Trop petite pour les centaines de fidèles... La nouvelle mosquée de Fréjus (Var), provisoirement ouverte, a fait salle comble vendredi, les musulmans de la ville exprimant leur joie d'étrenner ce lieu de culte, au coeur d'un bras de fer avec la mairie FN.
A peine le préfet avait-il signé l'arrêté d'autorisation d'ouverture provisoire que les fidèles s'ye sont pressés pour assister à la grande prière de la mi-journée. Environ 700 hommes de tous âges ont pris place sur la moquette bordeaux du rez-de-chaussée de ce bâtiment de plus de 1.400 mètres carrés, ceint d'arcades vitrées et chapeauté d'un immense dôme en verre. Des dizaines de femmes avaient pris place au premier étage, sur la mezzanine.
700 fidèles
Dans la foule, plusieurs familles avec des enfants. La plupart des fidèles se sont habillés pour l'occasion d'une djellaba. Face à eux, l'imam, qui depuis trente ans était contraint de célébrer le culte dans des garages voire, ces derniers mois, dans la rue derrière la mosquée, entame son prêche en arabe. Son casque, doté d'un micro, porte sa voix à travers l'immense pièce.Mes parents ont attendu ça pendant cinquante ans
Pendant des années dans des endroits insalubres
"Cette mosquée, c'est formidable, on a tous prié pour ça, on a vu nos parents prier pendant des années dans des endroits insalubres", raconte Yasmina, arrivée dans ce quartier périphérique de la Gabelle en 1957. "Mes parents ont attendu ça pendant cinquante ans, et j'aurais aimé que mon père, qui a combattu pendant cinq ans pour la France pendant la Seconde guerre mondiale, soit encore de ce monde pour voir ça", ajoute-t-elle. Malgré la procédure judiciaire qui se poursuit, et menace la mosquée de destruction, l'heure est, pour les fidèles, essentiellement d'origine maghrébine et habitant La Gabelle, à savourer "la victoire d'un droit", comme le résume un jeune fidèle.Des fidèles respectés
Plus prosaïquement, Brahim est heureux d'avoir enfin "un lieu de culte digne". "On a prié tout l'hiver dans le froid et la pluie", déplore ce pâtissier de la ville voisine de Saint-Raphaël. "Une mosquée, c'est important, ce n'est pas seulement un lieu de prière, c'est une atmosphère, un lieu de rencontres, un lieu de vie pour apprendre sa religion. Aujourd'hui, on se sent respecté en tant que musulmans d'avoir un lieu digne, et financé intégralement par les fidèles. On va pouvoir donner la vraie et belle image de notre religion", s'enthousiasme-t-il.Neuf, le bâtiment en émerveille certains: "Vous la verriez, la nuit, avec toutes ses lumières, la mosquée est magnifique", admire Soumia Maaroufi. "C'est un sentiment de satisfaction, c'est un grand jour pour tous les musulmans qui vont pouvoir se recueillir", ajoute-t-elle. "Aujourd'hui, notre sentiment, c'est la satisfaction, même si nous savons que ce n'est pas terminé", tempère son père Driss Maaroufi, président de l'association El Fath, gestionnaire de la mosquée.
Un sentiment que le combat est loin d'être fini partagé par Mohammed, gérant d'une station de lavage : "j'ai envie de m'adresser à tous les habitants de Fréjus, pour dire qu'il faut qu'on se respecte. On vit ensemble, dans le même pays, il faut qu'on s'aime entre nous". Pour oeuvrer en ce sens, l'association El Fath prévoit d'organiser une journée portes ouvertes et d'y inviter David Rachline, le maire Front national de Fréjus, adversaire des plus résolus de la mosquée, qui conteste en justice son permis de construire.On vit ensemble, dans le même pays, il faut qu'on s'aime entre nous
Dans ce volet, le procureur de la République à Draguignan a requis la démolition de l'édifice, estimant que l'association El Fath n'était pas propriétaire de l'intégralité des terrains au moment de la construction. Le jugement du tribunal de Draguignan doit être rendu le 26 février.