Le 28 décembre dernier, le magasin "La ferme aux légumes" a été cambriolé à Ollioules, dans le Var. La scène a été filmée par les caméras de vidéoprotection de la boutique. Des images que son gérant a décidé de divulguer sur les réseaux sociaux. Une pratique illégale.
C'est le "ras-le-bol" qui l'a poussé à agir. Depuis son ouverture à Ollioules, dans le Var, il y a trois ans, le magasin de fruits et légumes d'Emmanuel Ruez a déjà été cambriolé à deux reprises. Mais, cette fois-ci, le gérant de "La ferme aux légumes" a décidé de prendre ses propres dispositions, quitte à enfreindre la loi.
C'est au lendemain du cambriolage de sa boutique, survenu le jeudi 28 décembre 2023 à 17h20, que le Varois a publié sur le compte Facebook de l'enseigne une photo des trois voleuses présumées. "Nous sommes (sic) fait voler la caisse (au sens littéral !!!) (...) par trois femmes... Nos caméras les ont prises en action. Merci de partager", peut-on lire sur la publication.
Depuis, le post a suscité près de 150 commentaires et a été partagé plus de 800 fois. "Nous avons reçu beaucoup de soutien", a raconté Emmanuel Ruez. Au moments des faits présumés, le gérant n'était pas dans sa boutique.
Une technique rodée
Seule une employée était présente lorsque deux jeunes filles seraient entrées, l'une avec un petit chihuahua dans les bras, pour demander "de bons légumes pour faire une soupe pour la grand-mère". Elles auraient subtilement réussi à entraîner la vendeuse au fond du magasin.
Dans le même temps, une femme blonde d'une quarantaine d'années serait entrée à son tour. Elle aurait subtilisé la caisse enregistreuse pendant la diversion de ses deux complices. Ces dernières auraient ensuite jeté des légumes au visage de la vendeuse avant de rejoindre la femme blonde pour prendre la fuite en voiture.
Le montant de leur butin s'élèverait à 800 €. Mais "le préjudice financier n'est pas le plus important", a expliqué Emmanuel Ruez, affirmant que son employée était traumatisée. Pris de colère, il porte plainte dès le lendemain et poste les photos des trois personnes incriminées sur Facebook.
Une pratique illégale
Emmanuel Ruez commet pourtant par là une infraction. En France, il est illégal de diffuser sur les réseaux sociaux le visage d'une personne suspectée de vol dans ces conditions. L'article 226-1 du code pénal est très explicite : "est puni d'un an d'emprisonnement et de 45.000 € d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement, de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé".
De plus, poster ces images sur internet est une atteinte à la présomption d'innocence. Or "chacun a droit au respect de la présomption d'innocence", rappelle l'article 9-1 du code civil. Par conséquent, tant que les "voleuses" présumées ne sont pas définitivement condamnées par la justice, les qualifier ainsi peut porter atteinte à leur honneur ou à leur considération et peut donc être considéré comme de la diffamation publique, délit dont la peine encourue est de 12.000 € d'amende.
"Je déconseille de le faire"
Afficher les visages des personnes suspectées de vol est devenu une pratique courante en France ces dernières années. Certains commerçants vont jusqu'à placarder des photos sur les façades de leurs magasins. Une pratique tout aussi illégale.
"Je déconseille de le faire", annonce d'emblée Jean-Pierre Lellouche, président de l'association des commerçants du Vieux-Nice, "tout simplement parce que c'est interdit, même si je comprends le désespoir de ces commerçants".
Plutôt que de se faire justice soi-même, il appelle à mettre en place des débats pour envisager des solutions concrètes. "À Nice par exemple, les commerçants sont en lien avec les forces de l'ordre grâce à un bouton d'alerte. Il faudrait le généraliser à l'échelle nationale", avance Jean-Pierre Lellouche.
Selon l'Insee, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est l'une des plus cambriolées de France.