Le parquet a requis la peine maximale, soit vingt ans de réclusion, à l’encontre de Dominique Pelicot. Les réquisitoires visant les 50 autres coaccusés se poursuivent ce lundi 25 novembre, démontrant la soumission chimique de Gisèle Pélicot et l'absence de consentement.
C’est devenu une habitude, ses arrivées au tribunal comme ses sorties de la salle d'audience se font sous un tonnerre d’applaudissements. À ce titre, ce lundi est un jour comme les autres. Gisèle Pelicot s'était exprimée pour la dernière fois devant la cour criminelle de Vaucluse mardi dernier, résumant ce procès à celui "de la lâcheté". Elle ne s'exprimera plus à la barre. Durant trois jours, c'est au tour des avocats généraux d'apporter leur vision à l’issue de ces deux mois et demi d'audience.
Au tribunal d’Avignon, la frénésie médiatique a donc repris, après une pause de quelques jours. Journalistes fatigués et curieux empressés, sont là au petit matin, tous impatients d'assister aux réquisitoires des deux représentants du ministère public, Laure Chabaud et Jean-François Mayet. L'annonce des peines requises pour chacun des coaccusés est une étape vers le dénouement de ce procès-fleuve. Les deux magistrats ont prévu de se relayer pour soutenir l’accusation à l’encontre des 51 accusés, et ce, jusqu'à mercredi, avec pour consigne toutefois de respecter le planning fixé par le président Roger Arata.
"L'esprit et la conscience déconnectés"
Un temps d'audience pourtant jugé trop court, par Jean-François Mayet. L'avocat général, qui prend la parole en premier, repose le cadre et revient sur le dimensionnement hors norme de ce procès dans tous ses aspects. Et puis, il s'adresse directement à Gisèle Pelicot : "Vous, Madame, vous avez souhaité la publicité des débats, vous avez eu raison, pour que la honte change de camp (...) pour vos enfants et conjoints et petits enfants, tous victimes de l’horreur", saluant "la résilience admirable" et "la dignité" de la principale victime de ce procès.
Le magistrat revient sur les faits et leur "gravité inimaginable", étayés par "20 000 photos et vidéos, 200 faits de pénétrations d’un corps inerte, (...) l'esprit et la conscience [de la victime] étant déconnectés (...) par une anesthésie générale pour supporter ces assauts physiques et répétés".
Le ton est donné.
"Soif de sexe et de soumission"
Laure Chabaud ouvre cette longue étape des réquisitions avec "la clé de voûte" de ce dossier, Dominique Pelicot, et expose sa synthèse des audiences et des déclarations du principal accusé. Elle revient sur sa personnalité, née d'une“histoire famille confuse (...) aux repères troublés”, évoque une entrée dans la sexualité traumatisante, victime selon ses dires d’abus sexuel et questionne “des récits inventés pour les besoins de la cause ? ”.
Pour l'avocate générale, il ne fait aucun doute que la personnalité de Dominique Pelicot est structurée sur “le mode pervers (...), le mari attentionné, grand-père complice et père affectueux capable d'infliger en toute confiance à sa femme, et à sa famille, une souffrance indicible par ses actes". Laure Chabaud, dans la lecture marathon de son réquisitoire, debout au micro, présente les images comme la preuve matérielle des faits, prenant pour exemple cette vidéo tournée au Nouvel An, où l'on voit “Gisèle Pelicot étendue sur un canapé, demandant à son mari de la laisser tranquille, disant que la lumière la gêne, qu'il lui fait mal, mais Dominique Pelicot n’entend que sa soif de sexe et de soumission et pénètre son épouse malgré ses supplications”. Pour l'avocate générale, l'absence de consentement et la soumission chimique sont indiscutables dans ce dossier.
"Froideur émotionnelle et la psychorigidité"
Elle revient par ailleurs sur quelques conversations “sans équivoque” entre les coaccusés sur le site coco.fr dans lesquels le mot viol est utilisé, puis elle lit à voix haute le nom de certains fichiers, mettant en avant "la froideur émotionnelle et la psychorigidité" de l'époux de Gisèle Pelicot. Au sujet de sa fille Caroline, les images sont nommées “la fille de ma salope”, "mère et fille" ou "ma fille à poil", sa “déviance voyeuriste” ne connaissant aucune limite, pas même la barrière familiale. "La lecture du nom des fichiers par l'avocate générale est peut-être plus violente que les images", confie en sortant une observatrice présente à l'audience.
La soumission chimique constitue, selon la magistrate, une circonstance aggravante au crime de viol. Comment imaginer que Gisèle Pelicot ne se soit rendue compte de rien, s'interroge-t-elle, avant de répondre, le ton soudain plus grave : "Elle ne s’est pas rendu compte de rien ! Elle avait des symptômes physiques nombreux (...) douleurs dans le bas-ventre, hémorroïdes, infections vaginales," rappelant qu'à l'époque aucune investigation toxicologique n’avait été menée par les médecins.
À l’issue de son long réquisitoire, Laure Chabaud réclame donc pour le crime de viol aggravé, vingt ans de réclusion soit la peine maximale, à l'encontre de Dominique Pelicot. Un "plafond de verre" qui servira, dit-elle, d'étalon aux peines des autres coaccusés : "Vingt ans entre quatre murs, ce n'est pas rien, mais c'est peu", au regard de la gravité des faits, étant estimé que l'époux de Gisèle Pelicot "ne souffre d’aucune pathologie mentale et a parfaitement connaissance des interdits sociaux".
Assise derrière ses deux avocats, Antoine Camus et Stéphane Babonneau, Gisèle Pelicot écoute avec attention et de temps en temps hoche la tête, comme pour approuver. Lorsque l'avocate générale affirme que la question du consentement n’a été évoquée “ni avant, ni après “, on peut lire sur ses lèvres les mêmes mots, en même temps qu'ils sont énoncés par l'avocate générale, comme si elle connaissait tout cela par cœur.