Des chercheurs de l'Institut de Neurosciences de l'hôpital de La Timone à Marseille ont identifié un signal dans une partie du cerveau des rats prédisant leur vulnérabilité à devenir "accros" à la cocaïne. La découverte pourrait aider les traitements de la dépendance chez l'humain. Voilà pourquoi.
- Déjà parce que nous ne sommes pas tous égaux face à la drogue
"Il y a des gens qui peuvent consommer de la cocaïne tous les samedis soir et qui ne seront jamais accros, et d'autres qui ne résistent pas et basculent dans l'addiction", explique Christelle Baunez, chercheuse à l'Institut de Neurosciences de La Timone à Marseille.
Alors comment éviter la dépendance, ce besoin de "consommer une chose malgré les conséquences négatives de cette consommation"?
La recherche sur ces rats a permis de mettre en évidence l'existence d'un signal dans une partie de leur cerveau. Si ce "marqueur prédictif" était identifié, il pourrait "aider les gens les plus vulnérables".
- Comment l'expérience a été conduite ?
Les rats concernés sont déjà familiarisés à la consommation du produit. L'expérience a consisté à ne pas punir la prise de cocaïne, mais à punir sa recherche.
Pour obtenir la drogue, le rat doit presser un levier qui libère une dose. Il avait alors une chance sur deux de recevoir à la place une décharge électrique dans les pattes.
15 à 20% des rongeurs "vont quand même essayer de jouer pour avoir la cocaïne, malgré le risque qu'ils prennent d'avoir un choc", indique Christelle Baunez, "ce sont eux qui nous intéressent, car ils sont vraiment accros".
- Mais alors comment distinguer "avant qu'il ne soit trop tard" les futurs accros des autres ?
"Il existe dans le cerveau un marqueur prédictif, il faut l'identifier", explique Christelle Baunez. L'objectif est de déterminer si une personne est vulnérable à la dépendance afin de l'aider à résister.
Les chercheurs ont ainsi trouvé une "signature magique" permettant d'identifier les rats accros. Ils ont repéré une activité électrique anormale des neurones dans le noyau sub-thalamique (NST), dans une région du cerveau impliquée entre autres dans les décisions coût-bénéfice.
L'activité anormale des neurones dans cette zone, à une très très basse fréquence, apparaît chez les seuls "animaux qui seront de futurs consommateurs compulsifs". Bingo.
- En quoi cette trouvaille est fondamentale ?
Identifier un signal, c'est pouvoir travailler dessus et pouvoir trouver un traitement pour remédier à la dépendance. L'étude a confirmé qu'à une fréquence bien précise, plutôt basse, la stimulation réduit la quête de substance du rat toxicomane.
Cette méthode de stimulation cérébrale profonde se fait avec des électrodes implantées dans cette zone. Cela fonctionne pour modifier des comportements liés à l'addiction.
"L'étape suivante pour nous est de chercher une activité miroir de ce qu'on observe profondément", explique Christelle Baunez.
Une sorte de "résonance" de ce signal dans une partie du cerveau plus périphérique, détectable avec un simple casque d'électroencéphalogramme. Ce qui permettrait de mettre en garde un patient toxicomane sur sa vulnérabilité à l'accoutumance.