Les faits se sont déroulés dans une clinique vétérinaire de Cuers à la fin du mois de décembre. Une auxiliaire spécialisée vétérinaire a été mordue par un chien porteur du virus de la rage. Cette maladie est responsable de dizaines de milliers de décès humains chaque année dans le monde.
C’est par un article sur internet que le docteur vétérinaire Jean-Marie Bryskier a pris connaissance d’un cas de rage découvert à Cuers, dans le Var.
"La Direction générale de l'alimentation a informé les directions départementales de la protection des populations (DDPP) de la détection d'un cas de rage dans le Var, en date du 4 janvier dernier, sur un chien border collie de 4 mois", est-il écrit. "Importé illégalement du Maroc - un grand classique malheureusement pour les cas de rage chez le chien détecté en France - le 16 décembre dernier, l'animal est décédé le 29 décembre."
"Apprendre par les réseaux sociaux des vétérinaires et la presse professionnelle, avant de l’apprendre par les services vétérinaires, qui sont notre organisme tutélaire concernant la protection des populations, qu’un humain s’est fait mordre par un animal infecté par la rage est une honte. Malheureusement c’est très souvent le cas", déplore le docteur Jean-Marie Bryskier, un vétérinaire d'Antibes (Alpes-Maritimes).
Selon ce professionnel de la santé animale, "le service vétérinaire départemental a été très, très long à communiquer l'information. C'est une véritable faillite de l'État".
Nous avons contacté le service vétérinaire de la Direction départementale de la protection des populations du Var (DDPP) et attendons toujours un retour de sa part. Nous n'avons pas pu obtenir plus d'informations sur l'état de santé de la professionnelle mordue par l'animal.
En revanche, la DDPP de la Loire nous a confirmé l'existence de ce cas, en nous transmettant un courriel d'information destiné aux vétérinaires de son département. "Ce cas de rage (Ndlr : décembre 2023) nous rappelle l'importance capitale de la mission de surveillance des carnivores domestiques importés illégalement et leurs conséquences. La rage est en effet encore responsable d'environ 55.000 décès humains par an dans le monde (source OMS). La sensibilisation des voyageurs et la surveillance des animaux restent des piliers essentiels pour éviter toute ré-apparition de la maladie en France".
Une colère à la hauteur du danger
Si ce vétérinaire antibois est en colère, c’est surtout parce que, selon lui, "il y a un vrai manque de communication sur ce sujet". Certes, les cas de transmissions de rage, de l’animal à l’humain, sont exceptionnels en France. Mais "cela pourrait être amené à s’amplifier du fait", selon lui, "du manque de contrôles aux frontières des animaux".
"Il y a une vraie faillite des services douaniers concernant ce problème. C'est très régulièrement que nous avons des animaux qui sont importés illégalement et pour lesquels il n'y a eu aucun contrôle des services de l’État et ce, que ce soit du Maghreb ou des pays de l’Est non européens."
La rage est un virus qui tue encore beaucoup dans le monde.
Jean-Marie Bryskier, vétérinaire
Traçage de l'animal suspect
En cas de morsure d'un chien, dont on ne connaît pas le parcours vaccinal, l'animal doit être suivi par un vétérinaire trois fois sur une période de quinze jours. Ainsi, le professionnel pourra vérifier qu’il n’y a pas de symptômes d’agressivité, de rage, ou qu’il meurt.
De simples léchouilles ou griffures peuvent suffire à transmettre la maladie.
Jean-Marie Bryskier, vétérinaire
Si l’animal mordeur décède dans le délai imparti, sa dépouille est envoyée, par l’intermédiaire des services vétérinaires, au laboratoire de référence de la rage à Paris. Si les résultats sont positifs, une surveillance épidémiologique est mise en place sur toutes les personnes qui ont été en contact avec l’animal porteur du virus.
De la nécessité des contrôles aux douanes et du vaccin antirabique
Dans l’absolu, pour entrer dans l’Union européenne, la vaccination contre la rage et la sérologie dite de titrage sont obligatoires, indique le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.
Pour entrer dans l’Union européenne, la vaccination contre la rage est obligatoire pour tout animal.
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
Une contrainte qui n’est pas suffisamment contrôlée, selon le docteur Bryskier : "Les ferries qui arrivent à Marseille, à Toulon ou à Nice, sont très peu contrôlés au niveau sanitaire pour les animaux. C’est un vrai problème". Une carence que le vétérinaire attribue à un manque de personnel, couplé à un manque de formation de ce même personnel.
Solution, selon ce dernier : faire passer l’information de l’importance du vaccin contre la rage par tous les moyens possibles. "À mon cabinet j'ai beaucoup de clients qui voyagent dans le monde entier et c’est top. Mais, moi, en tant que docteur vétérinaire, je me dois de les informer verbalement ou via les réseaux qu’on ne fait pas de "bisous-calins" aux bébettes qu’ils peuvent rencontrer au cours de leurs séjours touristiques. Et, surtout, qu’on n’en ramène pas un ! Sauf, bien sûr, si tout a été fait de façon légale avec les vaccins et les autorités".
Et de rappeler, avec un soupçon d’ironie dans la voix : "en France, rien n’oblige un particulier à vacciner son animal s’il ne sort pas du territoire. Rien n’oblige non plus les humains à se vacciner contre la rage".
Quelles solutions en cas de morsure suspecte ?
Si un humain se fait mordre par un animal suspecté de rage, il existe un traitement qui est administré aux urgences sous forme d’injections. Ce dernier vise à devancer la propagation du virus dans le corps par la fabrication d’anticorps.
Une fois que vous êtes enragé, il n’y a pas de traitement réel. Quelle que soit l’espèce, à partir du moment où vous décelez des signes de rage, ce virus est 100% mortel dans 100% des cas
Jean-Marie Bryskier, vétérinaire
Selon un rapport de l’OMS, toutes les dix minutes, une personne décède des causes de la rage dans le monde. Cela concerne, en général, des pays qui n’ont pas un système de protection sanitaire similaire à la France, comme le Maghreb, la Russie, la Chine ou encore l’Amérique latine…
Le dernier cas de rage chez un chien en France a également été importé (probablement) du Maroc. Il a été confirmé le 27 octobre 2022 chez un husky de quatre ans, détenu dans un refuge de l'Essonne, en Île-de-France.