Elle a accepté de défendre un homme que tout accable. Il a "reconnu les faits et dit vouloir assumer" alors son avocate aura la mission " de trouver les bons mots, et sortir de là avec une autre facette de Dominique Pelicot".
En ce mercredi 27 novembre et fin des réquisitions pour les derniers quatre coaccusés, le moment phare de la journée sera la prise de parole de Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pelicot qui va ouvrir le bal des plaidoiries de la défense.
"Voilà, nous y sommes, on va essayer de faire au mieux"
À son arrivée au tribunal, c'est vers elle que se sont tournés les journalistes, pour en savoir un peu plus sur la teneur de la plaidoirie.
"J'ai remis mes idées en place, j'ai rédigé ce que je pouvais rédiger, j'espère avoir trouvé les bons mots pour sortir de là avec une autre facette de Dominique Pelicot", annonce d'emblée, l'avocate qui indique qu'elle va "insister sur le parcours de cet homme. Ça me semble être primordial, on ne juge pas un homme sans le connaître vraiment. Il me semble nécessaire d'insister sur ce parcours de vie qui est à mon sens cabossé et comme beaucoup d'autres dans la salle, très très cabossé".
"Seule face au monde"
Au moment de l'ouverture du procès, le 2 septembre dernier, Béatrice Zavarro avait expliqué d'un ton calme et posé, qui la caractérise, "être seule face au monde" devant la cour criminelle de Vaucluse. Elle a sur ses épaules l'immense charge de défendre l'un des pires criminels sexuels de ces dernières décennies. Son client, âgé de 71 ans, a drogué et livré sa femme à plus de 50 hommes invités sur internet, pour venir violer Gisèle Pelicot pendant près de 10 ans.
Si Dominique Pelicot "reconnaît les faits" et dit vouloir les assumer. En revanche, "il n'entend pas tomber seul, ils "savaient tous" qu'ils venaient pour violer Gisèle Pelicot, affirme-t-il.
"Le parti de Dominique Pélicot était d'arriver devant ses juges, en ayant tout reconnu, depuis le départ et ma première rencontre avec lui, c'est voilà ce que j'ai fait, je l'assumerai, je paierai", assure maître Zavarro.
Situation inaccoutumée donc, où l'avocate du principal accusé soutient l'argumentation des parties civiles, au risque d'endosser un inattendu rôle de procureure. "À partir du moment où je défends un homme dont on me dit qu'il est un menteur, un manipulateur, qu'il a berné tout le monde, je dois tenter de rétablir la vérité", se justifie Me Zavarro: "Ma mission, c'est qu'on arrive à comprendre, même si on le déteste", comment il a pu réaliser "ces faits détestables".
"Faire face jusqu'au bout"
L'avocate insiste sur le fait que son client est là, "il aurait pu ne pas être là aujourd'hui, il y a quelques fois où il s'est trouvé dans un désarroi terrible, au point de se dire qu'il fallait qu'il mette fin à ses jours, donc j'ai essayé de lui dire qu'il fallait continuer, et aller au bout du chemin, voilà, nous y sommes. On va essayer de faire au mieux".
"Elle est sur un fil. Sa position est loin d'être évidente, mais elle la tient avec beaucoup de finesse. Ne pas réduire 'le monstre' à ses crimes, faire oublier la face B pour rappeler la face A, les deux coexistant dans cette personnalité clivée", reconnaît Antoine Camus, un des avocats des parties civiles. Ce qualificatif de "monstre", la Marseillaise de 55 ans aux lunettes rondes et rouges le réfute, se considérant seulement comme "l'avocate de quelqu'un qui a commis quelque chose de monstrueux". Et de rappeler qu'en "France, dans un État de droit, chacun a le droit d'être défendu".
Et lorsque les journalistes lui demandent si elle s'attend à ce que son client écope de la peine maximale requise, elle reste neutre, "Je ne m’attends à rien, je livrerai le propos tel que je l'estime, et tel que je pense devoir leur confier, mais je ne m'attends à rien. De toute façon, c'est une décision qui ne m'appartient pas. Donc quand bien même, j'aurais une certaine pensée, je ne livrerais rien. J'essaye de faire au mieux pour qu'elle soit la plus juste possible, après, on verra bien".
Un client recommandé par un autre depuis les Baumettes
"J'ai décidé de défendre Dominique Pelicot parce qu'il me l'a demandé. Il m'a accordé sa confiance", explique l'avocate, payée via l'aide juridictionnelle, reconnaissant avoir "sous-estimé l'impact médiatique" de ce procès au retentissement mondial. C'est un de ses ex-clients qui l'avait recommandée à Dominique Pelicot, quand les deux hommes s'étaient connus à la prison marseillaise des Baumettes.
"Opiniâtre, très calme et courageuse, car elle a le mauvais rôle", selon son confrère Patrick Gontard, 45 ans de métier, Me Zavarro a par le passé défendu Christine Deviers-Joncour dans l'affaire politico financière Elf, et représenté le père de Madison, fillette de cinq ans enlevée puis tuée en 2006 dans le sud-est de la France. "Elle prend ses dossiers à bras-le-corps, mais avec une main de velours", selon
Myriam Gréco, qui défendait alors le meurtrier de Madison, décrivant "un petit bout de femme qui peut sortir ses griffes, mais sans esbroufe".
Pour Me Zavarro, ce procès constitue "un épisode essentiel dans l'évolution du sujet qu'est le viol", avec "un premier palier qui est Gisèle Halimi (NDLR: avocate de ce procès emblématique de 1978 qui contribua à faire reconnaître le viol comme un crime) et un deuxième palier qui sera Gisèle Pelicot".
Article écrit avec Tristan Vincke