A la recherche des tortues d'Hermann, un documentaire de Jean-Yves Collet

Ce dimanche 28 février à 12h55, Chroniques Méditerranéennes ouvre son créneau à un film inédit sur les tortues d'Hermann. Dans le Var, le massif et la plaine des Maures sont le dernier refuge d’un petit animal qui existait pourtant sur terre avant les dinosaures !

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La tortue d’Hermann est la seule espèce de tortue terrestre à vivre en France métropolitaine. En effet, il n’en reste plus qu’un effectif réduit dans un territoire réservé, géré par le département du Var. Ne dépassant pas 15 à 18 cm à l’âge adulte, ce petit animal se reconnaît par sa griffe cornée au bout de la queue et des motifs orangés-noirs denses sur le dos de la carapace. Ici, des hommes ont dédié leur vie à leur protection et accomplissent un travail extraordinaire pour mieux la connaître et la protéger de tous les dangers qui la menacent.


Interview de Jean-Yves Collet
 

Florence Brun : Vous avez réalisé de nombreux documentaires animaliers. Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la tortue d'Hermann ? Un animal sympathique, certes, mais encore ?
Jean-Yves Collet : La première réponse qui me vient en tête : c'est que j'aime cette tortue ! Elle est effectivement sympathique mais en même temps fragile - au moins en apparence. Et puis c'est la seule espèce de tortue terrestre à vivre en France continentale (on en trouve de belles populations en Corse). J'ai déjà eu l'occasion de la filmer mais toujours dans le cadre de sujets plus généralistes et je rêvais de lui consacrer un film à elle toute seule ! Une envie que je partageais avec mon ami de longue date, le Docteur Marc Cheylan du CNRS de Montpellier, spécialiste de reptiles, le "pape" français de la tortue d'Hermann. Et je n'y étais jamais parvenu, jusqu'au jour où, récemment, Cyrille Pérez le producteur de 13 Productions, me demande de lui proposer des sujets documentaires de 26' pour la case Chroniques Méditerranéennes produite par Gilles Machu de France 3 Côte d'Azur a immédiatement accepté… Je leur en suis très reconnaissant.

FB : Vous avez tourné dans le milieu naturel de cette espèce. Comment avez-vous procédé pour déranger le moins possible ce petit animal protégé ?
JYC : Tous les tournages sans exception ont été tournés en extérieur et j'ai eu la chance de pouvoir filmer avec deux caméramen de France 3. Nous avions une semaine de tournage à notre disposition, ce qui n'est pas suffisant pour obtenir des images de comportements précis (accouplement, reproduction, etc.). Heureusement, 13 Productions possédait de telles images qui ont été mises à la disposition du film. Pour notre film actuel, nous avons tourné quelques images de tortues sauvages avec l'aide de l'équipe de la Réserve Naturelle de la Plaine des Maures mais, pour toutes les images d'illustration, nous avons décidé, en accord avec l'équipe scientifique, de filmer quelques tortues officiellement déclarées provenant du jardin d'un particulier. Cette solution nous a évité de déranger et de stresser des tortues sauvages, des individus qui auraient été tellement stressés par les observateurs humains, qu'elles n'auraient pensé qu'à une chose : se cacher dans les fourrés.

FB : Qu'avez-vous découvert au cours du tournage ?
JYC : Ma plus grande découverte n'a pas concerné les tortues elles-mêmes, que je connais bien. C'est plutôt le travail de suivi des scientifiques qui m'a impressionné, comme celui de Marc Cheylan, qui suit des populations et des individus tortues depuis plus de trente ans ou encore, celui des personnels de l'Office National des Forêts qui, sur le plateau de Lambert, au sud de Collobrières, ont effectué pendant plusieurs années des tests expérimentaux, en relation avec un projet européen pour favoriser l'expansion de leur population relictuelle de tortues. Autre découverte de taille : la Réserve Naturelle de la Plaine des Maures, qui date de 2009, n'existait pas lors de mon dernier tournage dans la région. Qu'une telle réserve, gérée par le Département du Var, ait pu voir le jour est pour moi une grande joie car on est enfin rassuré sur le sort de la biodiversité végétale et animale, extraordinairement riche, de cette superbe plaine. L'équipe de la réserve fait un travail de grande qualité en faveur, entre autres, de la tortue d'Hermann, intégrant également un volet consacré à l'éducation de la population… que doit-on faire - ou pas, quand on est simple promeneur ou cueilleur de champignons, avec ces jolis petits animaux si faciles à attraper ?

FB : Si vous aviez un seul message à transmettre à travers ce film, quel serait-il ?
JYC : Cette petite tortue est un symbole à elle toute seule. Les tortues ont deux cents millions d'années d'existence. Elles ont traversé l'âge des dinosaures sans encombre… Notre espèce fait figure de nouveau-né impétueux, passablement inconscient de ses capacités de nuisance en relation avec la nature qui dépassent pour l'instant largement sa propension à la protéger. Le message principal du film est d'observer toute tortue que l'on rencontre mais de ne pas la manipuler, même en croyant lui rendre service et surtout de ne pas la capturer pour la mettre - illégalement, dans son jardin. L'Homo sapiens intervient sur la nature en général avec une telle ampleur, que le message dédié aux tortues d'Hermann est de portée universelle : frères humains, freinez votre instinct de possession, la nature est tellement passionnante que l'observation peut être à elle seule une grande source de joie !

Le site de Jean-Yves Collet


Une communauté soudée autour du destin de ce petit reptile

En compagnie du biologiste Marc Cheylan, nous partons à la découverte des mœurs étonnantes de ce monument biologique national. 

Les premières tortues sont datées d'environ 280 millions d'années. Donc, on est à 100 millions d'années avant les dinosaures ! Toutes ces années à vivre en paix mais aussi à savoir se protéger des attaques du milieu. Leur secret ? c'est un exosquelette fait d'os et de corne qu'elles transportent en permanence sur leur dos.  En fait la carapace est identique à notre squelette humain à ceci près que les muscles sont passés à l'intérieur.


Dominique Guicheteau, directeur scientifique de la Réserve Naturelle de la Plaine des Maures, nous explique les dangers qui pèsent sur le petit reptile et les actions menées en faveur de sa protection. Il est vrai que cet animal bénéficie d'un capital sympathie colossal et c'est la raison pour laquelle on en trouve très fréquemment dans les jardins mais, dit-il :

Il faut bien avoir à l'esprit que la tortue est un animal sauvage, qui se satisfait complètement du biotop. Elle a tout à fait son territoire en tête et sait où aller chercher sa nourriture en fonction des endroits. Elle ne s'est jamais perdue dans le milieu naturel. Et puis il faut savoir aussi que c'est un reptile. Même si elle donne l'impression d'être perdue lorsqu'elle traverse une piste ou une route, en fait elle sait parfaitement où elle va. Il ne faut surtout pas la prendre.  







Il est vrai que certains, innocemment ou pas, recueillent ces petits êtres apparemment sans défense pour les élever dans leur jardin mais savent-ils que c'est un geste répréhensible et lourdement puni ?

Le pastoralisme leur a sauvé la vie


Depuis des millénaires, les collines de Provence étaient recouvertes de cultures et les tortues y trouvaient de quoi se sustenter mais, suite à l'exode rural de l'après-guerre, les forêts de chênes verts ont repris le dessus, au détriment des populations de tortues. Sur le plateau du Lambert, entre Collobrières et Bormes-les-Mimosas, le pastoralisme n'a, lui, jamais été interrompu et des bergers d’ânes, de chèvres et de moutons se soucient de façon très efficace de leur sauvegarde.

S'il n'y avait pas de paturages sur un site comme Lambert, nous dit Laurent Rippert, berger, en moins de 10 ans, il n'y aurait plus de prairies, c'est-à-dire que le chêne liège ou le chêne vert, l'arbousier, la bruyère, tout cela reprendrait le dessus très vite. Dans le maquis, totalement fermé, s'il n'y a pas de clairière, il n'y a pas de tortues.

 


A la recherche des tortues d’Hermann
Un film de 26’ réalisé par Jean-Yves Collet.


Diffusion le 28 février à 12h55
A voir en direct et en replay sur www.france3provencealpes.fr et www.france3cotedazur.fr
Une coproduction France 3 Côte d’Azur / 13 Productions.
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