Coronavirus : bars, restos, hôtels, le casse-tête sanitaire pour sortir du confinement

Les représentants des restaurateurs, cafetiers et hôteliers se sont entretenus vendredi avec Emmanuel Macron. Ils ont notamment discuté des conditions sanitaires nécessaires à la reprise. Un vrai casse-tête quand l'activité tout entière est consacrée au plaisir du client.

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La date du déconfinement fixée par le gouvernement au 11 mai prochain, ne concerne par les restaurants, cafés et hôtels. Ceux-là devront encore attendre comme l'ensemble des lieux à forte fréquentation.

Aucune date de réouverture n'a été annoncée à l'issue de la rencontre au plus haut sommet de l'Etat vendredi matin. Mais une chose est certaine, la reprise sera conditionnée à de strictes mesures sanitaires.

Un vrai casse-tête

Les directives gouvernementales visent à empêcher le virus de circuler. Elles préconisent une distance d'au moins un mètre entre les individus, et des tables de moins de huit personnes.

Pour les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, cela relève du casse-tête, tant les situations sont différentes.

Comment, par exemple, organiser la même distanciation sociale dans une vaste salle de restaurant, et dans l'espace confiné d'un pub ?

"Ca va être difficile", estime Laurent Lieutaud, patron du pub Red Lion à Marseille. "Dans des brasseries comme la nôtre, nous misons tout sur l'ambiance chaleureuse, la concentration et le rapprochement des gens".

La règle d'un espace d'un mètre entre les personnes va imposer un nouveau mode de fonctionnement.

"Parmi les pistes de réflexion, j'ai entendu parler de bulles en plexiglas pour séparer les gens", poursuit Laurent Lieutaud. Qui va payer ces installations ? Cela peut coûter très cher pour les adapter aux tables".

"On doit aussi éviter que les gens ne se déplacent trop et se croisent. Or dans les pubs, le service ne se fait jamais en salle. Là, il faudrait encore investir en installant de nouveaux systèmes sur nos caisses existantes pour aller prendre leur commandes. Encore un surcoût."

Plusieurs milliers d'euros de surcoût

À Menton (Alpes-Maritimes), Pierre-Laurent Telle, le gérant du restaurant La Volta réfléchit déjà à l'"après", pour pouvoir ouvrir dès que possible.

Sur l'esplanade du port interdite aux touristes et aux habitués suite au confinement, il envisage, avec d'autres restaurateurs, de demander trois mètres d'occupation du sol en plus.

Cela lui permettrait d'agencer l'ensemble de ses 120 couverts sur sa terrasse et de maintenir sa scène musicale.

"Ca va être du Lego !, reconnaît le patron mentonnais. Nous allons aussi reculer les tables devant la scène parce que j'aimerais éviter le plexiglass devant les chanteurs. Il faut qu'il y ait de la musique tous les soirs à la réouverture, c'est dans notre ADN !"
À cela s'ajoutent du gel hydroalcoolique (qu'il veut mettre sur toutes les tables), des masques et des gants pour son personnel, une vitre en plexiglass à la caisse...

Les toilettes seront aussi fléchées au sol et régulièrement nettoyées, "toutes les une ou deux heures". Un coût supplémentaire, en plus des anniversaires et mariages qu'il faudra sans doute annuler...

"Le stock de départ pour trois semaines devrait nous coûter entre 3 et 4.000 euros, puis entre 700 et 800 euros par mois."

Une "dépense significative" qui aura forcément un impact sur le chiffre d'affaires, mais le gérant n'imagine pas augmenter ses prix pour autant.

Les mêmes règles que celles de la chirurgie

Vendredi matin à l'Elysée, un protocole de mesures sanitaires élaboré par les professionnels du secteur, a été remis au chef de l'Etat.

Parmi les personnes ayant travaillé à ce guide blanc, figure un ancien chirurgien-dentiste devenu restaurateur, Jean-Christophe Vigne. Il possède deux établissements à Marseille et Saint-Rémy de Provence.

"De part mon ancien métier de chirurgien dentiste, je connais les régles d'aseptie, de désinfection et d'antiseptie. J'en ai appliqué quelques unes à la restauration", explique l'ancien chirurgien.

Comme "se laver les mains et les avant-bras, selon les normes de chirurgie au savon pendant au moins 30 secondes, au moins une fois par heure".

Pour ce restaurateur marseillais, la distanciation sociale réclamée par l'Etat va faire diminuer de moitié le nombre de places dans les restaurants.

"Or, travailler avec la moitié de son chiffre d'affaires n'est pas viable dans ce secteur. Il vaut mieux renforcer les barrières sanitaires en formant notre personnel à cela."

Parmi les autres préconisations de l'ancien chirurgien, les livraisons seront déposées "hors des locaux, et les marchandises seront libérées de leur emballage puis amenées dans leur zone de traitement en utilisant des gants". 

Les vêtements portés au travail "seront changés quotidiennement. Ils devront être lavés au moins 30mn à 60°".

Les habitudes des clients devront, elles aussi, changer : "plus de sel ni de poivre, ni de pain, ni de carafe d'eau à table. Ce sont les serveurs, équipés de masques, de charlottes et de gants qui viendront servir".

À l'hôtel, un tracé pour les clients

Dans l'hôtellerie, le casse-tête se poursuit. Non seulement parce que la plupart des hôtels proposent un petit-déjeuner en salle, et que les mêmes règles de restauration vont devoir s'appliquer.

Mais parce que les hôteliers vont devoir gérer aussi l'arrivée et le départ de leurs clients.

L'une des règles sanitaires étant d'éviter la circulation des personnes, pour éviter celle du virus, les hôteliers vont devoir s'organiser.

"Il nous faudra différencier les départs et les arrivées, par des tracés, des barrières ou des lignes", explique Nicolas Guyot, vice-président de l'UMIH13 secteur hôtellerie.

"Nous allons devoir nous immiscer dans la vie de nos clients. Leur demander par exemple à quelle heure ils comptent partir ? Et s'il y a déjà quelqu'un à l'heure indiquée, on leur demandera de patienter ou d'avancer leur départ". Parmi les pistes sanitaires envisagées, les clefs pourront toutes êtres remise dans une sorte d'urne , "afin de les désinfecter et éviter au réceptionniste de les toucher".

Comme partout ailleurs en hôtellerie et restauration, le personnel portera masques et gants. "Le client attendra de nous tous une garantie d'hygiène. Il faudra qu'on soit prêt à répondre à cette demande".

Quand vous entrerez dans un bar, vous n'irez plus chercher les mêmes choses

De ces normes sanitaires dépend la réouvertures des cafés, bars, et restaurants (les hôtels n'ont pas été officiellement tenus de fermer). Elles pourraient s'avérer trop contraignantes pour certaines entreprises du secteur.

Un patron de bar à cocktails pense ne pas rouvrir : "au bout d'un verre ou deux, mes clients se mettent à danser. L'ambiance est chaleureuse... Ca ne sera plus possible" a-t-il confié.

Pour Arnaud Lafargue, le directeur de la branche café-brasserie de l'UMIH 13, "cela va changer la relation client-personnel. C'est sûr, lorsque vous entrerez dans un bar, vous n'irez pas chercher ce que vous trouviez avant. La remise en route sera la même pour tout le monde, dans tout le pays. Et tout le monde jouera le jeu. Clients comme personnels".

Le ministre de l'économie Bruno Le Maire a précisé que l'exécutif souhaitait se "donner le temps de faire la réouverture dans les meilleures conditions sanitaires" .

Une nouvelle réunion se tiendra fin mai, afin de "définir une date de réouverture", en fonction de l'épidémie. "On se donne une quinzaine de jours pour regarder comment évolue la situation sanitaire du pays", a rajouté le ministre."

Mais ce sera trop tard pour certains

Certains établissements ont déjà manqué leur début de saison, liée au tourisme et aux beaux jours. C'est le cas de nombreux bars-restaurants de la Côte d'Azur, habitués à une clientèle étrangère aisée.

"90% des enseignes de Saint-Tropez n'ouvriront pas", précise Marc Chemin, directeur de l'UMIH 13. "Le remplacement de leur clientèle habituelle par une clientèle française n'est pas certain non plus. On ne sait pas grand-chose. Est-ce qu'il y aura fermeture entre les régions, entre les frontières ?"

À Menton, Pierre-Laurent Telle espère pouvoir rouvrir son établissement le 15 juin, "pour pouvoir faire une petite saison d'été. Si on reprend le 15 juillet, on est mort !"

Les enseignes ont été particulièrement mises à mal par les semaines de confinement. Ce matin, l'exécutif a fait plusieurs gestes en leur faveur.

Le chômage partiel sera prolongé pour ceux qui ne pourront pas redémarrer leur activité au 11 mai.

Le gouvernement réfléchit également à mettre en place sur le long terme un fond d’investissement pour relancer ce secteur et aider les entreprises à la reprise.

"Nous organiserons une réunion avec les assurances et les banques pour savoir comment alimenter ce fonds, a encore précisé le ministre. Rien ne serait pire que de faire une réouverture dans la précipitation, qui nous obligerait à fermer de nouveau."
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