prétendues analyses, et que la composition du gel a varié au fil des années, sans qu'aucune traçabilité ne soit possible.Devant le tribunal, l'un des cadres de l'entreprise a raconté comment, face à Jean-Claude Mas qui régnait sans partage et ne supportait pas la contradiction, il avait été jusqu'à mettre au point lui-même des tests artisanaux pour tenter de se rassurer sur l'innocuité du gel.
30.000 femmes concernées en France
Le scandale PIP avait éclaté en 2010, avec la découverte de la fraude par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue depuis l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Environ 30.000 femmes sont concernées en France et plusieurs dizaines de milliers d'autres à l'étranger, où PIP exportait 80% de sa production.Au total, 7.000 victimes se sont portées parties civiles dans l'espoir d'obtenir un dédommagement pour ce procès en appel, qui doit durer jusqu'au 27 novembre.
