La ville de Saint-Raphaël dans le Var propose un parcours d'art contemporain dans 8 lieux différents sur le thème difficile des exodes. Jusqu'au 30 septembre, 85 artistes de 15 nationalités différentes donnent leur vision de ces parcours humains souvent tragiques.
Un bateau surchargé comme un radeau de survie ! Des migrants qui déambulent sans visage avec une seule valise emportant avec eux leur monde d’avant… c’est l’une des nombreuses œuvres exposées à la Villa des Myrtes.
Le parcours d’art contemporain, visible dans huit lieux à Saint-Raphaël, rassemble une belle diversité de la création artistique.o
A l’origine, l’exposition devait évoquer l’anniversaire de la guerre d’Algérie et les Harkis. Mais très vite, l’équipe municipale a décidé de généraliser ce thème à l’ensemble des migrations. C’est pourquoi ce parcours se nomme ExodeS avec un S majuscule.
Mais comment réussir à figurer ces traversées tragiques de la Méditerranée ou des océans du bout du monde ? La mairie de Saint-Raphaël a mandaté Simone Dibo-Cohen pour réunir le maximum de talents. 85 artistes ont répondu à ce thème imposé qui entre en résonnance avec l’actualité comme avec le passé.
En 1942 en France, les gens ils étaient sur les routes. Il ne faut pas se cacher les yeux en disant c’est triste, il faut en parler, il faut savoir, il faut se faire une opinion. Il faut bousculer les consciences justement pour que ça n’ait plus lieu
Simone Dibo-Cohen, commissaire de l'exposition.
Certains artistes ont créé des œuvres spécialement pour cette vaste exposition. Pour d’autres, c’était déjà un thème de travail.
Des œuvres qui interrogent
Au sous-sol de l’office de tourisme, l’art contemporain a envahi l’espace. Peintures, sculptures ou photos transportent le visiteur dans un autre monde.
Sur une immense toile, des empreintes de pied couleur sang symbolisent des victimes. Pour supprimer, dénoncer leur anonymat, le peintre a peint chaque prénom.
Au centre de la pièce, des sculptures classiques d’un blanc crème interrogent.
Elles sont toutes décapitées. De loin, on pourrait croire qu’elles sont en pierre… en fait, elles sont sculptées dans le savon de Marseille. Une façon de montrer leur caractère éphémère, banal, quotidien.
Au fond, d’autres corps en apesanteur sont façonnés dans du plastique. L’artiste Stéphane Carbonne, basé à Ganges dans l’Hérault, a choisi de recycler des sacs poubelles blancs ou noirs. Avec cette matière, il recrée les visages et les silhouettes des migrants à partir du plastique chauffé à haute température. Il se sert parfois de son propre corps pour mouler ces personnages. Le résultat est saisissant.
Stéphane Carbonne explique sa démarche : « c’est donner une identité à tous ces gens qui voyagent malgré eux, qui se perdent aussi beaucoup, qui ne savent plus qui ils sont, qui ne voient plus leur famille, qui n’ont plus de repères ».
Sculptures en textile
Dans la chapelle du musée de l’archéologie, un autre décor et une ambiance qui invite à la méditation. Cette fois, ce sont des sculptures à taille humaine qui saisissent le visiteur.
Des personnages tout en textile fabriqués par Anne Bothuon, installée en région parisienne. Elle les a travaillés avec une matière fragile, de la ouate. Chaque partie du corps est aussi brodée avec des fils. Une manière de reproduire les veines, de donner du relief à cette chair blanche ultralégère et malléable que l’on a envie de toucher pour vérifier s'ils sont réels ou non.
Pour Anne Bothuon, ces poupées géantes : « c’est nous, ça parle de nous ».
L’artiste explique leur position qui symbolise à la fois un élan et un déracinement : « je les ai fait aller de l’avant vers un espoir, vers quelque chose qui sera mieux pour eux et ils laissent au sol la trace de leur passé. Là, j’ai brodé des arbres au sol pour raconter cette histoire, tout ce que l’on laisse derrière nous quand on part ».
A travers cette exposition, visible dans 8 lieux différents tout l’été, la ville de Saint-Raphaël réussit à montrer l’universalité poignante des exodes.