Infographie. Présidentielle 2022 : ces médecins qui désertent les territoires ruraux, exemple dans le Vaucluse

Ma France 2022 décrypte les sujets qui vous préoccupent au quotidien pour l'élection présidentielle. Durant plusieurs jours nous nous sommes rendus dans le Vaucluse, où l'accès aux soins devient très compliqué dans certaines zones du département. On vous explique pourquoi nous avons choisi de mettre en lumière ce territoire.

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Il y a crise, dans le Vaucluse. La crise sanitaire du Covid-19, la 5e vague qui bat son plein, le variant Omicron qui prend ses quartiers... et la pénurie de médecins. Un problème de fond, qui se creuse depuis plusieurs années en France. 
C'est pourquoi nous nous associons à France Bleu et sa grande consultation citoyenne baptisée #MaFrance2022 en partenariat avec Make.org. C'est un espace d'expression qui vous permet de formuler vos propositions et/ou voter pour celles des autres et de faire entendre votre voix dans le débat citoyen.
Et il semblerai que les questions autour de la disparité des soins vous interrogent. Comme Christian qui souffre d’une fibrose pulmonaire dont le médecin va partir à la retraite. 
Nous avons choisi de voir cela dans un territoire, celui du Vaucluse, mais avant de s’y immerger, état des lieux.

Un territoire aux fortes disparités

D'une surface de 3.567 km2, le Vaucluse est le plus petit département de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. C'est un département contrasté entre zones urbaines et rurales, plaines, plateaux et territoires de montagne.

L'Ouest, le grand Avignon et le pays des Sorgues sont des plaines fortement urbanisées, qui rassemblent les cinq plus grandes villes du département : Avignon, Cavaillon, L'Isle-sur-la-Sorgue, Carpentras et Orange. A l'inverse, le pays du Mont-Ventoux, à l'est du département, est une zone de plateaux et de montagnes plus isolés. 

Au 1er janvier 2021, selon les estimations de l'Insee, le département comptait 560.719 habitants, une démographie en augmentation 2,09 % par rapport à 2013. La densité est de 156,9 habitant au kilomètre carré. Cette densité globale cache cependant d'importantes disparités.

Sur les 151 communes que comprend le département, 53 ont, en 2018, une population supérieure à 2.000 habitants, 25 ont plus de 5.000 habitants, 12 ont plus de 10 000 habitants et une seule dépasse les 50.000 habitants : Avignon. 

Pour simplifier, plus des deux tiers de la population vauclusienne résident dans une des cinq principales villes du département. Et comme dans toute la France, la population du Vaucluse vieillit. La part la plus importante de la population a entre 45 et 50 ans, viennent ensuite les personnes âgées de 60 à 74 ans. 

En 2028, d’après les projections de l’INSEE, plus de 77.000 personnes seront âgées de 75 ans ou plus dans le département, contre moins de 55.000 en 2014. Elles représenteront alors 12,8 % de la population du Vaucluse.

Comme le note l'Observatoire Régional de la Santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, en 2028, plus de 8.500 personnes âgées de 75 ans ou plus seraient en perte d’autonomie sévère à domicile, et auront donc, un besoin accru de soins.

La population vieillit, et les médecins aussi

Les médecins installés dans le département, généralistes et spécialistes confondus, ont en moyenne 52 ans (51,9). C'est au-dessus de la moyenne nationale (50,7). Aussi, plus de la moitié des cabinets sont ouverts depuis près de 30 ans (51,2% ont ouvert avant 1995).

L'âge moyen atteint même 60 ans dans le canton du Cadenet, au sud du département, selon les données de l'Ordre des médecins.

Faute de remplaçants, ils sont également de plus en plus nombreux à continuer de travailler après l'âge légal de la retraite : 236 en 2021 dans tout le Vaucluse, soit 11% des actifs et quatre fois plus qu'en 2010.

Autre chiffre parlant, l'âge moyen de départ à la retraite des médecins actifs au 31 décembre 2020 est de 70 ans dans le Vaucluse.

Vers une pénurie de médecins

En France, "80% des cantons ont vu baisser leur densité médicale et pour 30% la baisse est de plus d'un tiers", peut-on lire dans les conclusions de "L'étude sur l'état des lieux de la santé des territoires ruraux" commandée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et réalisée par Emmanuel Vigneron, docteur à l'EHESS et spécialiste des déserts médicaux.

Le Vaucluse n'y échappe pas. Une désertification médicale particulièrement grave, compte tenu des besoins médicaux en hausse, notamment en raison du vieillissement de la population.

Ils sont aujourd'hui 838 dans le département, soit 149 médecins généralistes pour 100.000 habitants, contre 317 en moyenne en France.

Mais là encore, certaines zones sont particulièrement touchées par la désertification médicale. Si l'on prend l'exemple du canton du Cadenet, il ne reste que 10 médecins pour près de 16.000 habitants en 2022.

Et si aucune solution n'est apportée, il pourrait ne rester que 7 médecins pour 18.095 habitants en 2025, selon les projections de la CPTS Santé Lub.

Pour les petites communes, comme Lauris, où il ne reste que deux médecins généralistes pour 4.000 habitants, une des solutions pourrait être la télémédecine. Mais le Vaucluse accuse un retard conséquent sur ce point. 

Selon "L'étude sur l'état des lieux de la santé des territoires ruraux", on compte entre septembre et mars 2020 moins de 7.000 téléconsultations contre 12.000 en moyenne en France sur cette même période. 

Les médecins généralistes sont les premiers touchés par la pénurie mais le problème se généralise. En Vaucluse, il manque 6 radiologues pour répondre aux besoins en scanner, IRM, mammographie, rapporte le Dauphiné. Des délais d’attente de plus de 6 mois sont donc mis en place contre un à deux auparavant.

Le desserrement du numerus clausus ne produira ses effets qu’en 2027, puisqu'il faut 10 ans pour former un médecin. En attendant, certaines communes pourraient se retrouver isolées.

Une enquête menée par l'association UFC-Que Choisir en 2019 montre que près de 8% des patients dans le Vaucluse n'ont pas de médecin pour suivre leur parcours de soin. Ils se tournent alors vers les urgences, quand elles ne sont pas trop loin... 

Le problème de la distance d'accès aux hôpitaux

En France, selon le ministère de la Santé, la plupart des médecins spécialistes libéraux et les équipements médicaux les plus courants sont accessibles en moyenne à moins de 20 minutes par la route.

Concernant les soins hospitaliers courants, 95% de la population française pourrait y accéder en moins de 45 minutes, les trois-quarts en moins de 25 minutes. 

Mais les ruraux sont toujours plus éloignés des services d'urgence. Plus de 6 millions d’habitants vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence et 75 % d’entre eux vivent en milieu rural.

Dans le Vaucluse, il existe 24 établissements de santé dont 16 hôpitaux publics et huit cliniques privées. La plupart de ces structures se situent dans les principales villes, comme Avignon, Apt ou Carpentras. 

Pour les habitants de Lauris, dont le centre hospitalier intercommunal Roquefraiche est voué à fermer en 2024, il faudra bientôt faire 30 minutes de voiture pour se rendre à l'hôpital le plus proche, à Cavaillon. 

Pour répondre à cette problématique de désertification médicale, des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) se sont formées partout en France et dans le Vaucluse. Leur rôle : fédérer un réseaux de professionnels de santé pour faciliter l'accès aux soins sur un territoire dans le but ultime de désengorger l'hôpital. 

Le 25 novembre dernier, la CPTS Santé Lub, qui couvre notamment l'ancien canton de Cadenet, s'est réunie en présence des maires du territoire pour mettre en place des actions afin d'améliorer rapidement la situation.

De nombreux départs à la retraite ont marqué le passage en 2022 et des milliers d'habitants se retrouvent retrouver sans suivi médical sur ce territoire. 

Les Maisons de santé pluriprofessionnelles prennent le relai 

Pour ne pas se retrouver dans l'impasse, les maisons de santé pourraient être une des solutions. C'est ce qui a été mis en place à Beaumes-de-Venise, maison de santé inaugurée par Olivier Véran aux côtés du président de la région, Renaud Muselier, le 16 décembre dernier.

Cette maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), créée avec l'aide de l'Etat et de la région, regroupe une vingtaine de praticiens : deux médecins généralistes, 11 infirmières, deux kinésithérapeutes, deux ostéopathes, un pédicure/podologue, une orthophoniste, une psychologue, un sophrologue et un réflexologue. Un troisième médecin généraliste et son infirmière praticienne devraient rejoindre prochainement l'équipe.

Le ministre de la Santé Olivier Véran était en visite à Carpentras et Beaumes-de-Venise dans le cadre de la lutte contre la désertification médicale. Il a notamment promis 1,5 milliards d'euros pour les établissements de santé en Paca.

Une somme qui servira principalement à des rénovations constructions d'hôpitaux et Ehpad dans la région. C'est le cas de l'hôpital d'Avignon qui devrait recevoir une aide de 60 millions d'euros pour sa modernisation. 

Carte d'identité du Vaucluse

D'après les dernières données de l'Insee, le salaire moyen mensuel des habitants du département est de 2.123 euros net (14 euros en horaire). 

La population active en 2018 comptait de 335.874 personnes soit 73,4% de la population. Au 3e trimestre de 2021, le taux de chômage du Vaucluse était de 10,5%. Les cadres et professions intellectuelles supérieures (CSP) constituent 11,7% de la population active. 

Le Vaucluse compte 18.000 bénéficiaires du RSA. Un habitant sur cinq vit sous le seul de pauvreté, soit avec moins de 1.102 euros par mois, selon les dernières statistiques nationales. Le taux de pauvreté est donc de 20%. Ce qui classe le Vaucluse à la 5e position des départements les plus pauvres de France métropolitaine. 

Aux dernières élections présidentielles, dans le Vaucluse, 53,45% de la population a voté pour Emmanuel Macron au second tour contre 46,55% pour Marine Le Pen. LA participation était de 76,61%.

Trois des cinq députés sortants sont parvenus à se faire élire aux législatives : Jean-Claude Bouchet (LR), Julien Aubert (LR), Jacques Bompard (ligue du Sud). Deux députés En Marche sont également plébiscités : Jean-François Cesarini et Brune Poirson.

Au cœur des préoccupations pour 2022

Accès aux soins pour tous, manque de moyens dans les hôpitaux, désertification médicale... ces préoccupations nous sont revenues sur Ma France 2022, une grande consultation citoyenne lancée pour donner la parole aux Français sur leurs attentes dans le cadre de la présidentielle.

Nous rendrons compte de ces préoccupations quotidiennes en allant à la rencontre de citoyens, dans leur quartier. Chaque semaine, nous allons interroger les habitants sur une thématique qui est ressortie de la consultation.

Après nous être rendus dans les quartiers nord de Marseille, nous poursuivons cette série Ma France 2022 par une immersion dans le sud du Vaucluse, plus précisément dans l'ancien canton de Cadenet. Un territoire d'environ 17.000 habitants répartis sur sept communes particulièrement touchées par la désertification médicaleCadenet, Cucuron, Lauris, Lourmarin, Puyvert, Vaugines, Villelaure.

Jusqu'à la présidentielle, vous avez la parole dans ces deux territoires de la région, mais aussi dans les Hautes-Alpes pour connaître leurs attentes avant l'échéance électorale.

A la fin de chacun de nos articles, vous trouverez un formulaire pour vous aussi participer à cette grande consultation.

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