Mont-Ventoux : un safari chasse au chamois légal, mais polémique

Depuis deux semaines, une polémique enfle autour d'un safari organisé dans le Mont-Ventoux. Un tour-opérateur propose à ses clients des séjours de chasse au chamois. Une pétition d'opposants a été lancée en ligne, mais cette chasse réglementée est utile pour l'équilibre de la forêt.

Dans le Mont-Ventoux (Vaucluse), la chasse au chamois est autorisée, comme celle du cerf, du chevreuil ou du sanglier. Autorisée, mais fortement encadrée. Chaque année, l'Office national des forêts (ONF) indique le nombre de prélèvements par espèce accordé en fonction de la population de gibier, dans un secteur donné.

En pratique, l'ONF met en vente un certain nombre de bracelets correspondant à chaque spécimen.

Un safari dans le Mont-Ventoux

Depuis deux semaines, une polémique enfle autour de l'agence de voyage "Rollet Safaris et Expéditions", située à Carpentras. Ce tour-opérateur propose des safaris dans le Mont-Ventoux, des séjours en pension complète pour chasser le grand gibier, des vacances à 3.000 euros pour tirer le chamois.

Cette agence est spécialisée depuis 25 ans dans les safaris chasse en Afrique, au Népal, en Argentine ou en Azerbaïdjan.

Très rapidement, des défenseurs de la cause animale ont donné l'alerte. Une pétition en ligne demande de "stopper d'urgence ce massacre". L'auteure de la pétition, Gwendoline Gauthier, indique que "cette entreprise propose à ses clients des safaris où ils pourront non pas admirer, mais tuer (chasser) des animaux".

"Cette entreprise se vante en plus en "garantissant de l'adrénaline" à ses clients", ajoute-t-elle. Lundi 20 janvier, la pétition avait obtenu près de 66.400 signatures.
 
Nous avons tenté de joindre la société "Rollet Safaris et Expéditions" par téléphone et par mail, mais le responsable, Stéphane Rollet, lui-même guide de chasse professionnel, n'a pas donné suite à nos appels.

Son site Internet et sa page Facebook ont été supprimés. Mais Google a de la mémoire et les photos ci-dessous, provenant de Google images, sont issues pour la plupart, du site Internet de l'agence de voyage.

Une chasse autorisée, mais très encadrée

"Ce qui peut choquer, c'est le mot "safari" et le côté commerciale de cette chasse", reconnaît David Gavalda, technicien forestier et guide de chasse à l'ONF, à propos des séjours proposés par Stéphane Rollet. La chasse au chamois est autorisée dans le Mont-Ventoux, comme celles du cerf, du chevreuil et du sanglier.

Depuis l'année dernière, en revanche, la chasse au mouflon est interdite sur ce territoire. La population de cette espèce a considérablement diminué depuis l'arrivée du loup, ce qui est moins le cas du chamois, qui vit dans des zones plus élevées et plus inaccessibles.

Chaque année, en février, une réunion d'experts définit un plan de chasse pour chaque espèce. "Ce plan de chasse est quantitatif et qualitatif, c'est-à-dire que l'on définit le nombre de mâles, de femelles et de jeunes qui doivent être prélevés", explique David Gavalda. 

Pour veiller au respect du plan de chasse, l'ONF détermine un nombre de bracelets pour chaque gibier prélevé.

Pour cette saison de chasse dans le Mont-Ventoux qui représente 6.000 hectares de forêt domaniale, l'ONF a mis à disposition 26 bracelets pour le chamois, 30 bracelets pour le chevreuil et 30 bracelets pour les cervidés (14 pour le cerf, 11 pour la biche et 5 pour le faon). Le sanglier ne fait pas l'objet d'un plan de chasse.
La forêt domaniale est divisée en deux parties, la première, d'environ 4.000 hectares est louée au Groupement d'intérêt cynégétique (GIC) du Mont-Ventoux et la deuxième, environ 2.000 hectares est en "licence dirigée", c'est-à-dire que les chasses sont organisées par l'ONF et accompagnées par un guide de chasse professionnel. C'est dans ce cadre que Stéphane Rollet a proposé des parties de chasse.

"Nous avons vendu deux bracelets pour des chamois à monsieur Rollet. Il est venu avec une personne et ils ont été tirés", confirme le guide de chasse de l'ONF. "Il est important de signaler qu'il ne s'agit que de chasse à l'approche, le gibier doit être clairement identifié aux jumelles, pour savoir s'il s'agit bien de l'animal correspondant au bracelet". La chasse en battue est interdite sur ce territoire.

Le Groupement d'intérêt cynégétique (GIC) du Mont-Ventoux est une association qui regroupe des détenteurs de droit de chasse (particuliers, société de chasse...) en vue de la gestion en commun et concertée d'une ou plusieurs espèces de faune sauvage sur un territoire (généralement plusieurs communes).

Une chasse indispensable à l'équilibre de la forêt

C'est peut-être un paradoxe, mais chasser le gros gibier est indispensable pour maintenir l'équilibre fragile de la forêt, explique l'ONF. "Aujourd'hui, on ne peut plus planter un arbre sans le protéger", reconnaît David Gavalda, "il faut soit clôturer le terrain, soit mettre des protections individuels, ça coûte 10.000 euros par hectare".

Si ce spécialiste de la forêt se félicite de la biodiversité de la faune sauvage dans le Mont-Ventoux, il s'inquiète des conséquences de la surpopulation de certaines espèces sur la végétation, notamment sur celles adaptées au changement climatique. "Les animaux mangent les jeunes pousses et empêchent la régénération naturelle de la forêt", indique-t-il.

"Le chamois, en particulier, s'attaque aux bougeons des sapins pectinés, il faut être très vigilant. Les cervidés posent des problèmes sur le cèdre, ils mangent les bourgeons, provoquent de gros dégâts et remet en cause la pérennité de la forêt".

La présence du gibier en France a fortement changé. Le cerf occupe désormais plus de 49% des surfaces boisées contre 25% en 1985, selon l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Quant au sanglier, il ne causait pas de problèmes en petite densité, mais sa population a été multipliée par six en trente ans.

Pour limiter la surpopulation des grands gibiers, les plans de chasse, obligatoires depuis 1978, sont réalisés à partir d'un comptage annuel pour les cervidés et tous les trois ans pour le chamois.

Dans le Mont-Ventoux, cet gestion forestière a permis de maintenir un équilibre fragile entre la faune et la flore sauvage. Dans plusieurs régions de France comme les Landes ou le nord-est, où des grandes forêts appartiennent au privé, la surpopulation de la faune sauvage entraîne un problème de régénération de la végétation et des risques pour l'avenir de la forêt.
 
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