Des capsules abandonnées par dizaines dans les espaces publics. Le protoxyde d'azote, un gaz hilarant utilisé entre autres dans les siphons de crème chantilly, est détourné notamment par les jeunes pour ses effets secondaires. Le préfet des Alpes-Maritimes vient d'en interdire la vente aux mineurs.
La ville de Cannes avait déjà interdit la consommation du protoxyde d’azote et sa vente aux mineurs, en raison de ses dangers sanitaires, environnementaux et sociétaux.
Ce mercredi 14 octobre, le préfet des Alpes-Maritimes vient d'en interdire la vente aux mineurs sur tout le département.
Communiqué de presse du 14/10/20 ?
— PréfetAlpesMaritimes (@prefet06) October 14, 2020
Arrêté interdisant la vente de protoxyde d'azote aux mineurs ainsi que son usage dans l'espace public⬇️
L'arrêté➡️(p.21 n°2020-711) https://t.co/3V0DWQdGW6 pic.twitter.com/xIV525lRlI
L' arrêté interdit :
> La vente de protoxyde d’azote aux mineurs, son usage dans l’espace public ainsi que l’abandon de cartouches de protoxyde d’azote sur la voie publique et ce, jusqu’au 6 juillet 2021 dans tout le département.
A Cannes, déjà interdit
"J’ai décidé de prendre le 29 juin dernier deux arrêtés interdisant à Cannes leur consommation ainsi que leur vente aux mineurs." - David Lisnard Maire de Cannes.
Jusqu’au 30 septembre, les commerces avaient interdiction d’en vendre aux mineurs alors que la détention et la consommation sont également proscrites en centre-ville.
"On se retrouve face à un vide juridique. En attendant une loi, le maire a préféré prendre les devants alors que nous voyons le phénomène se généraliser, explique à 20 Minutes le directeur de la police municipale, Yves Daros. Des groupes se forment et en consomment."
Depuis le début de cette interdiction, des saisies se font et la verbalisation s'accélère.
La nuit du 3 au 4 août, un vendeur suspecté, dont le véhicule contenait 2.048 capsules de protoxyde d’azote et des percuteurs a été interpellé.
Le maire de Mandelieu-La Napoule a aussi pris un arrété d’interdiction de détention et de consommation. Un texte pris dans un premier temps jusqu’au 31 octobre pendant toute la période de fréquentation estivale et d’arrière-saison propice aux regroupements festifs, au cours desquels de tels abus sont plus fréquemment constatés.
« Je suis déterminé à éradiquer du territoire communal cette pratique totalement néfaste pour la santé des utilisateurs et catastrophique pour l’environnement de notre ville ».
Les capsules brillantes à Marseille aussi
Impossible de passer sans les voir. Reflétant l'éclat du soleil dans les caniveaux du quartier Mourepiane ou Saint-Henri à Marseille, les capsules brillantes, vides, jonchent le sol par dizaines, avec ici où là quelques ballons de baudruche.
"Depuis quelques semaines on en voit tous les jours, et beaucoup", explique un habitant du quartier.
Des groupes de jeunes adultes ne s'en cachent d'ailleurs pas. On peut les croiser plusieurs fois par jour et le soir, versant puis inhalant dans des ballons le contenu des cartouches.
En vente libre pour les siphons d'appareils à crème Chantilly
Pas de quoi se cacher en effet : ces cartouches contenant du gaz, le protoxyde d'azote (N2O), sont accessibles en vente libre, environ 50 centimes pièce, dans les épiceries et les supermarchés.
Elles sont utilisées notamment dans les siphons d'appareils à Chantilly, mais aussi détournées en raisons des effets euphorisants du protoxyde d'azote, dont la consommation peut avoir des conséquences graves.
En 2019, des dizaines de cas d'effets sanitaires ont été signalés, dont au moins huit cas d'atteintes neurologiques graves, principalement dans la région Hauts-de-France.
Sur son compte Twitter, la préfecture des Alpes-Maritimes évoque "des signalements provenant des services de police et de gendarmerie faisant état d'une recrudescence de l'usage détourné (consommation) de cartouches de protoxyde d'azote".
Risques de troubles neurologiques
La préfecture évoque des dangers liés à la mise en danger de la vie d'autrui, en raison de la distorsion des perceptions et des risques d'accidents, ainsi que des risques de troubles neurologiques.
? Communiqué de presse - Usage détourné du protoxyde d’azote (N2O) – mise en garde ⤵️
— PréfetAlpesMaritimes (@prefet06) June 8, 2020
Pour accéder au lien indiqué dans le communiqué ➡️ https://t.co/Ya5Rq4dtCr pic.twitter.com/mQ3gXSkdkm
Des risques immédiats, "asphyxie par manque d'oxygène, perte de connaissance, risque de chute, d'étouffement", ou liés à une utilisation régulière tels que "atteintes du système nerveux et de la moëlle épinière, troubles psychiques", sont ainsi évoqués.
En novembre 2019, la Direction générale de la Santé et la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie avaient déjà publié une mise en garde. Et début 2019, le centre d'addictovigilance avait signalé un "usage récréatif inquiétant".
Le N2O, à la mode et facile d'accès
"La consommation de gaz euphorisant et hilarant n'est pas nouvelle", précise Christophe Lançon, responsable du service addictologie à l'APHM, Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille.
"En revanche, le phénomène du moment, c'est le détournement de ces capsules à usage ménager", précise le professeur, qui alerte par ailleurs lui aussi sur les risques physiques et psychiques.
"Les complications sont liées au fait que les substances du protoxyde d'azote, inhalées, sont absorbées immédiatement par les muqueuses respiratoires et passent très vite dans le sang et dans le cerveau".
Un effet shoot très rapide, qui ne dure d'ailleurs qu'une vingtaine de secondes et incite à des reprises rapides.
La consommation de ces substances psychoactives peut ainsi entraîner au niveau physique, tachycardie, troubles cardio-vasculaires, et neurologiques (désorientation, vertiges).
A tel point que la vente aux mineurs, y compris sur les sites de commerce en ligne, est dans le collimateur du Sénat. Une proposition de loi a été adoptée. Elle doit encore être soumise à l’Assemblée nationale.
Le chef du service addictologie signale aussi de possibles effets psychiques (états délirants, confusion).
"Chez certaines personnes la consommation de ce type de substance psychoactive peut même accélérer l'appartition de troubles psychiatriques", précise Christophe Lançon.
A ce jour, les services d'addictologie n'ont pas enregistré de recrudescence de fréquentaion en lien avec la consommation de protoxyde d'azote. Mais les agences régionales de santé sont alertées.
Les consultations jeunes consommateurs et drogue-info-service proposent des dispositifs découte de conseil et d'aide à distance.