Le maire de Sanary-sur-Mer, Ferdinand Bernhard a été condamné ce lundi 7 septembre à 6 mois de prison ferme sous bracelet électronique et 30 mois avec sursis pour prise illégale d'intérêt, détournement de fonds public et favoritisme, dans une série d'infractions économiques et financières.
Ferdinand Bernhard a été condamné ce 7 septembre à six mois de prison ferme sous bracelet électronique et 30 mois avec sursis pour prise illégale d'intérêt, détournement de fonds public et favoritisme, dans une série d'infractions économiques et financières.
Il a également été condamné à cinq ans de privation de droits civiques et civils et les biens immobiliers en cause dans l'affaire lui appartenant seront confisqués.
Son avocat Julien Pinelli a annoncé qu'il allait faire appel de sa condamnation.
"Monsieur Bernhard conteste l'ensemble des accusations portées à son encontre et entend naturellement mener jusqu'à son terme cette procédure", a déclaré dans un communiqué son avocat.
Sans remettre en question le travail des magistrats qui l'ont rendue, nous estimons que cette décision n'est pas le juste reflet du contenu de ce dossier et des débats.
Retour sur l'audience en juin dernier
Après trois jours de procès en juin 2020, le parquet avait requis trois ans de prison avec sursis, 100 000 euros d'amende et 5 ans d'inéligibilité à l'encontre de Ferdinand Bernhard. Le maire de Sanary-sur-mer dans le Var, en place depuis 31 ans et réélu au premier tour en mars dernier, comparaît depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille, pour détournement de fonds publics, favoritisme et prise illégale d'intérêt.
Il a mélangé "ses intérêts personnels avec ceux de la commune", en faisant "un système de fonctionnement", a souligné dans son réquisitoire le procureur Etienne Perrin. En ajoutant :
C'est un serviteur qui s'est servi.
A l'encontre de Sybille Beaufils, l'ancienne maîtresse de Ferdinand Bernhard et un temps promue directrice générale des services de la mairie, le parquet a requis 6 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d'amende. Enfin 6 mois de prison avec sursis et 30 000 euros d'amende ont été requis à l'encontre de Jean-Jacques Ceris, jugé pour recel de favoritisme lors de l'attribution par appel d'offre d'une mission au sein du cabinet du maire.
Reportage de Jean-François Giorgetti et Jérémie Hessas lors du réquisitoire :
Depuis le début de l'audience Ferdinand Bernhard, ce chirurgien-dentiste de 68 ans à la carrure imposante, maire de Sanary, conseiller départemental et président de communauté d'agglomération, devait répondre, point par point, sur une série de faits laissant supposer une porosité entre son mandat de maire et sa vie privée.
L'affaire était née en 2010 de dénonciations d'habitants à propos de sa gestion, puis d'un signalement de la chambre régionale des comptes l'année suivante.
Un projet immobilier personnel qui pose questions
En avril 2010 Ferdinand Bernhard achète dans sa commune, à 300 mètres de la mer, un terrain pour y construire plusieurs villas. Le terrain est acquis pour 300 000 euros, l'acte de vente précisant que "cette parcelle n'est pas desservie, le prix de vente tenant compte de l'enclavement".
Ce mardi, la justice s'est penchée notamment sur l'ouverture d'une procédure de déclaration d'utilité publique pour ouvrir une nouvelle voie par expropriation... "mes précedesseurs avaient déjà prévu de l'ouvrir", répond Ferdinand Bernhard, maire depuis 1989, au tribunal. Ce désenclavement, que le précédent propriétaire n'avait pas réussi à obtenir d'aucun voisin, Ferdinand Bernhard va finalement le décrocher via une servitude "sous seing privé".
Concernant le terrain, la présidente Céline Ballerini s'étonne également de ce permis de construire déposé et instruit par les services municipaux 5 mois avant que Ferdinand Bernhard ne devienne propriétaire.
C'est normal de déposer un permis avant de signer. Si je n'ai pas le permis, je ne fais pas l'achat
répond le maire qui réfute toute prise illégale d'intérêt.
Promotion-éclair de sa maîtresse
Un peu plus tôt mardi, c'est le cas de Sybille Beaufils qui a été examiné par le tribunal. Cette contrôleuse de gestion, amante de Ferdinand Bernhard, est devenue directrice générale des services à plus de 5000 euros mensuels, soit l'un des trois plus hauts salaires de la mairie.
Recrutée en 2009 sans une question sur ses compétences ni sur son CV, elle aurait immédiatement brillé en découvrant un trou de 3 millions d'euros dans les comptes de la cité balnéaire. De quoi doubler son salaire de 2.500 euros en la promouvant rapidement collaboratrice de cabinet, assume le maire.
A aucun moment, le choix n'a été fait parce que j'avais des sentiments avec elle ou une relation. C'était largement mérité
argumente Ferdinand Bernhard, réfutant là-encore toute prise illégale d'intérêt.
Aux juges qui pointent les coïncidences de dates avec la relation amoureuse qui se noue entre eux, l'édile rétorque :
Il est totalement indécent de considérer qu'une femme puisse avoir sa carrière parce qu'elle a eu une relation avec quelqu'un !
Avant 2017 et la loi sur la moralisation de la vie publique, prise dans la foulée de l'affaire Fillon et de l'élection d'Emmanuel Macron, l'embauche d'un concubin par un maire n'était pas interdite, concèdent les juges.
Avant de pointer le fait que Sybille Beaufils faisait simplement "fonction de" DGS, chef d'orchestre au quotidien d'une administration de plus de 200 agents, n'ayant pas le diplôme (Bac+5) nécessaire pour prétendre officiellement à ce titre. Elle ne pouvait ainsi pas signer les documents officiels.
L'intéressée, qui comparaît pour recel, affirme quant à elle : "J'ai fait un bilan, en me disant : Non, c'est impensable pour moi que je sois
recrutée pour autre chose que mes qualités personnelles. Je suis peut-être tombée au bon moment, j'ai eu de la chance. Mais j'ai aussi mérité ce poste".
Mais deux ans d'une relation "compliquée et en dents de scie" plus tard, quand le maire a appris qu'elle avait une liaison avec le jardinier, leur rupture conduira à sa mise "au placard", raconte Sybille Beaufils. Et devant les gendarmes, elle ne ménagera pas son ancien amant :
Il méprise les gens, il se comporte comme un roi, il ne supporte pas d'être contredit et mis face à ses responsabilités !
lâche-t-elle lors de l'instruction, se montrant plus sobre à l'audience : " Il a du caractère."
Utilisation privée de sa voiture de fonction
Lundi c'est par l'examen de son utilisation de la voiture mise à disposition par la mairie, ainsi que d'une carte de paiement de péages et d'essence que le procès avait commencé.
Je ne suis pas un despote, je ne suis pas un tyran, je fais ce qu'on me dit de faire, et (être maire) c'est une activité extrêmement complexe
a-t-il déclaré.
"On fait des erreurs, des fautes mais il n'y a pas d'intention, de mauvais usage délibéré", a-t-il lâché du bout des lèvres, pressé par le procureur Etienne Perrin de s'expliquer sur un week-end en Haute-Savoie, où il s'est rendu avec la voiture de la mairie.
Devant le tribunal, Ferdinand Bernhard vante son dévouement à sa commune, expliquant garder cette voiture avec lui car il pouvait être appelé à tout moment, soir et week-end. "Un élu est là pour façonner un territoire, comme le façonne un père de famille, j'ai toujours eu beaucoup d'engagement de ce côté-là", a-t-il ajouté.
A la barre également ce lundi, Emmanuel Serra. C'est cet habitant devenu opposant politique qui avait déposé il y a 10 ans la première plainte contre le maire et qui s'est constitué partie civile. Devant le tribunal, il a expliqué vouloir "que l'ensemble de Sanary soit au courant des pratiques du maire" :
Il y a du mensonge, des faux, des ménages, de l'intimidation constamment. Il faut arrêter ça !
Une alerte au parquet avait été émise en 2011 par la chambre régionale des comptes, après une enquête sur la commune de 17.000 habitants.
La commune qui s'était portée partie civile, s'est désistée à l'audience.
Le tribunal correctionnel de Marseille doit rendre son délibéré le 7 septembre.