Point d'orgue de cette journée du mercredi 27 novembre, la plaidoirie de Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pélicot a duré plus d'une heure. Celle qui est devenue "l'avocate du diable", a joué la carte de la personnalité de Dominique Pelicot, et tenté de livrer une autre facette de son client.
Au 52ᵉ jour d’audience au procès des viols de Mazan, la parole était à la défense, après trois jours de réquisitions des avocats généraux. Béatrice Zavarro, l’avocate de Dominique Pélicot, a ouvert la série de plaidoiries des avocats de la défense. Gisèle Pélicot était seule venue l'écouter, aucun de ses enfants ne s'étant présenté ce mercredi 27 novembre à l'audience.
En fin de matinée, cheveux très courts, lunettes cerclées de rouge sur la tête, Béatrice Zavarro paraît toute petite au centre d'une forêt de micros. Elle répond aux journalistes, s'échauffe avant de faire son entrée dans l'arène. Prévient qu'elle entend insister sur le double visage de son client.
Bonjour à tous ! Mercredi 27 novembre, 52e jour d’audience au procès des viols de #Mazan On termine ce matin les réquisitions pour les derniers accusés. Puis on entendra cet après-midi la plaidoirie de Béatrice Zavarro, l’avocate de Dominique Pelicot. LT à suivre pour @franceinfo pic.twitter.com/qYOEdu9SDU
— Juliette Campion (@JulietteCampion) November 27, 2024
Être le centre de l’attention, elle connaît cela depuis douze semaines, tout comme être au centre des critiques et des interrogations. Pour avoir accepté la défense de Dominique Pelicot, un des plus grands criminels sexuels de ces dernières décennies. "Seule face au monde", l'avocate reste professionnelle, le ton posé et calme.
"L'autre Dominique"
Et c'est avec ce ton qui la caractérise et sans effet de manches, sur la même base argumentaire, qu'elle a déroulé sa plaidoirie devant la cour, à la reprise de l’audience à 14h. L'avocate marseillaise de 55 ans a rappelé les traumatismes traversés dans l'enfance par Dominique Pelicot, avant qu'il ne plonge dans la "perversité", "cet engrenage" qui l'a conduit durant dix ans à droguer, violer et faire violer sa femme dans leur domicile conjugal de Mazan par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet.
Elle dépeint le climat familial "délétère" dans lequel son client a grandi, avec un père "autoritaire, tyrannique", puis les deux agressions sexuelles qu'il prétend avoir subies dans sa jeunesse, un viol par un infirmier lors d'une hospitalisation quand il était enfant et sa participation forcée au viol d'une jeune femme sur un chantier quand il était apprenti.
Est-ce que le pire ennemi de Dominique Pelicot n'est pas Dominique Pelicot ?
Béatrice Zavarro, avocate de Dominique PelicotAFP
Elle a tenté ainsi d'expliquer les raisons ayant mené son client à devenir le "chef d'orchestre" de tous ces viols, tentant de mettre en avant la part d'humanité du "bon père de famille". Elle cite son client lors d’un interrogatoire, "on ne naît pas pervers, on le devient", une formule qui fait, dit-elle, "l'autre Dominique", celui qu'elle défend aujourd'hui, "celui qui est clivant". Refusant pour autant de le voir endosser seul la responsabilité de ces viols, nombre de ses coaccusés s'étant dit sous son "emprise", voire drogués par ses soins.
Des éléments déclencheurs du "schéma criminel"
Béatrice Zavarro a rappelé que Dominique Pelicot "aimait plus que tout" son épouse, mais que le déménagement du couple dans le sud de la France, et le fait qu'elle ne "pouvait assouvir tous ses fantasmes", avaient pu être des éléments déclenchant de "son schéma criminel".
Elle a conclu sa plaidoirie avec le passage d'une lettre de son client à sa femme, ses trois enfants et ses petits-enfants : "sans vous, je ne suis rien", poursuivant sa lecture d'un morceau choisi de poème écrit par Dominique Pelicot pour son épouse : "Je sais qu'ailleurs, on se reverra. On pourra, je souhaite, reparler de tout ça".
Assise à "sa place", derrière ses deux avocats, Gisèle Pelicot semble émue, mais ne pleure pas.
En ce 27 novembre 2024, 72ᵉ anniversaire de son client, Me Zavarro a proposé à la cour, sans insister, de s'éloigner un peu de la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle demandée lundi par le ministère public à l'encontre de Dominique Pelicot. Et c'est face à Gisèle Pelicot qu'elle a fini son plaidoyer: "Il a tenté mille fois de demander pardon, je ne sais si vous l'entendrez, Madame, mais il le répète à nouveau".
Après une heure et quart d’intervention de sa consœur, le bâtonnier Patrick Gontard, défenseur de Jean-Pierre M. s'avance à la barre. Les plaidoiries des avocats des 50 autres coaccusés peuvent commencer.
Article écrit avec Tristan Vincke